liberté
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin liber, « homme libre », par opposition à esclave.
Philosophie Générale
En un sens général, état de non-contrainte. Plus spécialement, désigne en métaphysique le pouvoir absolu de la volonté d'être la cause première d'un acte, ainsi que l'expérience de ce pouvoir en tant qu'elle est constitutive du sujet. On parle aussi de liberté politique, comme autonomie sociale, et possibilité d'opiner ou d'agir dans et sur l'ordre public.
La liberté est un concept à deux faces quel que soit le champ dans lequel on le pense. D'un côté, il existe une liberté objective, déterminée négativement parce que le meilleur moyen d'en rendre compte est de l'opposer à la contrainte. La contrainte étant une expérience qui s'entend d'évidence, on pourra à partir d'elle définir la liberté en physique comme l'état d'un corps qui n'est pas soumis à un mouvement extérieur, politiquement comme l'état d'un homme qui n'est pas esclave ou prisonnier, métaphysiquement comme l'état de la volonté qui n'est pas déterminée.
De l'autre côté, il existe une liberté subjective, qui est le mode immédiat par lequel la conscience se rapporte à ses actes. Cette liberté immédiate est la conscience d'un pouvoir indéterminé de vouloir et d'une capacité de commencement absolue(1). Mais l'immédiateté peut être une aliénation, et le sentiment de liberté peut n'être qu'une fausse impression : Platon fait voir comment on peut se croire libre alors que l'on est prisonnier de l'opinion et du corps qui limite d'abord notre connaissance au monde sensible(2). Les stoïciens, de la même façon, montrent qu'il existe un sentiment trompeur de la liberté qui n'est en réalité qu'un esclavage des passions. Il y aurait donc une certitude immédiate de la liberté qui pourrait très bien n'être qu'une sujétion inaperçue à la nature, et la véritable liberté serait alors celle-là seule qui est passée, par une série de médiations, du stade de donnée brute de la conscience à celui de réalité effectivement opposable à ce qui n'est pas elle(3).
Le problème, c'est que ces médiations, par lesquelles la liberté subjective s'objectivise, font partout apparaître la contrainte. Si la liberté se réalise dans la société, c'est la loi qu'elle rencontre comme une limitation ; dans l'action, c'est la détermination rationnelle du bien qui la contraint, ou l'irréductible présence de la liberté d'autrui ; dans la nature, c'est le principe de raison qui lui oppose un déterminisme sinon plus puissant, du moins plus durement réel que son sentiment de toute-puissance.
On peut cependant montrer que ces médiations ne vident pas la liberté de tout contenu, mais qu'elles en font apparaître un niveau supérieur. La liberté est alors la marque du caractère infini de la volonté, qui peut toujours vouloir le mal au lieu du bien, le non-être au lieu de l'être(4). Il ne s'agit pas d'opposer stérilement un déterminisme objectif et une liberté subjective, mais de montrer que les deux sont pensables ensemble, qu'il n'y a pas de contradiction à penser le même acte à la fois comme déterminé et comme libre(5).
Il existerait alors des degrés de la liberté, non seulement au sens d'une hiérarchie entre différents types de liberté plus ou moins authentiques ou réels, mais aussi comme progression, comme un travail de libération du sujet, qui sauve l'indépendance de sa volonté au travers de sa reconnaissance de la nécessité. C'est par cette reconnaissance que l'homme peut faire de sa liberté « une solide réalité » en produisant « en lui-même des effets qui s'accordent avec sa nature »(6). Il y a certes là l'abandon de l'illusion d'une liberté qui nous serait donnée, illusion qui naît de la croyance en l'opposition entre la volonté et la raison, mais cet abandon ouvre en revanche à la compréhension de la liberté comme le résultat d'un travail de désaliénation.
Sébastien Bauer
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Bergson, H., Essai sur les données immédiates de la conscience, ch. III.
- 2 ↑ Platon, La république, livre VII, 514b-517c, trad. L. Robin, in Œuvres complètes, tome I, 1950.
- 3 ↑ Hegel, G., Principes de la philosophie du droit, Introduction, trad. J. L. Vieillard-Baron, Flammarion, Paris, 1999.
- 4 ↑ Descartes, R., Méditations métaphysiques, IVe méditation, GF-Flammarion, Paris, 1992.
- 5 ↑ Kant, E., L'Unique fondement possible d'une démonstration de l'existence de Dieu, IIe partie, 4e considération, trad. S. Zac, NRF-Gallimard, Paris, 1980.
- 6 ↑ Spinoza, B., Court traité, II, 26, in Œuvres I, trad. C. Appuhn, Flammarion, Paris, 1964.
→ aliénation, autonomie, déterminisme, esclave, pouvoir, volonté