Danemark : histoire

Knud Ier
Knud Ier

Résumé

Peuplé de tribus germaniques (Jutes, Angles, Cimbres) qui participent aux invasions barbares des iie-ve siècles, le Danemark entre véritablement dans l’histoire avec les premières expéditions maritimes des Vikings sur les côtes et les fleuves d’Europe à partir de la fin du viiie siècle. Entre les Danois et les Norvégiens qui lancent ces raids, les premiers s’imposeront au xe siècle.

Fondation de la monarchie danoise (xe-xie siècles)

Après la fondation de la monarchie danoise par Gorm l’Ancien vers 936, Harald « à la dent bleue » se convertit au christianisme (965) et le pays est unifié à partir de Jelling, dans le Jylland, étendant son influence sur la Norvège du Sud et l’Angleterre. Knud le Grand (1018-1035) règne ainsi également sur cette dernière pendant vingt ans.

Expansion et prospérité (xiie-xive siècles )

Après la rupture des liens avec l’Angleterre (1042), le Danemark médiéval connaît expansion et prospérité sous les règnes de Valdemar le Grand (1157-1182), Valdemar le Victorieux (1202-1241) et Valdemar IV (1340-1375). Ce dernier se heurte cependant à la ligue hanséatique qui parvient à faire valoir ses droits dans la Baltique.

Le Danemark au sein de l' Union de Kalmar (xve siècle)

L’Union de Kalmar unit les couronnes du Danemark, de Norvège et de Suède mais les Suédois se rebellent à partir de 1434, la suzeraineté sur les Norvégiens étant maintenue jusqu’en 1814.

Réforme et absolutisme (xvie-xviie siècles)

Les guerres contre la Suède, qui accède à l’indépendance en 1523, mettent fin à l’hégémonie du Danemark dans la mer Baltique. La Réforme luthérienne s’impose tandis que la monarchie absolue et héréditaire (1661) remplace l’ancienne royauté élective.

xviiie siècle

Le Danemark reste à l’abri des conflits et connaît une prospérité économique assombrie par une crise agricole qui entraîne la restauration d’un semi servage. Sous l’influence des Lumières, la monarchie se réforme cependant progressivement.

De la monarchie constitutionnelle à la démocratie parlementaire (xixe siècle

Avec l’instauration d’une monarchie constitutionnelle (1849), le Danemark évolue vers la démocratie parlementaire, tandis que la perte des Duchés (Slesvig, Holstein et Lauenburg) en 1864 maintient ce vieux contentieux territorial avec l’Allemagne qui ne sera réglé qu’en 1920.

Du xxe siècle à nos jours

La vie parlementaire – normalisée en 1901 avec la fin du conflit entre les deux chambres du Parlement – s’organise autour de l’équilibre entre trois puis quatre principaux courants politiques : les conservateurs – qui sont écartés du pouvoir en 1901 – les libéraux, les libéraux-radicaux et les sociaux-démocrates. Le renforcement de ces derniers conduit à leur accession au pouvoir en 1924, rôle dirigeant qu’ils retrouvent après la guerre. Bien qu’étant de nouveau à la tête du gouvernement depuis 2011, ils perdent leur rang de premier parti dans les années 2000 avec la crise de l’État providence, tandis qu’émerge une nouvelle droite populiste.

1. Des origines aux Vikings

1.1. Temps préhistoriques

Des vestiges préhistoriques attestent de la présence humaine au Danemark depuis environ 10 000 ans (campement de chasseurs de rennes). Sur la côte danoise ont été mis au jour les restes d'une civilisation de pêcheurs. L'âge du bronze (vers le milieu du IIe millénaire-seconde moitié du Ier millénaire avant J.-C.) voit l'épanouissement d'une culture très élaborée, connue en particulier grâce aux tombes du Jylland et dont les objets d'art (char solaire de Trundholm, par exemple) qui nous sont parvenus permettent d'apprécier le raffinement. Le territoire du Danemark est également riche en monuments mégalithiques. L'âge du fer est marqué par l'influence de la culture celtique.

1.2. Jutes, Angles et Cimbres

À la fin de la protohistoire, le Danemark est occupé par plusieurs peuples germaniques : les Jutes qui s’établissent dans le Jylland avec les Angles, et les Cimbres. Ces derniers envahissent, dès le iie siècle avant J.-C., la Gaule et l'Espagne après avoir battu les armées romaines.

L'Empire romain étend son influence sur le Danemark après l'expédition de la flotte d'Auguste commandée par Tibère, mais la défaite du généralVarus devant le chef des Chérusques,Arminius, à Teutoburger Wald (9 après J.-C.) met fin à ces ambitions. Les Angles, refoulés par les Vikings venus de Scandinavie, colonisent avec les Saxons l'île de (Grande-)Bretagne au iiie siècle.

1.3. Avènement de la première dynastie danoise

Au vie siècle apparaît la première dynastie danoise, très mal connue, dans l'île de Sjaelland, qui, la première, connaît l'influence de la Scanie, avant le reste du pays. Les expéditions maritimes et fluviales des Vikings – auxquelles participent les Danois – commencent à se faire connaître sur les côtes européennes à partir de la fin du viiie siècle.

La royauté qui se constitue à cette époque et qui s'étend au sud-ouest de la Suède et au Slesvig actuel résiste à l'expansion des Francs vers la mer Baltique. Le roi Hemming (successeur de Godfred) conclut en 811 un traité avec l'Empire carolingien qui fixe la frontière du Danemark sur l'Eider. Pour défendre celle-ci, un rempart en terre, fortifié, est érigé, le Danevirke, qui représente, jusqu'au xixe siècle dans la conscience danoise, la frontière du pays face au monde allemand.

