étendue

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin extendere, « étendre ».

Philosophie Générale, Philosophie Cognitive, Philosophie des Sciences

Objet de la géométrie.

De ce sens scientifique dérive le sens courant du terme selon lequel l'étendue est la dimension en superficie et, par extension, l'étendue est la portée dans l'espace (on parle de l'étendue d'un tir, d'une voix, etc.). D'Alembert explicite, dans l'article « Géométrie » de l'Encyclopédie, la formation de cette idée abstraite : on dépouille progressivement les corps de toutes leurs propriétés sensibles pour les concevoir comme des portions d'étendue pénétrables, divisibles et figurées(1).

Cependant, cette définition géométrique de l'étendue comme portion d'espace occupée par un corps se démarque de la conception de l'étendue proposée par Descartes, qui en faisait l'essence même de la matière, refusant ainsi la distinction scolastique entre le locus internus (« lieu ou espace occupé par un corps ») et le locus externus (« surface externe contenant le corps »)(2). Il ne considère pas comme réel un espace distingué des corps, ce qui est lié à son refus du vide (la notion d'étendue vide de matière ou d'espace vide est une contradiction dans les termes : la matière ou le corps pris en général n'est pas « dans » l'étendue, mais est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur).

Leibniz s'oppose à l'identification cartésienne de la matière et de l'étendue et à la définition du corps comme étendue, qui en fait un être passif : reliant l'étendue à l'extension et à la faculté de s'étendre, il soulève la question de ce qui s'étend, et fait du sujet qui s'étend une dimension essentielle de la substance corporelle(3). C'est ainsi l'action que toutes les substances exercent les unes sur les autres qui est le principe même de l'unité de la nature, alors que pour Descartes cette unité dépendait de l'extension et de la continuité des parties de la matière. Leibniz souligne, en outre, l'étroite corrélation des concepts d'espace et de temps, et en fait les fondements de toute expérience en définissant l'espace comme l'ordre des coexistences possibles et le temps comme l'ordre des successions possibles. Il prépare ainsi la voie à la conception kantienne de l'espace et du temps comme formes a priori de la sensibilité.

Véronique Le Ru

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Encyclopédie des sciences, des arts et des métiers, art. « Géométrie » t. VII, éditée par d'Alembert et Diderot, Briasson, David, Le Breton et Durand, 35 vol., Paris, 1751-1780.
  • 2 ↑ Descartes, R., Principes de la philosophie (II, 4, 10), in Œuvres (t. IX) publiées par Adam et Tannery en 11 tomes, Paris, 1897-1909, rééd. en 11 tomes par Vrin-CNRS, Paris, 1964-1974 ; 1996.
  • 3 ↑ Leibniz, G. W., « Lettre sur la question si l'essence des corps consiste dans l'étendue » et « Lettres à Pellisson sur l'essence des corps », in Système nouveau de la nature et autres textes, Garnier-Flammarion, Paris, 1994.

→ corps, dimension, espace, euclidien, géométrie, grandeur, matière, temps