néoplatonisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».

Philosophie Antique, Philosophie Médiévale

1. Au sens strict, ce mot – d'invention récente(1) – désigne le courant philosophique inauguré par Plotin (205-270), et dont les continuateurs furent Porphyre (234-v. 300), Jamblique (v. 250-330), Proclus (412-485) et Damaskios (v. 462-v. 538). – 2. Au sens large, doctrine qui, tout en distinguant différents niveaux de réalité, les rattache tous à un principe unique transcendant et ineffable en lequel toute chose est susceptible de s'absorber.

Bien que Plotin et ses successeurs ne se soient jamais dits que platoniciens, l'originalité de leur « platonisme » justifie leur désignation comme néoplatoniciens. À la séparation de l'intelligible et du sensible, ils ajoutent une séparation tout aussi tranchée entre l'intelligible et l'Un : comme l'Idée du bien platonicienne, l'Un est principe et fin de tout ce qui existe, mais il est d'une transcendance si absolue par rapport à tout ce qui pourtant procède de lui, que rien ne peut en être dit ni su, au point qu'il est absolument ineffable. En outre, le sensible ne figure même pas au nombre des « hypostases », ou réalités entre lesquelles est répartie la totalité de ce qui est, à savoir l'Un, l'Intellect et l'Âme : ce n'est pas sa matière qui fait la réalité du monde sensible, mais les formes intelligibles. Ainsi la totalité de l'être est-elle de nature psychique, intellective ou spirituelle, ce qui explique que, de même qu'il n'est rien qui ne procède en dernière analyse de l'Un, il n'est rien qui ne puisse en définitive y retourner. Dans une telle conception, le statut de la matière reste évidemment problématique : pour faire du néoplatonisme un monisme complet, il faut concevoir une génération de la matière elle-même à partir de l'Un.

Sans que ce schéma soit jamais remis en question, les successeurs de Plotin s'affrontèrent sur la question de la compatibilité de la transcendance de l'Un avec son rôle de principe générateur de l'Univers, et sur celle de l'existence et de la nature d'êtres intermédiaires entre les différentes hypostases ; la multiplication de ces intermédiaires entraîna l'évolution du système vers une théologie associée à des pratiques théurgiques censées favoriser le retour de l'âme aux hypostases supérieures. Le néoplatonisme apporta ainsi une caution philosophique à l'ensemble des cultes païens (et non seulement grecs), dont, sous le nom d'« hellénisme », il se fit le défenseur face à un christianisme de plus en plus menaçant et, pour finir, triomphant.

Les successeurs de Plotin consacrèrent également une grande part de leur activité à commenter les œuvres de Platon et d'Aristote. C'est ainsi que les commentaires du dernier d'entre eux, Simplicius (vie s.), tant par l'exposé des opinions de ses prédécesseurs que par l'abondance de ses citations d'œuvres par ailleurs perdues, comptent parmi nos sources les plus importantes concernant l'histoire de la philosophie antique.

L'accent mis par le néoplatonisme sur la transcendance du premier principe explique son influence non seulement sur les premières formulations philosophiques du christianisme, mais aussi, plus tard, sur la philosophie médiévale, aussi bien dans sa version musulmane que dans sa version chrétienne, ou scolastique, malgré son inspiration aristotélicienne. Encore diffuse chez des postcartésiens comme Malebranche, cette influence est en revanche explicite, au xviie s., chez les « platoniciens de Cambridge ».

Michel Narcy

Philosophie de la Renaissance

Le « platonisme » professé à la Renaissance par Ficin (1433-1499), auteur de la première traduction latine intégrale de Platon (en 1482) et de Plotin (en 1492), et fondateur de l'Académie florentine, fut une résurgence du néoplatonisme au sens strict, surtout dans sa version tardive, associant la transcendance absolue de Dieu et la multiplication des degrés intermédiaires entre les extrêmes de l'échelle de l'être. L'originalité du platonisme humaniste tient à la position centrale qu'il donne à l'homme sur l'échelle des êtres, et aux modalités selon lesquelles il peut opérer la remontée vers l'Un. Médiatrice entre l'intelligible et le sensible, l'âme humaine participe des différents niveaux de l'être sans pouvoir s'y réduire : c'est par elle qu'ils se nouent et ne restent pas seulement juxtaposés. Toutefois, l'âme ne se borne pas à lier, mais elle exerce également une fonction productive : porteuse de l'image des choses divines et des exemplaires des choses inférieures, elle est le lieu des semences (semina) des choses, et les produit donc toutes. Pour Ficin, l'homme doit et peut participer, comme un nouveau démiurge, à la réformation du cosmos, qui lui semble pris dans un procès de corruption et de difformité(2).

