fatalisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin fatalis, « du destin », « fixé par le destin », dérivé de fatum, « destin », spécialement au sens funeste.


Le terme, introduit dans la première moitié du xviiie s. est un peu ambigu. Il peut désigner l'idée selon laquelle tous les événements passés, présent et futurs dépendent de façon nécessaire de la liaison causale qui les précède : en ce sens il est synonyme du terme plus tardif « déterminisme » (1827). Il peut aussi renvoyer à l'idée que, le cours du monde étant fixé d'avance, tout ce qui doit arriver arrivera quoi qu'on fasse.

Métaphysique, Morale

Doctrine qui attribue tout ce qui arrive à la fatalité ou au destin et ne laisse aucune place au libre-arbitre. Par extension, attitude morale qui s'ensuit.

Le fatalisme ainsi compris existe plutôt, dans l'histoire de la philosophie, à titre d'erreur à dénoncer, en particulier dans ses conséquences morales, que comme doctrine explicitement soutenue. Ainsi, dans De l'interprétation, Aristote(1) réfute, contre les mégariques, l'idée selon laquelle tous les futurs se produisent nécessairement, fondée sur la généralisation abusive du principe selon lequel une affirmation est vraie ou fausse, qui oublie l'indétermination dans le devenir, le fait que les choses qui n'existent pas en acte ont indifféremment la puissance d'être ou de ne pas être, et l'expérience qui nous montre que les choses futures dépendent de nos délibérations et de nos actions. De même, Leibniz, pour se défendre de l'accusation de fatalisme, qu'il adresse pour sa part à Spinoza et Hobbes, montre que sa doctrine préserve les futurs contingent et refuse l'argument paresseux qui consiste à dire qu'il ne sert à rien de délibérer et de se donner de la peine puisque ce qui doit arriver arrivera. Enfin Kant, contre le matérialisme moderne et le spinozisme, soutient que le fatalisme confond la causalité empirique des sciences de la nature, et la causalité intelligible par liberté et que le criticisme nous permet de l'éviter.

C'est peut-être Diderot qui, dans Jacques le Fataliste, a le mieux pris au sérieux cette doctrine dans sa difficulté existentielle. D'un côté, elle a une grande force rationnelle, puisque, comme nous avons toujours une raison de vouloir et que tout effet à sa cause, il est difficile de croire en une liberté dans un monde dont, en ce sens, le cours ne dépend pas de notre libre-arbitre. De l'autre, nous aimons, nous nous mettons en colère contre le méchant, nous agissons préventivement, bref, nous vivons comme si nous étions libres.

Colas Duflo

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, De l'interprétation, trad. J. Tricot, chap. IX, Vrin, Paris, 1984, pp. 95-106.
  • Voir aussi : Diderot, D., Jacques le fataliste (1778), GF, Paris, 1977.
  • Leibniz, G. W., Théodicée, (en particulier la « Préface »), édition J. Brunschwicg, GF, Paris, 1969, p. 28-37.
  • Kant, E., Prolégomènes à toute métaphysique future, § 60, tr. L. Guillermit, Vrin, Paris, 1986, p. 144.

→ destin, déterminisme, futur contingent, liberté, libre-arbitre, nécessité