Relations sociales

L'intervention de l'État suscite des réactions mitigées

Si 1982 laisse indéniablement son empreinte dans l'histoire des relations sociales, avec la promulgation des quatre lois Auroux sur les droits nouveaux des travailleurs, elle montre aussi les sérieuses difficultés que rencontre la négociation collective. Le 22 novembre, en inaugurant un institut géré pour la première fois par les six centrales représentatives, l'Institut de recherches économiques et sociales, Pierre Mauroy affirme : « La politique contractuelle non seulement demeure mais elle s'approfondit. » La cuvée du second semestre 1982 ne permet qu'un bilan plus mesuré.

Certes, le gouvernement marque des points en réussissant assez bien son pari du blocage des salaires. Dénoncé verbalement avec sévérité par l'ensemble des organisations syndicales — sans qu'aucune action d'ampleur ne vienne le contrer —, il s'est opéré sans heurts, les salaires horaires n'ayant progressé, de juillet à octobre, que de 0,2 %. La sortie du blocage s'est elle-même effectuée en douceur.

Blocages

Tant en septembre qu'en octobre et malgré une recrudescence en novembre, le nombre de conflits salariaux est demeuré assez faible. Mieux : patronat et syndicats, après une phase d'attentisme, ont, dans le secteur privé, joué le jeu de la négociation, sans surenchères. Cent douze branches ont négocié. Alors qu'en 1981 61 % des salariés du secteur privé ne bénéficiaient d'aucun accord salarial, environ 3 millions se sont trouvés à la sortie du blocage couverts par des accords nationaux et près de 5 millions (dont la métallurgie) par des recommandations patronales.

À défaut d'avoir pu compter au départ sur une autodiscipline syndicale qui, à l'entendre, l'aurait dissuadé de recourir à une loi pour bloquer les salaires, le Premier ministre a eu la satisfaction de constater que les directives qu'il avait adressées le 10 septembre au secteur public et nationalisé avaient inspiré un grand nombre de négociateurs du secteur privé.

Tout en recommandant de limiter les augmentations de salaires sur deux ans aux hypothèses gouvernementales de hausse des prix (18 % sur 1982 et 1983) pour aboutir à la fin de cette période à un maintien du pouvoir d'achat moyen en niveau, le Premier ministre Pierre Mauroy a fait progressivement entrer dans les mœurs un changement important, la mise en cause de l'indexation automatique des salaires sur les prix, pratique illégale depuis 1959 mais appliquée dans de nombreuses branches.

Bien des hésitations et des tergiversations ont cependant entouré la démarche gouvernementale lors des négociations salariales. Proscrite au départ, la clause de sauvegarde — garantissant un maintien du pouvoir d'achat moyen en cas de dérapage des prix au-delà de 18 % — a été finalement introduite par Anicet Le Pors dans la fonction publique, au risque de rétablir l'échelle mobile que l'on avait chassée.

Sauvegarde

Cette concession importante permet au gouvernement d'afficher un bilan plutôt positif quant aux négociations dans le secteur public et nationalisé, la clause de sauvegarde, sous des habillages voisins, ayant été prévue à EGF, à la SNCF et à la RATP. Dans la fonction publique cependant, la CGT a refusé de joindre sa signature à celles de la FEN, de FO, de la CFDT et des autonomes. En revanche, alors qu'il n'y a eu aucun accord en bonne et due forme à EGF, la CGT a signé à la SNCF et à la RATP, entreprises placées sous la tutelle de Charles Fiterman, ministre des Transports et dirigeant communiste.

Mais la politique contractuelle a connu des heures très douloureuses à l'UNEDIC (assurance chômage). En proclamant sa volonté de maîtriser la progression des dépenses sociales, après avoir cependant fait grimper le taux des prélèvements obligatoires à 44 %, le gouvernement s'est assuré le consensus des partenaires sociaux.

Certes, les deux plans d'économies — en juillet et en octobre — que Pierre Bérégovoy, successeur de Nicole Questiaux au ministère de la Solidarité, a mis en œuvre pour la Sécurité sociale — sans que le redressement ne soit vraiment garanti ni pour 1982 ni pour 1983 — ont fait sérieusement grincer les dents de plus d'un syndicat, mais il n'y a pas eu de tempête. Il en est allé bien différemment avec l'UNEDIC. Rude partie !