Ainsi, la présence d'infrastructures importantes atteste de la présence d'une forte autorité centrale au Jylland au début de l'ère viking. Liées aux améliorations des techniques en architecture navale et vraisemblablement à des modifications socio-économiques et démographiques, les expéditions des marchands-guerriers vikings débouchent sur des colonisations, notamment en France, où on les appelle les « hommes du Nord », ou Normands.

Les ixe et xe siècles sont dominés par les expéditions maritimes qui amènent des richesses favorables au développement économique et des villes.

Pour en savoir plus, voir l'article Vikings.

2. La christianisation et la consolidation du royaume (xe-xiesiècles)

2.1. Christianisation

Sous l'effet de contacts accrus avec l'Occident, des changements profonds s'opèrent au xe siècle. Une royauté dont le foyer est à Jelling (Jylland) unifie le Danemark et impose un protectorat à la Norvège méridionale et aux Slaves de la côte poméranienne. Son premier représentant, Gorm l'Ancien (v. 860-v. 940), fondateur de la dynastie qui règne encore aujourd'hui, est païen, mais son fils Harald Blåtand (« à la dent bleue ») accepte vers 965 le christianisme venu d'Allemagne en se faisant baptiser.

2.2. Knud le Grand

Une organisation militaire stricte permet au fils d'Harald, Sven Ier Tveskägg (« à la barbe fourchue »), de conquérir l'Angleterre en 1013-1014. Son fils, Knud le Grand, règne sur l'Angleterre (1016-1035), le Danemark (1018-1035) et la Norvège (1028-1035). Le lien noué avec l'Angleterre a une importance capitale, dans les domaines religieux (achèvement de la conversion), intellectuel, économique (apparition de villes, de la monnaie) et politique : la mort de Knud rompt ce lien et la grande préoccupation des rois danois pendant la décennie qui suit est de le rétablir. L'Angleterre s'affranchit de la tutelle danoise dès 1042. Le Danemark rompt avec les formes d'organisation de l'époque viking et entre dans la chrétienté latine.

3. Expansion et prospérité (xie-xivesiècles)

3.1. Affermissement du pouvoir royal

De la fin du xie à la fin du xiie siècle, la royauté danoise se rapproche des monarchies occidentales. Une culture latine se diffuse grâce au clergé. Sven II Estridsson (1047-1074) s'attache à réorganiser l'Église afin d'affermir le pouvoir royal. Un archevêché est créé à Lund en 1103. Le roi Niels Svensson (1104-1134) institue une chancellerie, crée une armée féodale et une administration d'aristocrates terriens. Cependant la Couronne, jusqu'en 1160, reste l'objet de violentes querelles de succession. Toutefois, malgré le chaos politique, le royaume se développe économiquement : les villes se multiplient, des terres nouvelles sont défrichées, nombre d'églises et monastères sont édifiés.

3.2. L'« ère des Valdemar » (1157-1241)

Avec l'« ère des Valdemar », le Danemark devient l'égal des monarchies occidentales. C'est la plus brillante période de son histoire médiévale. Elle est marquée par une collaboration étroite de la Couronne, de l'Église et de l'aristocratie.
Valdemar Ier le Grand (1157-1182), initiateur de cette restauration de la puissance de la monarchie danoise, mène une politique d'expansion dans la mer Baltique : conquête de l'île de Rügen et de points d'appui sur la côte poméranienne. Copenhague est fondée en 1165.
Valdemar II le Victorieux(1202-1241) fait codifier les lois et établit un inventaire fiscal du royaume. À l'extérieur, il établit sa domination sur les rives de la Baltique jusqu'en Estonie où est fondé Reval (1219). Sous son règne, le Danemark développe un commerce florissant basé sur la pêche du hareng et l'élevage des chevaux, entraînant la fondation de villes nouvelles. Mais les conquêtes territoriales ne peuvent être conservées face à la vigueur de l'expansion allemande. Valdemar II échoue contre celle-ci en Holstein, à Bornhöved en 1227, ce qui ouvre une nouvelle ère de troubles.

3.3. Anarchie et redressement (1241-1375)

Entre 1241 et 1340, les alliances qui ont permis le succès des Valdemar se dénouent. La Couronne perd son autorité face à la noblesse et aux archevêques de Lund. En 1282, le roi Erik V Klipping est contraint de signer une charte qui limite le pouvoir royal et institue un parlement de nobles, convoqué annuellement. Bientôt la classe dirigeante est dominée par une chevalerie immigrée du Holstein et du Mecklembourg tandis que les villes comptent de plus en plus de bourgeois allemands.

Le rétablissement du Danemark comme puissance politique de la Baltique est réalisé par Valdemar IV (1340-1375), qui parvient à reconstituer l'unité du royaume tombé dans l'anarchie. En effet, il redresse la situation sur des bases nouvelles, en profitant des faiblesses des autres États scandinaves et en canalisant à son profit l'énergie de l'aristocratie guerrière. Il récupère les provinces de Scanie, Blekinge et Halland (1360), et conquiert l'île suédoise de Gotland, pillant la ville hanséatique de Visby (1361). Toutefois, la mobilisation des villes de la Hanse, entrées en guerre contre le Danemark (1368-1370), met en échec son hégémonie : la Hanse garde le contrôle du Sund pendant quinze ans.Le mariage de la fille de Valdemar, Marguerite, avec Haakon VI Magnusson, roi de Norvège, prépare l'union des Couronnes du Nord.

4. L'Union de Kalmar (1397-1523)

À la mort de Valdemar IV, en 1375, Olav II, fils de Marguerite, est élu roi du Danemark ; sa mère assure la régence. Elle la cumule avec celle de Norvège à la mort de son mari (1380). Ainsi, elle devient reine des deux États à la mort d'Olav en 1387 ; cette union va durer jusqu'en 1814. En 1389, après avoir vaincu le roi Albert de Mecklembourg, elle obtient la Couronne de Suède. En 1397, elle impose l'Union de Kalmar, placée sous l'autorité de son petit-neveu Erik de Poméranie (règne personnel de 1412 à 1439).

