D'abord journaliste, il écrit ensuite des comédies musicales et des divertissements théâtraux. Quinze ans après son expérience de la déportation, il commence a écrire son Être sans destin qui ne sera reconnu qu'en 1985 lors d'une deuxième publication.

Ses ouvrages disponibles en France sont aujourd'hui Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, Un autre, le Refus, tous publiés chez Actes Sud.

Dès 1989, à la suite des bouleversements politiques intervenus en Hongrie, après une vie dans l'ombre passée à traduire, entre autres, Nietzsche, Freud, Wittgenstein, Schnitzler, il put paraître en public.

Ses essais et ses romans doivent être traduits bientôt en français.

Écrivain sérieux, d'un abord difficile, il traite du destin et de son absence, de la liberté et de la nécessité de survivre. Il se préoccupe de morale, tant individuelle que politique, mais il n'oublie jamais l'expérience insoutenable du camp d'extermination, où s'est constituée la pénombre dans laquelle baignent la plupart de ses récits et où s'enracine son humeur philosophique.

Essais, documents, histoire

L'événement dans ce domaine, lui aussi foisonnant, est sans doute la publication pour la première fois en France de l'Histoire des Indes du dominicain Bartolomé de Las Casas (1484-1566), choisissant sans peur le camp des victimes et devenant, face à leur génocide, le défenseur des Indiens.

Tant d'essais pourraient encore aller dans le même sens. Le Misère de la prospérité de Pascal Bruckner s'élève contre la mythologie capitaliste et ses méfaits : « La mondialisation c'est d'abord la mondialisation du doute, quant à ses bienfaits... » De George Orwell, qui lutta en son temps contre les dangers guettant les sociétés contemporaines, ces Essais, articles, lettres, 1945,1950 (date de sa mort) où l'on peut lire cette pensée toujours d'actualité : « Une bonne part de ce que nous appelons plaisir n'est rien d'autre qu'un effort pour détruire la conscience. »

Antidote, peut-être, à cette méfiance vis-à-vis de l'Amérique, porteuse des valeurs libérales : l'Ennemi américain, généalogie de l'anti-américanisme français de Philippe Roger retraçant une histoire des jugements aberrants, des falsifications du mythe jusqu'à nos jours, qu'explique sans doute l'attitude ambivalente que les États-Unis suscitent, à la fois haïs et aimés.

Dans le domaine philosophique, il importe de signaler de Gilles Deleuze la publication de l'Île déserte et autres textes (qui remontent à 1955), où l'on voit s'affirmer le thème essentiel de la solitude créatrice, ou, si l'on veut, l'association de la séparation – l'être à part – et de la création, et donc de la répétition qu'illustre la métaphore centrale de l'œuf ou de l'île déserte.

Pour revenir à la littérature, on se devrait de lire l'ouvrage de Maurice Nadeau qui œuvre depuis si longtemps pour la défense des valeurs littéraires : Serviteur ! Itinéraire critique à travers livres et auteurs depuis 1945. Il serait bon également de consulter les Carnets de Marcel Proust, qui vont de 1908 à 1914. On pourrait alors se livrer à une archéologie de l'œuvre littéraire et voir s'esquisser la confusion de la vie et de la fiction. Ainsi émerge l'épaississement des personnages (leur forme, leur langage spécifique), tandis que s'assemble la matière sensible et stylistique du roman. Et puisque cette année célébrait le bicentenaire de la naissance de Victor Hugo, il est utile de rappeler que l'écrivain croyait encore à cette époque pouvoir sauver le monde de la misère, éveiller les hommes par l'écriture de même que par l'action politique, ce que montre à l'évidence son Choses vues (Souvenirs, journaux, cahiers de 1830 à 1885).