prédestination
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin praedestinatio.
Philosophie Générale, Philosophie de la Religion
Doctrine selon laquelle Dieu aurait par avance élu certaines créatures indépendamment de leur foi et de leurs œuvres. Cette doctrine met en jeu la question de la grâce et la question du libre arbitre.
On trouve dans l'Ancien Testament l'idée que le peuple d'Israël a été élu par Dieu, prédestiné(1). Toutefois c'est dans sa formulation paulinienne et dans les lectures qui en ont été faites que ce thème devient doctrine : ainsi dans l'Épître aux Éphésiens, Saint Paul écrit-il : « Car c'est par la grâce que vous êtes sauvés en vertu de la foi ; et cela ne vient pas de vous puisque c'est un don de Dieu »(2). Le thème de la prédestination s'enracine donc dans l'idée d'un don gratuit de Dieu. Saint Augustin dans son combat contre le pélagianisme reprend cette doctrine : en insistant sur les mérites et la vertu des hommes, les pélagiens menacent la notion de grâce ; selon saint Augustin(3), il faut donc en rappeler l'irrésistibilité. Une telle affirmation s'oppose cependant à d'autres thèmes de la foi, comme ceux de la liberté humaine ou encore de l'universalité du Salut. C'est pourquoi Albert le Grand, saint Thomas ou encore Duns Scot s'efforcent de concilier liberté de l'homme et souveraineté de Dieu. Ainsi Thomas d'Aquin définit-il la prédestination comme « le projet de conduire jusqu'à la vie éternelle la créature raisonnable », ou encore comme « un certain plan conçu dans l'esprit divin de l'ordination de certains au salut éternel »(4), et distingue le point de vue global selon lequel la bonté divine est l'unique cause de la prédestination et le point de vue particulier selon lequel il est possible d'affirmer que Dieu a préordonné de donner à quelqu'un la grâce afin qu'il mérite la gloire. Il s'efforce donc de concilier gratuité divine et coopération de l'homme, tout en rejetant la position pélagienne. Pendant la Réforme et au siècle suivant, cette question donne lieu à des débats théologiques et philosophiques importants : ainsi Calvin revient sur la double prédestination des élus et des réprouvés en posant la prédestination comme un « décret éternel et inviolable de Dieu »(5) ; gomanstes et arminianistes, jansénistes(6) et jésuites s'affrontent sur le sujet.
Elsa Rimboux
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Exode, III.
- 2 ↑ Saint Paul, Épître aux Éphésiens, II, 8. Voir aussi : Épître aux Romains, VIII, 28-30.
- 3 ↑ Saint Augustin, De gratia et libero arbitrio, in Œuvres complètes, Desclée de Brouwer, Bibliothèque augustinienne, Paris, 1956, vol. XXIV. Voir aussi : De dono perseverantiae et De praedestinatione sanctorum in Œuvres complètes, Desclée de Brouwer, Bibliothèque augustinienne, Paris, 1956, vol. XXIV.
- 4 ↑ D'Aquin, T., Somme théologique, I, 23, 1-5, trad. A.-M. Roguet, Cerf, Paris, 1984.
- 5 ↑ Calvin, Institution de la religion chrétienne, livre III, chap. XXI, 5.
- 6 ↑ Pascal, B., Les Provinciales ou encore Les écrits sur la grâce, in Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1954, pp. 667-1044.
- Voir aussi : Leibniz, G.W., Essais de Théodicée, éd. J. Brunschwig, Garnier-Flammarion, Paris, 1969.
- Malebranche, N., Traité de la nature et de la grâce, in Œuvres complètes, éd. Genoude et Lourdoueix, De Sapia, Paris, 1837.