Cette union politique des trois royaumes a pour intérêt commun de combattre l'hégémonie allemande sur la Baltique. Le peu de cohésion qu'elle possède vient de la prépondérance militaire danoise, de l'influence économique de la Hanse et de la concordance des intérêts dans les milieux dirigeants des trois aristocraties. Au Danemark, les villes et la noblesse en sont les principaux bénéficiaires, la paysannerie en porte le poids fiscal élevé et l'autonomie de la culture danoise est largement sacrifiée.

Le règne d'Erik de Poméranie est marqué par les guerres contre les comtes de Holstein et les villes hanséatiques d'une part, par la rébellion des Suédois à partir de 1434 d'autre part. Les rois de l'Union résident au Danemark, mais le meilleur de leur temps est absorbé par la tâche de maintenir les Suédois dans l'obéissance. L'ultime tentative de reprise en main de la Suède s'achève par le « bain de sang de Stockholm », assassinat de 82 chefs du parti hostile à l'Union (1520), qui précipite la dissolution de l'Union. Elle prend définitivement fin en 1523 : la Suède gagne son indépendance lors d'une révolte contre Christian II (1513-1523), menée par Gustave Vasa, élu roi de Suède.

5. La fin de l'hégémonie danoise dans la région de la Baltique

En 1523, Christian II est destitué du trône. Le règne de Frédéric Ier (1523-1533), son successeur, est troublé par les tensions religieuses, sociales et politiques provoquées par la pénétration du luthéranisme. Celles-ci aboutissent à une guerre civile, dite « guerre des comtes » (1534-1536), opposant Danois et Lübeckois. À son terme, Christian III, soutenu par la noblesse danoise et par la flotte suédoise, parvient à prendre possession de son royaume.

Pendant son règne (1534-1559), la Réforme est adoptée au Danemark, le roi devenant le chef de l'Église dont les biens sont sécularisés au profit de la Couronne. Par ailleurs, à partir de cette époque, les rois du Danemark gouvernent la Norvège comme une province danoise. Quant aux duchés du Slesvig (Schleswig) et du Holstein, ils sont partagés entre Christian III et ses frères (1544).

5.1. La rivalité dano-suédoise pour la domination de la Baltique

Au milieu du xvie siècle, la hausse des prix a pour corollaire l'enrichissement de la monarchie et de la noblesse. Le trafic baltique s'intensifie et le trésor royal s'enrichit du péage du Sund, perçu à Elseneur sur les navires traversant les détroits. Loin de l'empêcher, ces transformations et ces améliorations exacerbent la rivalité dano-suédoise qui débouche sur la guerre nordique de Sept Ans (1563-1570). La paix blanche de Stettin, qui met un terme au conflit, marque la fin de la domination hanséatique en Baltique.

Les hostilités entre les deux monarchies pour la maîtrise de la Baltique reprennent de 1611 à 1613 et se soldent par l'exonération des taxes de passage du Sund pour les Suédois (paix de Knäred). Face aux Hollandais qui remplacent vite les Hanséates, Christian IV(1588-1648) fonde des compagnies commerciales, des villes de marchands, des comptoirs d'outre-mer (Tranquebar en Inde) et fait construire une puissante flotte de navires de guerre.

L'intervention de Christian IV dans la guerre de religion en Allemagne aux côtés des protestants en 1620 entraîne le pays dans la guerre de Trente Ans. Il est vaincu à plusieurs reprises et la paix de Lübeck (1629) l'engage à ne plus intervenir en Allemagne. La continuelle rivalité avec la Suède conduit encore aux guerres suédoises de 1643 à 1645 et de 1657 à 1660, dans lesquelles le Danemark perd des îles de la Baltique et des territoires sur la péninsule scandinave, à l'exception de la Norvège. C'est la fin de l'hégémonie danoise sur la Baltique, qui devient un lac suédois.

6. La monarchie absolue et ses réformes

6.1. Vers l'absolutisme

Les conséquences économiques des défaites danoises sont importantes. La bourgeoisie commerçante, touchée par la perte de marchés étrangers, se joint à la monarchie pour réduire les pouvoirs de la noblesse. En 1661, la monarchie absolue et héréditaire (par succession agnatique) est instaurée remplaçant la vieille monarchie élective. L’aristocratie terrienne conserve quelques privilèges (exemption de la dîme et certaines prérogatives judiciaires) mais les trois états (clergé, bourgeoisie et noblesse) sont désormais à égalité en matière fiscale et pour l’accès aux charges administratives. La Loi royale de 1665 précise le pouvoir exclusif (législatif et exécutif) du monarque. Remplaçant les anciennes chartes féodales, elle régira la monarchie danoise jusqu’en 1849. Les seules obligations imposées au roi sont de défendre le luthéranisme et de ne pas morceler par succession le royaume. De nombreuses réformes de l'administration et des finances sont engagées, y compris une très forte centralisation. En 1683, le Code danois remplace les anciennes lois provinciales. Dans la pratique cependant, cet absolutisme, très sévère dans le texte, loin d’être despotique, sera modéré par les réformes.

6.2. Essor économique

Sous Christian VI (1730-1746), le pays connaît un net essor économique sous le signe d’un regain du mercantilisme : création d'un comptoir à Canton (1730), fondation de colonies sur la côte africaine et aux îles Vierges (Antilles), défrichement de nouvelles terres en Norvège. De plus, au xviiie siècle, le Danemark entame la colonisation du Groenland. Sur le plan religieux, le piétisme s’épanouit.

