Plusieurs raisons expliquent ces mauvais scores. L'affectation des fonds publics continue d'aller prioritairement aux grands groupes et non aux PME. Ces dernières ne reçoivent que 9 % des fonds publics contre 15 % pour la moyenne européenne. Et la tendance est encore à la baisse. Mais aussi, et peut-être surtout, le mode de recrutement des chercheurs, son inertie, le manque d'évaluation réelle, le recrutement à vie, le manque de mesures incitatives nuisent à une bonne utilisation des ressources. Autant de faiblesses également identifiées dans un rapport du plan paru en novembre 2002 sur le thème très vaste de « La France dans l'économie du savoir : pour une dynamique collective ». Issu du travail du groupe Économie de la connaissance présidé par Pascal Viginier, directeur de France Télécom R & D, il attribue « les performances décevantes de la recherche française, moins au niveau des ressources engagées qu'à un manque de coordination du système et à un déficit en termes d'élaboration de stratégies à long terme ». Le système de recrutement « opaque » des chercheurs y est également souligné, entre autres. D'un côté, on s'alarme devant le manque d'intérêt qu'auraient les jeunes pour la science. D'un autre, on observe que le taux de chômage des docteurs est plus élevé que celui des détenteurs de BTS. Et que seulement la moitié des docteurs en science qui ont un emploi travaillent dans la recherche.

Des délocalisations menaçantes

Ces constats sont d'autant plus inquiétants que la recherche, à l'instar des autres secteurs d'activité, se mondialise. Et tout comme un territoire doit se montrer attractif pour encourager de nouveaux investissements industriels, il doit aussi faire valoir ses atouts pour attirer des centres de recherche d'entreprises ou pour attirer des chercheurs de qualité, qu'ils soient français ou étrangers. Or, en plus des critères qui prévalent en matière d'investissement industriel (subvention, fiscalité, qualité de vie, etc.), il en est un spécifique à l'investissement recherche : celui de la présence sur le territoire d'une recherche publique de qualité. C'est ainsi que le groupe pharmaceutique Aventis a, d'une part, réduit ses activités de recherche en France pour un certain nombre de maladies qui n'entraient plus dans son périmètre d'activité, et d'autre part, a choisi Vitry, en région parisienne, pour son centre mondial de recherche en génomique fonctionnelle, production de protéines, et son centre de toxicologie, en raison de l'expertise française en matière de génétique et de génomique, et de la qualité de la recherche clinique.

Si la recherche publique française souffre globalement d'un manque d'évaluation, les directeurs de recherche d'entreprises françaises seraient ainsi, eux, assez à même de repérer les bons laboratoires avec lesquels ils nouent des collaborations fructueuses. Des délocalisations massives de labos privés ne sont donc pas envisagées pour demain. Mais la menace est réelle. Certains responsables en entreprise regrettent déjà que les collaborations entre chercheurs publics et privés soient trop ponctuelles et critiquent en particulier le manque d'intérêt des chercheurs publics de haut niveau pour l'activité qu'ils mènent, pour preuve la très grande difficulté à les faire venir en année sabbatique dans leurs laboratoires.

Pour remédier à cette situation, les mesures annoncées à l'occasion de la présentation du budget de la recherche pour 2003, comme la création de 400 contrats temporaires pour des post-doctorants font l'effet d'une goutte d'eau.