noumène

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec nouménon, « ce qui est pensé ».

Philosophie Générale

Ce qui, dans une chose, ne peut être perçu par l'intuition sensible, par opposition au phénomène.

Bien qu'il se trouve déjà dans la pensée platonicienne (nouménon), où il désigne ce qui ne peut être saisi que par l'intellect, les idées, le terme relève plutôt du vocabulaire kantien, dans lequel il se distingue du phénomène. Kant distingue la « chose en soi », qui est la chose en dehors de tout rapport avec un sujet cognitif, « l'objet transcendantal », corrélat de l'aperception transcendantale qui correspond à l'objet en général, cadre indéterminé (= X) de toute synthèse objectivante, et le noumène. Celui-ci ne désigne pas l'en-soi de la chose, mais son rapport à l'intuition, en deux sens : « si nous entendons par noumène une chose en tant qu'elle n'est pas objet de notre intuition sensible (...), c'est alors un noumène pris dans le sens négatif. Si en revanche nous entendons par là un objet d'une intuition non sensible, (...) il s'agira alors du noumène pris dans le sens positif. »(1). Or, l'intuition intellectuelle n'est pas possible pour nous, donc le noumène est le concept négatif résultant de l'attitude critique, qui limite le champ de l'expérience possible. Cependant, même s'il ne peut être connu au niveau spéculatif, le noumène permet d'atteindre la « causa noumenon »(2) comme concept de l'être doué de volonté libre. La liberté est une réalité nouménale qui, bien que ne pouvant être connue au niveau théorique, peut être découverte dans son effet, la loi morale, dont elle est condition de possibilité.

Bachelard reprend le terme pour tenter de penser une « méta-microphysique »(3), qui serait une métaphysique positive. La microphysique ne travaille plus sur des phénomènes perçus mais sur des structures nouménales construites mathématiquement et qui s'expérimentent.

Didier Ottaviani

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Critique de la raison pure (1781-1787), « Analytique des principes », 3, trad. Renaut, A., Flammarion, Paris, 2001, p. 304.
  • 2 ↑ Kant, E., Critique, de la raison pratique (1788), « Analytique de la raison pure pratique », I, 2, trad. Gilson, É., Vrin, Paris, 1983, p. 68.
  • 3 ↑ Bachelard, G., « Noumène et microphysique » (1931-1932), in Études, Vrin, Paris, 1970, p. 19.

→ chose, objet, perception, phénomène