En 1733, le Stavnsbandet (attachement obligatoire du paysan à sa résidence d'origine) est institué. Cette mesure, officiellement justifiée pour assurer le recrutement de milices rurales, est un retour à l’attachement à la glèbe (Vornedskab) aboli par Frédéric IV en 1702, et répond aux intérêts des propriétaires terriens qui retrouvent ainsi la complète maîtrise d’une main-d’œuvre qui autrement aurait été tentée par un exode rural favorisé par la crise agricole. .

Frédéric V(1746-1766) s’entoure de ministres d’origine allemande tels Adam Gottlob Moltke pour la politique intérieure et Johann Hartwig Ernst Bernstorff pour les Affaires étrangères, le commerce et les manufactures. Ce dernier s’emploie en particulier à mettre le Danemark à l’abri de la guerre de Sept ansqui déchire l’Europe et à encourager l’expansion économique du pays.

6.3. Christian VII et les despotisme éclairé

Par la suite, l'Allemand Johann Friedrich Struensee, admirateur des Lumières, médecin et conseiller du roi Christian VII(1766-1808), introduit dans le pays un régime de despotisme éclairé. Son œuvre de réorganisation (abolition des corporations, reconnaissance des libertés individuelles et de la presse, tolérance religieuse, humanisation de la justice, etc.) se heurte à l’hostilité d’une partie de l’aristocratie et de la famille royale qui le renversent avant de le faire juger puis exécuter (1772) pour avoir usurpé l’autorité royale.

Toutefois, les réformes, bien que brutalement stoppées, seront reprises une dizaine d’années plus tard : en 1784, un coup d'État met en place, sous la régence du prince héritier (futur roi Frédéric VI de 1808 à 1839), un gouvernement libéral qui poursuit une politique pacifique et progressiste : réforme scolaire, statut du métayer (1787), abolition du Stavnsbandet (1788), redistribution des terres et amélioration des techniques agricoles, interdiction au pays de se livrer à la traite des Noirs (1792). La nouvelle législation assure la prospérité des fermiers, jetant les jalons de la formation d'une classe moyenne et d'une nouvelle structure agraire, armature de la société démocratique du xixe siècle.

Pour en savoir plus, voir l'article siècle des Lumières.

6.4. Les guerres napoléoniennes et les pertes territoriales danoises

Pendant les guerres napoléoniennes (1799-1815), le Danemark, membre de la ligue des Neutres, s'oppose aux Britanniques. Ces derniers bombardent Copenhague en 1801 et contraignent le pays à sortir de la ligue. En 1807, les Anglais bombardent à nouveau la capitale danoise, qui doit livrer sa flotte, laquelle est entièrement détruite. En conséquence, le Danemark s'allie à Napoléon et participe à l'attaque franco-russe contre la Suède.

Par la paix de Kiel (1814), il cède Helgoland aux Britanniques et la Norvège à la Suède. En retour, il reçoit la Poméranie suédoise, plus tard échangée avec la Prusse contre le duché de Lauenburg. En 1814, le Danemark se retrouve pauvre et mutilé, son commerce outre-mer est ruiné et la majeure partie de sa flotte commerciale est détruite.

7. La monarchie constitutionnelle et l'évolution vers la démocratie parlementaire

7.1. La question des duchés

Le règne de Christian VIII (1839-1848) est une période pacifique et prospère, troublée vers la fin par les progrès de l'influence allemande dans les duchés. Frédéric VII (1848-1863), sous la pression des mouvements consécutifs aux révolutions européennes de 1848, est contraint d'accorder une Constitution de tendance démocratique. Le Danemark devient donc une monarchie constitutionnelle en 1849. La Constitution s'appliquant au Slesvig et au Holstein, les séparatistes des duchés, appuyés par la Prusse, se soulèvent. La question ne se règle qu'après la guerre des Duchés, qui oppose, en 1864, la Prusse et l'Autriche au Danemark. Au traité de Vienne d'octobre 1864, celui-ci doit céder les trois duchés (Slesvig, Holstein et Lauenburg) et la ville de Kiel à ses deux adversaires.

7.2. L'avènement du parlementarisme

En 1866, la Constitution danoise est amendée au profit de la Chambre haute (Landsting), élue au suffrage restreint et contrôlée par les conservateurs, qui détient désormais plus de pouvoir que la Chambre basse (Folketing), où dominent les libéraux à partir des années 1870. Un conflit de près de trente ans débute entre ces assemblées, notamment à propos des crédits de défense nationale.

À la fin du xixe siècle, le commerce, l'industrie et les finances reprennent. Une nouvelle orientation de l'économie agricole, axée sur l'élevage et la production de produits laitiers dans le cadre des coopératives, parvient à sortir l'agriculture de la crise qu'elle a subie pendant la décennie 1880. Un grave conflit du travail (1899) aboutira à un accord général qui institue une législation d'arbitrage entre patrons et travailleurs. Après 1880, c'est le parti social-démocrate, créé en 1871 et nouvellement organisé depuis 1878, qui joue un rôle majeur dans le mouvement ouvrier et dans la lutte pour une Constitution démocratique. Le parti fait élire ses premiers députés en 1884 et ne cesse de progresser à partir de la fin du siècle. Le principe d'un gouvernement parlementaire est reconnu en 1901, enterrant ainsi la longue bataille politique entre la Couronne et le Landsting d'un côté et le Folketing de l'autre.

8. Conservateurs, libéraux et sociaux-démocrates

8.1. Mise en place du régime parlementaire

Le début du xxe siècle est marqué par la mise en place du régime parlementaire puis par la progressive construction d'un État providence. Après avoir dominé la vie politique depuis 1848, le parti conservateur est écarté du pouvoir pendant longtemps. Sa défaite aux élections de 1901 oblige le roi à faire appel aux libéraux – organisé en parti en 1870 sous le nom de « Gauche unie » – pour former un ministère : J. H. Deuntzer (1901 à 1905), puis Jens Christian Christensen (1905 à 1908, premier gouvernement authentiquement parlementaire) dirigent successivement le gouvernement. Mais les libéraux sont divisés et, en 1905, une aile gauche, le parti« libéral radical » s'en détache, prenant la tête du gouvernement pour la première fois en 1909-1910.

