Sorti au mois d'avril, Féroce, de Gilles de Maistre, connut un bref succès d'estime entre les deux tours des élections présidentielles. Un jeune beur infiltre un parti d'extrême droite pour tuer son chef. Jean-Marc Thibault trouve, ici, un extraordinaire rôle de composition en interprétant le leader de la Ligue patriotique dont les discours populistes rappellent étrangement ceux de Jean-Marie Le Pen. Une intrigue amoureuse entre le héros et la fille du chef gâche un peu ce film, pourtant assez tonique. Pensant que les mœurs avaient suffisamment évolué, un grand nombre d'auteurs se sont mis à évoquer différents aspects de la sexualité. Catherine Breillat, qui avait ouvert la brèche avec Romance (1999), récidive cette année avec Sex is comedy, qui décrit les aléas de la fabrication d'un film pornographique. À vouloir être trop explicite, la réalisatrice rate son but et le film devient le simple récit d'un tournage. Deux films, Demonlover, d'Olivier Assayas, et la Chatte à deux têtes, de Jacques Nolot, abordent la sexualité de manière opposée mais tout aussi stylisée. Assayas se situe dans la représentation, le virtuel, la cyberculture. Des membres de deux multinationales se disputent, sur un scénario proche du polar, un produit japonais (dessin animé érotique) très porteur. L'auteur examine, avec humour, les divers degrés de permissivité en œuvre dans chaque pays considéré : ainsi la violence est mieux tolérée au Japon mais pas le sexe. Nolot est, lui, attaché au concret le plus sordide. Son film se passe dans une vieille salle diffusant du porno, et décrit les aventures fugaces de quelques homosexuels esseulés. C'est un cinéma à la fois distancié et d'acteurs, à l'instar d'un Paul Vecchiali.

Trois films vont néanmoins provoquer polémiques et débats : Irréversible, de Gaspar Noé, Choses secrètes, de Jean-Claude Brisseau, et la Vie nouvelle, de Philippe Grandrieux. Ce trio d'œuvres ambitieuses aborde, à des degrés divers, le thème de la violence sexuelle et de la soumission. Des trois longs métrages, Irréversible est probablement celui à qui l'on a fait le plus mauvais procès. Il raconte, en commençant par la fin, les conséquences d'un viol meurtrier sur une femme. Nous suivons son ami, flanqué d'un compagnon, qui recherche le coupable, avant de voir l'agression et la vie antérieure du couple. Noé travaille aussi la forme. L'ouverture du film est photographiée avec une caméra très mobile et frise l'abstraction, puis s'épure et devient d'une rare limpidité à la fin (c'est-à-dire au début de l'action où la femme est assise dans un jardin avant les événements qui vont suivre).

La Vie nouvelle, de Philippe Grandrieux, est plus pernicieux, quoique plastiquement séduisant. Le cinéaste ne porte pas de jugement sur l'univers qu'il filme : le milieu des souteneurs. On y voit une femme profondément humiliée et battue. Les défenseurs du film parlent d'un travail sur les pulsions, les autres d'une trop grande complaisance dans la description des rapports de soumission. La Vie nouvelle est un film difficile à gérer et à critiquer. Certes, l'auteur (à qui l'on doit le magnifique Sombre) n'est pas suspect de complaisance à titre personnel, mais son film travaille avec des matériaux ambigus.

Jean-Claude Brisseau, avec Choses secrètes, réalise probablement le meilleur film sur le sujet en mettant en scène, sur un canevas de type sadien, les rapports de pouvoir entre deux jeunes femmes arrivistes et un patron ivre de pouvoir. Les femmes ici ne sont plus des pantins, et le cinéaste réussit un film très fort.

Répressions et résistances

Le cinéma expérimental fait un retour en force remarqué.

L'arrivée d'une nouvelle majorité présidentielle au mois de juin a entraîné un certain nombre de mesures au profil liberticide. Le CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), se fondant sur une prétendue recrudescence de la violence et de la pornographie à la télévision, met en place, à partir du mois de novembre, une nouvelle signalétique plus visible et plus durable, inventant l'interdiction aux moins de dix ans. Cela est d'autant plus incompréhensible que cette mesure s'applique également aux chaînes câblées et payantes dotées d'une télécommande qui indique, à tout moment, le titre et l'interdiction de tout film projeté. Le Syndicat français de la critique de cinéma s'en est indigné, sans résultat apparent jusqu'ici (mi-décembre).