En définitive, lorsque, fin avril, la deuxième phase s'esquisse, celle de la fixation de l'augmentation de la masse salariale, la négociation tourne court. Le gouvernement vient d'annoncer son intention de demander les pouvoirs spéciaux, et les syndicats se préoccupent surtout d'organiser leur riposte par une grève générale de vingt-quatre heures.

Le vendredi 12 mai, veille du week-end de la Pentecôte, c'est presque dans l'indifférence que les intéressés apprennent les pourcentages définitifs de progression : + 5,10 % pour les mineurs, + 5,20 % pour les cheminots et les électriciens, + 5,40 % pour les agents de la RATP.

Mais le problème se trouve, en fait, presque dépassé.

Et faute de confiance réciproque le mécanisme se révèle bloqué, peut-être définitivement cassé.

Les conditions de travail

Relativement mous sur les salaires, les salariés du secteur public se montrent, en revanche, très sensibles aux conditions de travail, pour lesquelles aucune instance de négociation n'existe.

À la SNCF, sur les huit grèves qui se déroulent entre janvier 1966 et l'été 1957, la moitié sont imputables aux seuls roulants. À la RATP, à l'automne 1966, les agents du réseau ferré déclenchent coup sur coup deux arrêts de travail. Dans les deux cas sont mis en avant l'amplitude de la journée de travail, la fatigue nerveuse, le nombre des jours de repos accordés pour le travail des dimanches et jours fériés.

Aux PTT, où le trafic postal a beaucoup augmenté, une série de débrayages a lieu. Partout les salariés de l'État rejoignent ceux du secteur privé : ils veulent certes gagner plus, mais surtout vivre mieux ; passer les fêtes en famille, profiter des week-ends, bref, se conformer au mode de vie que leur suggère la société de consommation.

Le secteur privé

Le dossier des relations sociales dans le secteur privé comporte deux volets bien distincts : celui des problèmes généraux pris au niveau du CNPF ; celui des crises sectorielles locales liées aux transformations des structures industrielles. Il se découpe aussi en deux phases bien tranchées : l'une, jusqu'à février-mars 1967, où les confédérations syndicales s'efforcent d'obtenir une négociation d'ensemble au sommet, avec le CNPF, l'autre à partir des conflits Dassault et Rhodiacéta, où les affrontements locaux sont l'occasion de conflits longs et durs.

Signes de détente

À l'automne 1966, la CGT et la CFDT n'ont, sans doute, pas reçu de réponse positive aux trois lettres adressées au président du CNPF depuis le début de l'année. Mais des signes de détente se manifestent. Le 23 mai, le Groupe parisien de la Métallurgie a signé un accord sur la revalorisation des minimums garantis. Çà et là, des discussions s'esquissent : chez Renault, Neyrpic, Berliet...

Au total, de novembre à fin février, six accords d'entreprises ou conventions locales sont signés ; 35 accords de salaires sont conclus au niveau d'entreprises isolées ou de branches entières ; enfin, une quinzaine de conventions collectives départementales et 75 avenants bénéficient d'une procédure d'extension (ne portant, il est vrai, pour les trois quarts que pour des professions agricoles aux effectifs limités).

Cependant, peu de négociations d'ensemble se sont instaurées. Les discussions se sont cantonnées le plus souvent aux salaires, avec un double objet : une revalorisation effective des rémunérations de l'ordre de 4 à 5 % en moyenne par an (plus de 8 % pour le personnel des organismes de Sécurité sociale), un relèvement plus substantiel des minimums garantis, d'autre part.

Dans la métallurgie parisienne, après deux relèvements (mai et novembre), les barèmes contractuels se trouvent relevés de 33 %, laissant toutefois encore subsister un écart de 25 % par rapport à la réalité.

À tous les niveaux

Dans ce contexte, la lettre adressée à FO par l'Union des industries métallurgiques et minières, le 26 janvier, révèle un nouveau pas positif. Il n'est pas formellement question de « négociations », mais l'idée est avancée d'un examen de cinq questions : barèmes des salaires, diminution progressive de la durée du travail, indemnisation complémentaire de la maladie, pécule de vacances, protection de l'emploi.