Durant le règne de Frédéric VIII (1906-1912), le débat sur la défense nationale domine la vie politique. En 1912, Christian X monte sur le trône et y demeure jusqu'en 1947. En 1913, un gouvernement à majorité radicale arrive au pouvoir sous la direction de Carl Theodor Zahle. Le Danemark reste neutre dans le premier conflit mondial. En 1915, une importante réforme donne le droit de vote aux femmes et institue l'élection du Landsting au suffrage universel.

En 1916, le Danemark vend ses îles antillaises aux États-Unis et, en 1918, il reconnaît l'indépendance de l'Islande mais continue à exercer un contrôle sur sa politique étrangère, le roi danois restant le chef de l'État islandais. En 1919, la grande propriété est liquidée par une nouvelle législation foncière. En 1920, le Danemark bénéficie du traité de Versailles, qui décide de la restitution du Slesvig septentrional au Danemark après référendum. Un désaccord intervenu sur la division du Slesvig (1920) entraîne le renvoi de C. T. Zahle par le roi et une importante crise institutionnelle opposant la monarchie au parlement.

À la suite des élections, le libéral Niels Neergaard prend la tête du gouvernement jusqu’en 1924, tandis que le roi décide désormais de ne plus empiéter sur les prérogatives parlementaires et de ne plus intervenir dans la vie politique. La tâche principale de ce cabinet est la réunification du Slesvig du Nord et du Danemark.

De 1924 à 1940, sauf pendant une courte période, le pays est gouverné par les sociaux-démocrates, dirigés par Thorwald Stauning. Celui-ci développe une politique active d'intervention contre le chômage – qui touche 30 à 35 % des ouvriers – et contre la crise économique générée par le protectionnisme britannique et la crise de 1929. Les nouvelles lois sociales de 1933 (congés payés, réformes scolaires, etc.) font du Danemark un État socialement très avancé.

9. La Seconde Guerre mondiale

En mai 1939, le Danemark signe un pacte de non-agression de dix ans avec l'Allemagne nazie. Cependant, en avril 1940, les Allemands envahissent le pays. Le gouvernement légal demeure en place et l'Allemagne prétend instaurer un protectorat modèle. Christian X, pour éviter la prise du pouvoir par les nazis, fait à l'occupant des concessions ruineuses pour le pays mais protège efficacement la communauté juive. Les Américains sont autorisés à utiliser les bases du Groenland tandis que les Britanniques occupent les îles Féroé. En 1942, à la mort de T. Stauning, Erik Scavenius devient chef du gouvernement. John Christmas Møller appelle à la résistance à partir de la BBC de Londres. Cette résistance provoque la rupture avec l'occupant : le gouvernement démissionne, l'armée allemande a les pleins pouvoirs et le roi est assigné à résidence (1943). Les Danois sabordent alors leur flotte. Les nazis, maîtres du pays, persécutent les Juifs, qui, pour la plupart, se réfugient en Suède. Un Conseil de la liberté du Danemark, regroupant tous les partis politiques, se constitue.

En 1944 l'Islande, à la suite d'un référendum national, coupe tous ses liens avec le Danemark et proclame la république.

10. La prépondérance des sociaux-démocrates (1950-1968)

Dès la libération, en mai 1945, le régime monarchique constitutionnel est rétabli. Un gouvernement provisoire regroupe résistants et anciens membres du gouvernement. En 1947, Frédéric IX devient roi. Le gouvernement revient aux sociaux-démocrates qui sont désormais présents dans la plupart des gouvernements suivants. Ils réussissent à se maintenir au pouvoir, bien que n'obtenant que rarement la majorité absolue, soit par le biais de gouvernements minoritaires, soit par des coalitions temporaires.

En 1953, une nouvelle Constitution est adoptée. Elle crée un Parlement unicaméral (Folketing), et permet aux femmes d'accéder au trône. Le Groenland devient une province danoise (il deviendra autonome en 1979). Le conflit aux îles Féroé s'achève par la victoire électorale des partisans de l'union avec le Danemark.

Sur le plan économique, la prospérité des années 1950-1960 facilite la mise en œuvre d'un programme social fondé sur le concept de « bien-être productif ». Le coût des réformes provoque des tendances inflationnistes contre lesquelles le gouvernement lutte par le renforcement d'une fiscalité déjà lourde et par l'accroissement du déficit budgétaire.

11. L'ère des gouvernements de coalition (1968-1982)

Quatre décennies de domination du parti social-démocrate prennent fin lors des élections de 1968. Hilmar Baunsgaard, à la tête du parti libéral radical, forme un gouvernement de coalition qui dirige le pays jusqu'en 1971. Jens Otto Krag, social-démocrate, reprend alors les rênes du pays. À la mort de Frédéric IX en 1972, sa fille, Marguerite II, lui succède. Cette même année, J. O. Krag démissionne et est remplacé par le social-démocrate Anker Jørgensen.

En 1973, l'entrée dans le Marché commun européen implique une vaste réorganisation de l'économie et provoque un mécontentement populaire et des troubles sociaux, provoqués par la hausse générale des prix. La gauche et la droite, incapables de remporter une majorité de voix, font reposer leurs gouvernements sur un fragile équilibre de cabinets de coalition, nés de fréquentes consultations électorales anticipées. Les sociaux-démocrates perdent des voix aux élections de 1973 et Poul Hartling, un libéral, forme un gouvernement minoritaire. Aux élections de 1975 cependant, A. Jørgensen retrouve le pouvoir à la tête d'un cabinet minoritaire et ce jusqu'en 1982.