Le platonisme humaniste envisage la remontée vers l'Un comme un mouvement actif et volontaire de l'âme humaine : le moment le plus haut n'en est pas l'abandon dans l'ekstasis, mais la rencontre amoureuse entre Dieu et l'homme. Ficin, par son célèbre Commentaire sur le Banquet de Platon (en particulier V, 6 et 8), est l'initiateur d'une conception de l'amour dans laquelle celui-ci, force volontaire et active, affective, à même de nouer ce qui est loin, permet la remontée vers Dieu. Cette conception devient rapidement un thème majeur de la Renaissance, nourrissant également la peinture et la poésie. Après Ficin, les platoniciens humanistes radicalisent la fonction de l'amour, qui n'est pas seulement médiateur, mais opère une véritable fusion avec l'objet aimé : de véritables métaphysiques de l'amour sont élaborées, qui présupposent l'animation universelle des choses et une radicale continuité entre les différents degrés de l'être, y compris entre la matière et l'esprit. Dans ce cadre se situent Patrizzi avec sa Philosophia nova (1591) et Bruno avec De la causa, principio et uno (1584), mais, pour le premier, le principe qui anime tout l'Univers et permet l'amour est psychique, tandis que, pour le second, anticipant Spinoza, il y a identité entre Dieu et la nature : l'infini devient ainsi le caractère propre de la nature, et non plus de Dieu. La fusion amoureuse est également un moment d'identification avec la divinité de la nature, illustrée, dans De gli eroici furori (1585), par la fable d'Actéon : de même qu'Actéon, coupable d'avoir vu le corps nu de Diane, fut transformé en cerf, devenant ainsi, de chasseur, chassé, de même l'âme, cherchant à voir la nature dans sa nudité, dans son unité, peut devenir à son tour la nature.

Fosca Mariani Zini

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Vogt, K., Neoplatonismus und Christentum, Berlin, 1836.
  • 2 ↑ Ficin, M., Théologie platonicienne de l'immortalité des âmes, III, 2, éd. et trad. R. Marcel, Les Belles Lettres, Paris, 3 vol., 1964-1970.
  • Voir aussi : Bruno, G., Œuvres complètes, Les Belles Lettres, Paris, 1993.
  • Dagron, T., Unité de l'être et dialectique. L'idée de philosophie naturelle chez G. Bruno, Vrin, Paris, 1999.
  • Ficin, M., Commentaire sur le Banquet de Platon, éd. et trad. R. Marcel, Paris, 1956 ; Théologie platonicienne de l'immortalité des âmes, op. cit.
  • Garfagnini G. (éd.), Marsilio Ficino e il ritorno di Platone, Firenze, 2 vol., 1986.
  • Hadot, P., Plotin ou la simplicité du regard, Gallimard, Folio, Paris, 1997.
  • Hadot, P., Plotin, Porphyre : études néoplatoniciennes, Les Belles Lettres, Paris, 1999.
  • Hankins, J., Plato in the Italian Renaissance, Leyde, 2 vol., 1990.
  • Marcel, R., Marsile Ficin (1433-1499), Les Belles Lettres, Paris, 1958.
  • Plotin, Ennéades (l'édition avec la traduction d'É. Bréhier [Les Belles Lettres, Paris, 1924-1938] est aujourd'hui dépassée ; une nouvelle traduction est en cours, sous la direction de P. Hadot, Paris).
  • Taormina, D., Jamblique, critique de Plotin et de Porphyre : quatre études, Vrin, Paris, 1999.

→ âme, cosmologie, Dieu, humanisme, hypostase, intellect, microcosme-macrocosme, un