intellection

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin intellectio.

Philosophie Cognitive

Acte de connaître par l'entendement pur ce qui ne relève pas de la sensibilité ou de l'expérience.

On appelle intelligible ce qui ne peut être saisi que par l'intellect, c'est-à-dire par la faculté de connaître par concepts. Pour que l'on puisse parler d'intellection, il n'est pas nécessaire de poser, comme Platon, l'existence d'un monde séparé d'essences intelligibles : il suffit de montrer l'impossibilité pour l'expérience sensible de donner lieu, seule, à une connaissance.

C'est ainsi que l'intellection devient dans la philosophie moderne l'acte qui sépare les empiristes des innéistes : comme le montre Descartes, connaître passe certes par la rencontre d'une chose par le moyen des sens, mais rien de ce que nous transmettent nos sens ne nous permet d'identifier la chose, de la faire « distinctement connaître », puisque tout ce que nous percevons est sujet au changement. Et puisque ce n'est pas l'imagination qui nous fournira le concept par le moyen duquel nous pourrons connaître, il faut en conclure à l'existence en nous d'une faculté innée d'« inspection de l'esprit »(1). L'intellection est alors une faculté de viser la substance (res extenso) parce qu'elle est faculté de se viser comme substance (cogito).

« Mais ces substances sont aussi des essences dans l'esprit divin : comme objets de l'intellection divine, elles sont intégralement intelligibles. Le monde est en effet selon cette doctrine « intelligé » avant que d'être : si, contrairement à Descartes, on considère que le principe de raison qui le structure est accessible à notre propre pensée, alors l'univers entier devient de droit l'objet de notre intellection, bien que de fait Dieu seul, disposant d'un intellection infini, parvienne en un coup d'œil à cette intelligibilité absolue »(2).

Mais l'intellect humain ne peut connaître qu'en association avec la sensibilité. Kant réduit ainsi l'intellection à la seule activité conceptuelle, incapable d'engendrer à elle seul une connaissance matérielle. L'activité de l'entendement est ainsi la simple liaison, sous les concepts qu'il produit, du divers donné par la sensation, et on peut par là opérer une distinction entre l'intellectuel et l'intelligible : « Ce qui est intellectuel, ce sont les connaissances qui tout en étant l'œuvre de l'entendement concernent également notre monde des sens ; ce qu'on qualifie d'intelligibles, ce sont des objets en tant qu'ils peuvent être représentés simplement par l'entendement et qu'aucune de nos intuitions sensibles ne peut s'y rapporter »(3).

Sébastien Bauer

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Descartes, R., Méditations métaphysiques, méditation 4ème, éd. 1992, GF-Flammarion, Paris.
  • 2 ↑ Leibniz, G. W., « Sur la synthèse et l'analyse universelles » (1683-1686), tr. L. Clauzade et J.-B. Rauzy, dans Recherches générales sur l'analyse des notions et des vérités, Paris, PUF, 1998, p. 135 sq.
  • 3 ↑ Kant, E., Prolégomènes, § 34, note 9, tr. L. Guillermit, Paris, Vrin, 1988, p. 88.

→ entendement, idée, noumène, sensibilité