12. La remise en cause du modèle social-démocrate

Le visage du Danemark s'est considérablement modifié et les principes du modèle scandinave sont remis en cause. Une partie de l'électorat conteste de plus en plus la forte pression fiscale et la bureaucratisation due à l'extension d'un secteur public dont la part dans le PIB est passée de 23 % à 50 % depuis les années 1950.

Après les élections de décembre 1981, A. Jørgensen forme un gouvernement social-démocrate qui ne parvient pas à faire adopter son plan de redressement économique. Le conservateur Poul Schlüter lui succède à la tête d'une coalition quadripartite (« le trèfle à quatre feuilles ») de centre droit. Il est le premier chef du gouvernement conservateur depuis l'introduction du système parlementaire en 1901. Ayant engagé une politique de rigueur efficace, la coalition est renforcée aux élections de 1984, marquées par la progression des conservateurs. S'attachant à réduire le secteur public et à prendre ses distances avec le modèle de société de la social-démocratie – sans toutefois remettre en cause le principe de l'État providence –, la coalition se maintient après les législatives de 1987.

Le rétrécissement de la base parlementaire de la coalition, réduite à trois partis de gouvernement après les élections anticipées de mai 1988, provoquées par les dissensions sur la politique de défense, puis à deux partis, après les élections de décembre 1990, semble annoncer la fin de la domination des droites et des centres qui a marqué la décennie.

Après la démission du Premier ministre, en janvier 1993, les sociaux-démocrates reviennent au pouvoir. Leur leader, Poul Nyrup Rasmussen, forme un gouvernement de coalition avec l'appui des formations centristes dont les libéraux radicaux (parti social libéral). Il est reconduit dans ses fonctions après les élections de 1994 (tout en perdant la majorité au Parlement), puis de nouveau en 1998, mais cette fois-ci à la tête d'un gouvernement minoritaire. Paradoxalement, c’est sous sa direction que les privatisations les plus importantes ont lieu (téléphone, Banque postale, aéroports, assurance retraite des fonctionnaires notamment), ne rencontrant que peu d’opposition.

12.1. La question écologique

Si la protection de l’environnement devient un enjeu politique à partir des années 1970 (création d’un ministère de l’Environnement en 1973), l’écologie politique reste marginale au Danemark à la différence d’autres pays européens comme l’Allemagne où il se développe dans les années 1980.

Cette question mobilise cependant la société civile (avec le développement d’une des plus importantes associations de défense de la nature en Europe) et aussi bien « la nouvelle gauche » (socialistes de gauche et parti socialiste du peuple) que les centristes (radicaux libéraux) s’en saisissent, les partis dominants finissant par l’intégrer dans leurs programmes.

Alors que les centrales thermiques fournissent l’essentiel de l’électricité du pays, le programme nucléaire est abandonné en 1984 tandis qu’est lancé un plan de développement des énergies renouvelables, en particulier de l’éolien, qui sera intensifié à partir des années 1990. Le programme « Énergie 21 », adopté en 1996, vise ainsi à stabiliser la consommation d’énergie en période de forte croissance économique, à préserver l’indépendance énergétique du pays (fondée sur ses réserves de pétrole et de gaz) et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Parallèlement, sous la pression d’une intense campagne médiatique en 1986 à la suite, notamment, de la destruction de colonies de langoustes dans le détroit entre le Danemark et la Suède, sont adoptées des mesures plus strictes de protection de l’environnement ; une politique poursuivie par ailleurs avec la réforme et le développement des écotaxes en 1994. Sont ainsi posées les bases de la future politique environnementale, objet d’un assez large consensus.

12.2. L'immigration et la percée du populisme

En 2001, P. N. Rasmussen décide d'avancer les élections prévues initialement en 2002, espérant être reconduit une nouvelle fois. Mais, en novembre 2001, l'alliance de droite, composée des libéraux, des conservateurs, des centristes et de l'extrême droite, lui inflige une défaite cinglante, en obtenant 55,3 % des suffrages, soit 98 des 179 sièges du Parlement. La gauche n'en sauve que 77, dont 52 seulement reviennent aux sociaux-démocrates (29,1 % des suffrages). Ces derniers cèdent ainsi aux libéraux (31,3 %) la place de première force politique du pays, qu'ils détenaient depuis plus de quatre-vingts ans.

Autre fait remarquable de ce scrutin : le très bon résultat du parti du Peuple danois (Dansk Folkeparti, DF), formation d'extrême droite, fondée en 1995. Avec 12 % des suffrages (22 sièges), le parti du Peuple danois dépasse pour la première fois le parti conservateur (dont le déclin, entamé à la fin des années 1980, se poursuit) et peut négocier son soutien au nouveau Premier ministre, Anders Fogh Rasmussen, chef de file du parti libéral. Coalition de libéraux et de conservateurs, le nouveau gouvernement ne comprend néanmoins aucun représentant de ce parti.

Conformément à ses promesses de campagne, A. F. Rasmussen s'efforce de geler la hausse des impôts et de maintenir les acquis de l'État providence. Sous la pression du DF, il durcit considérablement la politique d'immigration. Lors des élections législatives de février 2005, le parti libéral enregistre un léger recul (29 %) mais demeure la première formation du royaume. Le parti du Peuple danois obtient 13,2 % des voix, les libéraux radicaux (parti social libéral) 9,2 %, des suffrages ; le faible score des sociaux-démocrates (25,9 %) entraîne la démission de leur leader, Mogens Lykketoft qui est remplacé par Helle Thorning Schmidt, première femme à diriger le parti.

