conversion

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin conversio, « action de tourner, mouvement circulaire », « changement », « conversion religieuse » ; trad. du grec epistrophe. En allemand, Konversion.

Logique

Dans une proposition, interversion du sujet et du prédicat.

En logique aristotélicienne, la conversion est l'opération par laquelle on infère d'une proposition donnée celle qui a pour sujet le prédicat de celle-ci et son sujet pour attribut. Pour être valide, cette inférence doit respecter la quantité des chacun des termes : de « tout A est B », on ne peut inférer « tout B est A », mais « quelque B est A » (conversion partielle ou par accident). En revanche, de « nul A n'est B », on peut légitimement inférer « nul B n'est A », et de « quelque A est B », « quelque B est A » (conversion simple).

Michel Narcy

Notes bibliographiques

  • Aristote, Premiers Analytiques, I, 2.

Philosophie Antique

Chez les néoplatoniciens, le terme « conversion » désigne l'acte par lequel chaque hypostase se retourne vers son principe.

Définie parfois comme le mouvement inverse de celui de la procession, la conversion en est indissociable dans la mesure où l'une et l'autre désignent les deux aspects complémentaires d'un même processus. La procession est le mouvement par lequel les hypostases : l'Un, l'Intellect, l'Âme, dérivent l'une de l'autre. La conversion désigne le retour sur soi-même qui permet à l'Âme de saisir qu'elle dérive de l'Intellect, et à l'Intellect qu'il a son principe en l'Un. Par la conversion, chaque hypostase procède d'elle-même, jouant un rôle actif dans sa propre constitution. La conversion atteste, en outre, la présence de l'Un à tous les niveaux du processus ainsi unifié.

Principe ou « puissance de tout », l'Un se répand par surabondance, et de lui procède un effet encore indifférencié. Mais parce que l'Un est aussi cause finale, cette procession s'accompagne nécessairement d'une conversion qui marque son arrêt et, par certains aspects, la parachève. L'effet se constitue comme un Être dans cet arrêt de la procession, ce recueillement vers l'Un-Bien ; il se détermine lui-même comme un Intellect connaissant par le regard rétrospectif qu'il porte sur son principe(1). En cela, l'Un est présent à l'Intellect, non dans son unité inconnaissable, mais comme multiplicité de Formes éternelles(2). Imitant l'Un, l'Intellect en participe et procède ainsi à sa propre constitution comme entité différenciée de son principe. La troisième hypostase, l'Âme, est, de la même façon, l'effet de la surabondance de l'Intellect et résulte de la conversion constituante qu'elle effectue vers ce dernier et par-delà lui-même, vers l'Un.

La conversion est parfois décrite par Plotin comme une forme d'attraction exercée par l'Un vers le haut ou en direction du centre ; mais elle est aussi souvent considérée comme retour sur soi. Cette conception de la conversion s'appuie sur le fait que l'Un ne se perd pas dans la procession, qu'il est, par conséquent, toujours et partout présent, jusque dans l'âme individuelle. La conversion, dans sa dimension spécifiquement morale, est alors ce changement intérieur à l'âme, associé à la purification, qui fait l'âme vertueuse et qui lui permet de se libérer de l'emprise exercée sur elle par la matière ou non-être. Elle conduit progressivement l'âme à la contemplation, et même, par-delà l'acte de penser, à retrouver ce contact direct, de l'Esprit encore indifférencié, avec le Bien(3).

Annie Hourcade

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Plotin, Ennéades, V, 2 (11), 1.
  • 2 ↑ Id., VI, 7 (38), 3.
  • 3 ↑ Ibid., VI, 7 (38), 5.
  • Voir aussi : Aubin, P., Le problème de la « conversion », Beauchesne, Paris, 1963.
  • Dodds, E.R. (éd.), Proclus. The Elements of Theology, Oxford, 1933, 1963.
  • Fraisse, J.-C., L'Intériorité sans retrait, lectures de Plotin, Vrin, Paris, 1985.
  • Hadot, P., Plotin, Porphyre, études néoplatoniciennes, Les Belles Lettres, Paris, 1999.
  • Moreau, J., Plotin ou la gloire de la philosophie antique, Vrin, Paris, 1970.
  • Trouillard, J., La purification plotinienne, PUF, Paris, 1955.

→ hypostase, néoplatonisme, procession

Psychanalyse

« Transformation d'une excitation psychique en symptôme somatique durable ».(1)

Mécanisme de défense d'abord rencontré dans l'hystérie, la conversion a été isolée par Freud et analysée ainsi : lors du refoulement d'une représentation, la libido qui l'a investie s'en détache et innerve le corps en y créant un symptôme. Toujours symbolique, ce dernier présuppose une « complaisance somatique » et « donne expression aussi bien au but de souhait de la motion pulsionnelle qu'à la tendance à la défense ou à la punition du système CS »(2).

« Saut du psychique dans l'innervation somatique que nous ne pouvons pourtant jamais suivre avec notre compréhension »(3), la conversion incarne des expressions de la langue (« J'en ai plein le dos ») et remet au jour les fondements corporels du système symbolique des langues.

Benoît Auclerc

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Breuer, T., Freud, S., Studien über Hysterie (1893-1895), G.W. I, « Études sur l'hystérie », PUF, Paris, p. 67.
  • 2 ↑ Freud, S., Das Unbewusste (1915), G.W. X, « L'inconscient », O.C.F.P. XIII, PUF, Paris, p. 224.
  • 3 ↑ Freud, S., Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose (1909), G.W. VII, « Remarques sur un cas de névrose de contrainte », O.C.F.P. IX, PUF, Paris, p. 136.

→ défense, déterminisme, dynamique, énergie, refoulement