La deuxième phase des recherches dans ce domaine s'ouvre en 1950 avec les travaux sur les bases puriques (A et G) et pyrimidiques (T et C) d'un biochimiste autrichien, qui émigra aux États-Unis en 1934, Erwin Chargaff. Celui-ci établit que le rapport A+T sur C+G varie entre les espèces, mais est constant dans une espèce donnée. Il démontre également que les rapports A/T et C/G sont constants et quasiment égaux à un.

Le rôle de Chargaff ne s'arrête pas là. Il confie, en janvier 1951, des échantillons d'ADN bactérien, végétal et animal à Maurice Wilkins, qui dirige le laboratoire de cristallographie du King's College, à Londres. Au mois de mai de la même année, lors d'une conférence au mois de mai à Naples, Wilkins montre quelques clichés de la diffraction d'un cristal d'ADN : ils sont d'assez mauvaise qualité, mais suffisamment impressionnants pour exciter l'intérêt du jeune James Watson, qui s'ennuie un peu dans un laboratoire de Copenhague où il est boursier. Watson réussit alors à être transféré en novembre 1951 au laboratoire Cavendish, à Cambridge. Il n'a pas un bureau pour lui seul, et doit partager celui qu'occupe alors un physicien reconverti dans la biologie, Francis Crick. Lorsque les échantillons de Chargaff arrivent dans le laboratoire de Maurice Wilkins, une jeune femme récemment mutée dans ce haut lieu de la cristallographie travaille déjà sur l'ADN. Elle s'appelle Rosalind Franklin. Issue d'une famille de banquiers londoniens, cette femme au caractère indépendant a exercé auparavant ses talents de cristallographe en France. Ses relations avec Maurice Wilkins et, plus tard, avec Watson et Crick vont être orageuses, mais déterminantes pour le rôle qu'elle a joué dans la découverte de la structure de l'ADN.

James Watson assiste en décembre 1951 à une conférence où Rosalind Franklin présente ses clichés de la diffraction des rayons X par un cristal d'ADN. Contrairement à Wilkins, qui avait utilisé la forme non hydratée (dite « A ») d'un tel cristal, celle-ci a photographié un cristal hydraté (forme « B »). La différence de qualité est spectaculaire et les clichés constituent un puissant argument en faveur d'une structure en hélice. En fait, sans que Watson (dont ce n'était pas la spécialité) le comprenne, les images de Rosalind Franklin suggèrent une double hélice « antiparallèle », dont les deux brins vont dans un sens opposé l'un à l'autre.

De retour à Cambridge, Watson et Crick s'attellent à construire une maquette en trois dimensions de ce qui pourrait être la structure de l'ADN. Ils partent sur une fausse route, et lorsqu'ils montrent à Maurice Wilkins et à Rosalind Franklin leur modèle de triple hélice, la jeune femme leur rit au nez. Watson et Crick ne se découragent pas pour autant, surtout que deux Américains, Al Hershey et Martha Chase, viennent apporter une pierre à l'édifice : ils corroborent en effet les conclusions d'Oswald Avery en montrant que l'infection d'une bactérie par un virus appelé « phage » est due à la pénétration de l'ADN du phage. L'injection de cet ADN dans la bactérie suffit à voir se reproduire des particules virales.

Déjà à l'étroit dans leur bureau au Cavendish Laboratory, Watson et Crick doivent y faire de la place, en septembre 1952, pour Peter Pauling, fils du prestigieux chimiste américain Linus Pauling. Ce dernier est lui aussi sur la piste de la structure de l'ADN. En décembre, Pauling père évoque dans une lettre à son fils son modèle. Il lui adresse le 28 janvier 1953 une copie du manuscrit encore confidentiel qu'il a soumis à l'Académie américaine des sciences, laquelle devrait le publier le mois suivant. James Watson prend connaissance des hypothèses de Linus Pauling : celui-ci croit à un modèle de triple hélice. Le 30 janvier 1953, alors que Rosalind Franklin refuse de lui communiquer l'état d'avancement de son travail, Watson vient à Londres et se fait montrer en cachette par Maurice Wilkins le cliché de la forme B du cristal d'ADN qu'a pris la jeune femme. Dans le train qui le ramène à Cambridge, il le redessinera sur un journal. Décidément peu étouffés par les scrupules, Watson et Crick obtiennent, début février 1953, du cristallographe Max Perutz communication du résumé confidentiel que Rosalind Franklin a fait de ses travaux à l'intention des autorités scientifiques britanniques. Ils y trouvent confirmation d'un modèle de double hélice aux brins de sens opposé. R. Franklin situe correctement les groupements phosphate à l'extérieur du squelette de la molécule.

Une course contre la montre

Le Nobel de médecine 1962 pour Watson, Crick et Wilkins
En 1983, le gène de la chorée de Huntington est localisé.