En septembre 2005, dans le cadre d'un débat sur l'islam et la liberté d'expression, le journal conservateur danois Jyllands-Posten publie douze caricatures de Mahomet, dont une montrant le Prophète affublé d'une bombe en guise de turban. Cette « affaire des caricatures », fortement médiatisée, suscite une vive polémique internationale et entraîne une détérioration des relations entre Copenhague et certains pays musulmans comme le Pakistan, où un attentat à la voiture piégée contre l'ambassade du Danemark à Islamabad fait huit morts près de trois ans plus tard, alors que la polémique semblait s'être éteinte.

L'« affaire des caricatures » révèle avant tout l'attention croissante portée depuis quelques années par l'opinion publique danoise à la nouvelle place de l'islam dans le pays, étroitement associée à celle des immigrés et des réfugiés. En obligeant ces derniers à passer un « examen d'intégration » et à travailler au moins deux ans et demi avant de pouvoir bénéficier d'un permis de séjour permanent, le gouvernement durcit ainsi encore sa politique dans ce domaine en juillet 2006.

Voulant raffermir le soutien à sa politique de restructuration du secteur public, le Premier ministre décide de convoquer des élections législatives anticipées en novembre 2007. La coalition sortante l'emporte pourtant de justesse avec 89 sièges sur 179, le parti libéral reculant de 6 sièges. A. F. Rasmussen est alors reconduit dans ses fonctions avec le soutien du parti du Peuple danois (13,8 % des suffrages et 25 sièges) et grâce à celui d'un député des îles Féroé. La Nouvelle alliance – un nouveau parti centriste créé en mai 2007 par Naser Khader, un immigré palestinien d'origine syrienne – obtient de justesse 5 sièges, ne réalisant pas la percée qu'elle espérait.

12.3. La crise économique et l'alternance à gauche

Le Danemark n’échappant pas à la crise financière et économique internationale, le ralentissement de la croissance, l’apparition d’un déficit budgétaire après les excédents des années 2000-2008 et l’état des services publics sont au cœur de la campagne électorale de 2011, éclipsant la question de l’immigration, au premier plan lors des scrutins précédents.

Le 15 septembre, malgré le léger recul des sociaux-démocrates – qui obtiennent autour de 25 % des suffrages et 44 députés – et celui du parti socialiste du Peuple par rapport à sa percée en 2007 –, la coalition de centre gauche l’emporte de justesse avec 50,2 % des voix et 89 sièges, grâce à la progression des centristes du parti social libéral (libéraux radicaux) qui l’ont ralliée et de l’« alliance rouge-verte », fondée en 1989 par trois petits partis de gauche. Les libéraux restent ainsi en tête de ce scrutin avec même un siège de plus, et le recul du centre droit est surtout dû à celui des conservateurs qui perdent 10 députés, davantage que le parti du Peuple danois qui en conserve 22 avec 12,3 % des voix.

Après accord sur un programme prudent de réformes, H. T.  Schmidt, première femme à accéder au poste de Premier ministre dans le pays, forme un gouvernement auquel participent, autour des sociaux-démocrates (11 ministres sur 23), le parti social libéral et le parti socialiste du Peuple. Marquant la rupture avec les cabinets précédents et l’influence de la droite populiste, le ministère des Réfugiés, Immigrants et de l’Intégration est supprimé.

12.4. Le retour au pouvoir de la droite

L’attentat terroriste commis à Copenhague par un islamiste radicalisé le 14 février 2015, peu après ceux perpétrés à Paris en janvier, replace les questions de l’immigration, des réfugiés et de la place de l’islam dans le pays au cœur des débats politiques.

Les élections législatives de juin en subissent vraisemblablement les effets. Porté par sa victoire aux élections européennes de mai 2014, le parti du peuple danois (Dansk Folkeparti, DF), désormais dirigé par Kristian Thulesen Dahl, se hisse à la seconde place en obtenant plus de 21 % des suffrages et 37 sièges, derrière les sociaux-démocrates (qui résistent bien avec 26,3 % des voix et 47 députés à la différence de ses principaux partenaires de la coalition de centre gauche qui perd ainsi son étroite majorité) mais devant le parti libéral (Venstre, 34  sièges) conduits par Lars Løkke Rasmussen.

Ce dernier doit se résoudre à former un cabinet minoritaire après l’échec des négociations avec les conservateurs, l’alliance libérale (ex-Nouvelle alliance) et le DF, qui exige une limitation de l’immigration mais s’oppose également aux restrictions budgétaires et à la baisse des impôts prévues. Au Parlement, ce gouvernement ne bénéficie ainsi que d’une marge de manœuvre très étroite et se retrouve de nouveau sous la pression de la droite populiste.

C’est notamment en matière d’immigration et d’intégration que le gouvernement adopte un ensemble de nouvelles mesures très restrictives défendues par la ministre (libérale), avec le soutien du DF mais aussi des sociaux-démocrates. Le ralliement de ces derniers à ce durcissement des conditions d’accueil des migrants, justifié par leur volonté de garantir la pérennité du système de protection sociale danois, leur permet en partie de préserver leur base électorale.

12.5. Nouvelle alternance

Si la politique migratoire, largement inspirée des positions du parti du peuple danois, semble bien avoir comme effet d’affaiblir finalement ce parti, ce qui n’avait pas été le cas en 2008, les mesures de restriction budgétaire sont davantage contestées. Les dépenses sociales, en diminution dans la santé ou l’éducation, est ainsi l’un des enjeux des élections de juin 2019.

Le résultat principal de ce scrutin est le très net recul du DF qui, également en perte de vitesse aux élections européennes de mai, n’obtient que 8,7 % des suffrages et 16 sièges. Le parti social-démocrate vient en tête avec 48 députés et environ 26 % des voix devant le parti libéral (23,4 % et 43 sièges). Parmi les principaux gagnants, les libéraux radicaux et le parti socialiste du Peuple progressent devant l’alliance rouge-verte et les conservateurs. À la tête du parti social-démocrate depuis 2015, Mette Frederiksen forme un gouvernement minoritaire après un accord avec les trois autres partis de gauche et de centre-gauche.

