Journal de l'année Édition 2003 2003Éd. 2003

Le dernier baroud de Mugabe

Le président zimbabwéen a raté une occasion de quitter le pouvoir en douceur, alors que son pays traverse la plus grave crise économique et sociale depuis l'indépendance. Réélu en mars, au terme d'une élection très contestée, Robert Mugabe a poursuivi sa campagne de répression politique et sa réforme agraire contestée.

L'espoir d'un règlement de la crise que connaît le Zimbabwe depuis près de trois ans, s'est amenuisé en 2002. Robert Mugabe, soixante-dix-huit ans au pouvoir depuis 1980, a certes remis son mandat jeu. Pour la première fois en vingt ans de règne absolu de son président, le Zimbabwe aurait donc pu connaître une alternance démocratique à la tête du pays. Mais la présidentielle des 9 et 10 mars n'a, en réalité, été qu'une formalité pour le vieux président, puisque tout avait été mis en place pour lui assurer une victoire contre son principal challenger : Morgan Tsvangirai.

Répression

Dans les mois qui ont précédé la présidentielle, le gouvernement a accentué la répression contre l'opposition. Dans les provinces, des miliciens, recrutés parmi la foule des jeunes chômeurs, ont été déployés, multipliant les exactions ou les intimidations. Ce fut particulièrement le cas dans les régions du centre du pays, qui soutiennent traditionnellement le parti au pouvoir, mais qui risquaient de pencher pour l'opposition. Par ailleurs, les autorités ont refusé d'accréditer les organisations non gouvernementales locales, qui se proposaient de participer à la surveillance des élections. Quant aux observateurs de l'Union européenne, ils ont finalement jeté l'éponge, après l'expulsion du chef de leur délégation, laissant aux seules équipes venues des pays de la région, ainsi que celles dépêchées par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), le soin de vérifier la conformité du scrutin. Pour parfaire son dispositif, le gouvernement avait fait voter, à la fin de l'année 2001, une loi extrêmement stricte sur la presse, visant essentiellement les médias indépendants et les journalistes étrangers, accusés de comploter contre le régime, pour le compte de la Grande-Bretagne, bête noire du régime.

À la veille du scrutin des 9 et 10 mars, une réelle tension régnait au Zimbabwe. La crainte d'une guerre civile, en cas de victoire trop ostensible du président sortant, a même été évoquée. Il n'en a rien été, malgré le score de Robert Mugabe, 56,2 % contre 41,9 % pour Morgan Tsvangirai. Face à un pouvoir maîtrisant tous les rouages de l'appareil répressif, l'opposition a préféré éviter un bain de sang. Difficile également d'imaginer un arbitrage de l'armée en faveur des adversaires du pouvoir, comme ce fut le cas en février 2000 au Sénégal pour l'actuel président Wade. Quelques mois plus tôt, les autorités avaient pris soin d'offrir de grasses augmentations de soldes aux militaires. De plus, une partie de l'armée profite largement de la présence d'un fort contingent en République démocratique du Congo, qui soutient le président Kabila contre les rebelles du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD-Goma), pour se livrer à toutes sortes de trafics, auxquels le MDC a promis de mettre fin.

Un résultat contesté

Malgré un score très contesté, et non reconnu par les partenaires occidentaux du pays, les observateurs de l'OUA, comme ceux de la Communauté de développement de l'Afrique australe, ont validé les résultats du scrutin. Les voisins du Zimbabwe ont préféré éviter une confrontation avec le président Mugabe, soit parce qu'ils craignaient de se retrouver un jour à sa place, soit parce que, comme le Sud-Africain Thabo Mbeki, ils préféraient ménager leur opinion intérieure. Le Zimbabwe a en effet entamé une réforme agraire très controversée, début 2002, qui vise à redistribuer de manière accélérée 70 % des meilleures terres, toujours dans les mains de fermiers blancs. Or, celle-ci est plutôt bien perçue par le petit peuple noir sud-africain, alors que le pays de Nelson Mandela connaît un problème similaire, voire plus criant encore.