esclave
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin médiéval sclavus, formé sur slavus, « slave ».
Morale, Politique
Homme qui ne se possède pas, soit parce qu'il est la propriété d'un autre, soit parce qu'en lui-même la liberté est aliénée à une puissance étrangère (passions, désirs, appétits).
La conceptualisation de la notion d'esclave a connu quatre grandes étapes historiques.
Aristote demande s'il existe des esclaves par nature ou par convention(1). Sa démonstration de la naturalité de l'esclavage fait de l'esclave un appendice du maître, à peine plus qu'un outil : d'une part, l'esclave est esclave par nature, de sorte qu'être dominé est non seulement légitime, mais souhaitable pour lui ; d'autre part, le concept d'esclave apparaît ainsi comme l'exact envers du concept de citoyen.
Stoïciens et cyniques reprennent ce problème en mettant en évidence la racine intérieure de l'esclavage : avant d'être politiquement dominé, l'esclave est l'homme qui est inféodé à la partie la plus vile de son âme. L'esclavage est donc un caractère psychologique avant d'être une réalité politique : l'esclave est le nom de celui chez qui la maîtrise de soi fait défaut.
De l'humanisme aux Lumières, c'est cette même analyse qui est reprise pour être inversée : l'esclave est celui dont on a abusivement réduit la liberté naturelle, qui est, en chaque homme, puissance totale de l'humanité. Une telle conception interdit l'esclavage naturel et le remet à sa juste place(2) : celle d'un abus dont est façonnée l'histoire politique des civilisations(3).
Le xixe s. reprend ce problème en cherchant à en manifester la portée anthropologique(4) ou politique(5). C'est le caractère historiquement déterminé du concept d'esclave qui est central dans ces problématiques : comme étape de l'histoire de la conscience ou comme fondement de l'histoire de la domination, l'esclave apparaît comme le moment de la dépossession de soi.
Sébastien Bauer et Laurent Gerbier
Notes bibliographiques