13. L'engagement du Danemark sur la scène internationale

Après la Seconde Guerre mondiale, le Danemark entre au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) et accepte l'aide du plan Marshall (1947).

13.1. L'alliance atlantique

Se trouvant confrontés à la menace d'expansionnisme soviétique dans la Baltique et traumatisés par le coup de Prague (1948), les dirigeants danois se sont résolus, après l'échec de la tentative d'alliance scandinave, à rejoindre l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en 1949. Cette adhésion, surtout lors de la détente des relations avec l'URSS dans les années 1960, suscite des réticences (le Danemark se prononce contre le stationnement de troupes étrangères et d'armes atomiques sur son territoire en temps de paix).

Après une période de tensions en 1982-1988, dues au débat sur le projet d’une zone dénucléarisée en Europe du Nord, les relations avec l’OTAN se normalisent et se resserrent après la dislocation de l’Union soviétique. La coopération militaire avec les États Baltes est renforcée ainsi qu’avec les autres pays d’Europe centrale et orientale (la Pologne notamment dans le cadre du Corps multinational Nord-Est, créé avec cette dernière et l’Allemagne en 1999) ; le Danemark s’engage dans la résolution des crises dans les Balkans par sa participation à la SFOR en Bosnie-Herzégovine et à la KFOR au Kosovo.

L'accession au pouvoir de Anders Fogh Rasmussen en 2001 se traduit par l'engagement réaffirmé du Danemark aux côtés des États-Unis et de l'Alliance atlantique. Le royaume participe ainsi à la coalition internationale en Iraq (avec un contingent qui n'est retiré qu'en août 2007), ainsi qu'en Afghanistan (avec une contribution d'environ 700 hommes) au sein de la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS). Cette orientation fortement atlantiste vaut au Premier ministre danois d'être nommé au poste de secrétaire général de l'OTAN en avril 2009.

13.2. Le Danemark et l'Europe

Membre du Conseil nordique depuis 1952, le Danemark adhère à l'Association européenne de libre-échange (AELE) en 1960. Deux ans plus tard est signée la convention d'Helsinki, accord de coopération avec la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède, amendé et élargi depuis à sept reprises. Conditionnant son adhésion à celle de la Grande-Bretagne, le Danemark entre dans le Marché commun européen en 1973.

En 1992 toutefois, les Danois rejettent le traité de Maastricht, qui propose une intégration politique et économique croissante au sein de l'Union européenne (UE). Ils l'approuvent finalement en mai 1993 après l'obtention d'exemptions (opt outs) dans quatre principaux domaines :
– l'Union économique et monétaire (UEM), à laquelle le pays, qui conserve sa monnaie n'adhère pas ;
– la défense, le Danemark ne participant pas à des opérations ou à des décisions ayant des implications en la matière ;
– la justice et les affaires intérieures, la coopération judiciaire et policière étant maintenue au niveau interétatique et limitée au cas par cas ;
– la citoyenneté européenne.

La volonté des Danois de se tenir à l'écart de la zone euro est réitérée lors du référendum de septembre 2000 (53,1 %).

Avec quatre autres pays nordiques (la Finlande et la Suède et, hors UE, l'Islande et la Norvège), le Danemark entre en mars 2001 dans l'espace Schengen, une décision qui ne fait cependant pas l'unanimité. Le gouvernement s'efforce pourtant d'atténuer l'euroscepticisme toujours prégnant : après un accord entre les formations politiques du pays, à l'exception du parti du Peuple danois et de l'Alliance rouge-verte, le traité de Lisbonne est ratifié massivement par le Parlement en avril 2008 mais une nouvelle consultation des Danois en vue d'abandonner certaines des dérogations obtenues par le « compromis d'Edimbourg » de décembre 1992 est finalement prudemment écartée.

Les élections européennes de juin 2009 se distinguent par le taux de participation le plus élevé depuis 1979 (59,5 % contre 43,1 % en moyenne pour l'UE) et par une évolution du vote eurosceptique même si ce sentiment traverse l'ensemble des formations politiques. Ainsi, le Mouvement de juin (9,1 % des voix et un député en 2004) disparaît de la scène politique à la différence du Mouvement populaire contre l'UE dont il était issu, qui conserve son unique siège. À droite, le parti du Peuple danois, fortement souverainiste, consolide son implantation nationale en progressant de 6,8 % en 2004 à 14,8 % des suffrages et en obtenant deux sièges. En revanche, dans le camp de la gauche, le parti socialiste du Peuple – désormais engagé en faveur de l'UE tout en restant hostile à l'idée de Constitution et à la monnaie unique – confirme sa percée réalisée aux élections législatives de 2007 : il double presque son audience (15,4 % des voix et 2 députés) par rapport au scrutin de 2004, arrivant en troisième position derrière les libéraux (19,6 % des voix) et les sociaux-démocrates qui reculent de 32,6 % à 20,9 % des suffrages.

En octobre 2011, l’une des toutes premières décisions du nouveau gouvernement de centre gauche est d’annuler les contrôles aux frontières décidés par le cabinet précédent sous la pression du parti du Peuple danois, et qui avaient suscité de vives critiques au sein de l’UE.

Toutefois, la question de l’immigration reste omniprésente et l’euroscepticisme semble bien ancré comme en témoignent les résultats des élections de mai 2014, marquées par le succès sans précédent du parti du peuple danois qui arrive en tête du scrutin avec 26,6 % des suffrages et 4 sièges.

Pour en savoir plus, voir l'article Danemark.