arianisme

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


D'Arius, prêtre d'Alexandrie, 256-336.

Philosophie Antique, Théologie

Réflexion doctrinale sur les conditions de possibilité de l'unicité de Dieu et de l'affirmation de la divinité du Christ, la doctrine d'Arius est déclarée hérétique au concile de Nicée (325), en ce que, dans le souci de préserver la transcendance divine, elle nie la réalité trinitaire.

La crise arienne, qui déchire l'Église chrétienne durant le ive s., est rendue plus aiguë par divers facteurs qui ne sont pas, pour la plupart, d'ordre théologique. Elle illustre, à cet égard, la difficulté rencontrée par les premiers penseurs chrétiens à établir une réflexion théologico-philosophique sur les mystères de la foi. Omniprésence d'enjeux politiques à l'intérieur des débats, incompréhensions entre les évêques d'Orient et d'Occident, rivalités de personnes ou rancœurs ; autant d'éléments qui vont contribuer à l'éclosion d'une des plus graves querelles doctrinales de l'Antiquité chrétienne.

Elle naît de l'enseignement d'Arius, prêtre Alexandrin, qui, vers 320, répand des idées sur la Trinité, que son évêque, Alexandre, juge hérétiques. Afin de préserver l'unicité de Dieu, seul inengendré, Arius est amené à nier la divinité du Christ. Soucieux d'éviter toute trace de sabellianisme et tenant d'un subordinatianisme hérité à la fois de l'enseignement condamné de Paul de Samosate et des thèses trinitaires d'Origène, Arius va accentuer la transcendance inaltérable du Père et l'infériorité du Fils qui en diffère non seulement par hypostase, mais aussi par nature. Le Père est inengendré, éternel, tandis que le Fils, le Verbe incarné en Jésus, n'est ni éternel ni incréé. S'il avait été coéternel au Père, il aurait dû être inengendré aussi, et, puisqu'il ne peut y avoir deux non-engendrés, le Fils est postérieur et inférieur au Père, duquel il tient son être. Voulant éviter toute scission dans la monade divine, il n'accorde même pas au Fils d'avoir été engendré par la substance du Père, et il l'affirme créé par le Père à partir du néant(1). Bien que dans la suite de son œuvre il nuance cette expression en se contentant de parler de génération du Fils par le Père, c'est sur la base néoplatonicienne d'une hiérarchie d'êtres divins entre la divinité et la création et sur des arguments plus philosophiques que bibliques qu'il fait reposer le cœur de sa doctrine.

Cette tentative d'explication du mystère de la Trinité et de l'Incarnation à l'aide d'instruments conceptuels de la philosophie grecque ne pouvait manquer de susciter de vives réactions parmi les tenants de la doctrine traditionnelle. Arius fut condamné à la déposition et fut chassé, par décision du synode d'Alexandrie, en 320. Mais l'influence de son système est telle qu'il trouve de nouveaux partisans parmi lesquels des évêques renommés, comme Eusèbe de Nicomédie ou Paulin de Tyr. L'empereur Constantin, soucieux de la paix de l'Église, convoque alors, en 325, une assemblée générale de l'épiscopat dans son palais de Nicée. Trois tendances se dessinent parmi les participants : les ariens d'Eusèbe de Nicomédie ; leurs adversaires, réunis autour d'Alexandre, qui cherchent à faire proclamer le Fils consubstantiel (homoousios) au Père ; les modérés, autour d'Eusèbe de Césarée, qui désirent avant tout l'unité et la réconciliation. La formule finale condamne les thèses ariennes et définit le Fils comme « Dieu venu de Dieu, lumière venue de la lumière, vrai Dieu venu du vrai Dieu, consubstantiel au Père, et par lui tout a été créé ». L'affaire serait donc ainsi close si le terme homoousios ne pouvait être compris que comme unité de nature entre le Père et le Fils. Mais, compte tenu de la polysémie d'ousia, il apparaissait, aux yeux des modérés, qui ne l'avaient accepté qu'à contre-cœur, comme signifiant aussi unité d'hypostase, laissant ainsi le champ ouvert au sabellianisme. Les dissensions deviennent plus fortes après ce concile, et les évêques se divisent plus que jamais autour de cette question. En 359, date à laquelle un nouveau concile œcuménique doit rassembler les évêques, on ne compte pas moins de douze symboles différents. On distingue de nouveau trois clans : les anoméens (du grec anomoios, « dissemblable »), avec pour chefs de file Aetius et Eunomius, qui soutiennent que le Fils n'a rien de commun avec le Père, seul celui-ci étant inengendré ; les homéousiens, qui tiennent que le Fils est semblable au Père selon la substance, mais évitent le mot litigieux ; les nicéens, fidèles au concile. Les évêques d'Occident se réunirent à Rimini ; ceux d'Orient, à Séleucie. Tandis que ces derniers se ralliaient à la formule orthodoxe, les occidentaux, manœuvres par des évêques envoyés de la part de Constance II, déclarèrent que le Fils était semblable au Père (homoios), mais sans préciser si cette union était substantielle ou non. À la suite de manœuvres politiques, ce credo fut ratifié par les orientaux, et Constance II put proclamer l'unité de foi dans tout l'empire, et « le monde chrétien s'étonna d'être arien ». Mais cette unité ne dura que jusqu'à la mort de l'empereur en 362. Son successeur, Justin, en tant que païen, ne marqua que peu d'intérêt pour cette querelle et, rappelant les exilés, favorisa l'antiarianisme des nicéens et des homéousiens, plus nombreux en Occident. Bien que divisés, les orientaux restèrent ariens. Leur empereur, Valens, prit d'ailleurs position en faveur des ariens modérés et persécuta les homéousiens. En 378, du fait de la mort de Valens et grâce à l'œuvre de Basile de Césarée de Cappadoce, les deux partis se rapprochèrent, pour déboucher, au concile œcuménique de Constantinople, en 381, à un accord : une ousia et trois hypostases. C'était là le triomphe de l'orthodoxie et le triomphe du credo de Nicée. L'arianisme survécut quelque temps encore en Orient, mais pas au-delà du ve s. ; en Occident, il reprit vigueur avec les invasions barbares. Quelques années auparavant, le prédicateur chrétien Ulfila avait propagé cette doctrine parmi les Goths sous une forme radicale. À l'heure des invasions, ces derniers gardèrent cette religion comme signe distinctif de leur nationalité. Après de nombreuses persécutions envers les catholiques, notamment par les Vandales en Afrique du Nord aux ve et vie s., les Goths ariens se convertirent, signant ainsi la disparition définitive de l'arianisme.

Michel Lambert

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Arius, Lettre à Eusèbe de Nicomédie, 318.
  • Voir aussi : Boularand, E., l'Hérésie d'Arius et la « foi » de Nicée, Letouzet et Ané (éd.), Paris, 1972-1973.
  • Le Bachelet, « Arianisme », in Dictionnaire de théologie catholique, I, Paris, 1936, pp. 810-814.
  • Meslin, M., les Ariens d'Occident, Paris, 1967.
  • Neuman, J. H., les Ariens du ive siècle, Paris, 1988.
  • Simonetti, M., La crisi ariana nel iv secolo, Rome, 1975.

→ hypostase, nature, personne, substance