Au-delà de ces hommes, l'étau judiciaire semble se resserrer sur le locataire de l'Élysée. De nombreuses voix, à droite et à gauche, dénoncent la crise politique et morale et réclament que le chef de l'État s'explique devant les Français. À défaut de le faire devant les juges, comme le réclame pourtant à cor et à cri, le député PS Arnaud Montebourg. Face à la pression, le président intervient, le 15 décembre, à la télévision. Se posant en « victime permanente » et critiquant la « justice spectacle », Jacques Chirac affirme : « Je ne savais rien. » Sur la forme, sa prestation est bien accueillie par l'opinion. Mais, sur le fond, il ne convainc pas vraiment ; et les affaires devraient se retrouver au cœur de la prochaine présidentielle.

L'inversion du calendrier électoral

Le calendrier électoral de 2002 « dingo », selon l'expression de François Bayrou, président de l'UDF, donne, en décembre, aux deux têtes de l'exécutif, une nouvelle occasion de s'affronter. Et, à la droite et la gauche de se diviser. Conséquence de la mort de Georges Pompidou en 1974 et de la dissolution de l'Assemblée en 1997, contrairement à la logique des institutions de la Ve République, les législatives doivent se dérouler quelques semaines avant la présidentielle en 2002. Pour ne pas donner le sentiment de changer la règle du jeu quelques mois avant les échéances et se faire accuser ainsi de « magouillage », Jacques Chirac et Lionel Jospin avaient décidé de laisser le calendrier en l'état. Mais deux éléments vont inciter le Premier ministre à engager le bras de fer avec le président. D'abord, Jospin sait qu'il peut compter sur le soutien des centristes de François Bayrou, favorables à une telle inversion. Ensuite, il est outré de la mauvaise manière que lui a réservée Chirac lors de la crise de la vache folle. Dans une intervention télévisée, le président avait pris de vitesse le gouvernement en lui réclamant l'interdiction de l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des bovins. « Un acte de guerre », selon Jospin. Résultat : lors du congrès du PS à Grenoble, en novembre, le Premier ministre, plus gaulliste que Chirac lui-même, se fait le champion du respect des Institutions. Deux semaines avant Noël, avec la complicité active de l'ancien président Valéry Giscard d'Estaing, de l'ex-Premier ministre Raymond Barre et d'une bonne partie des députés UDF, l'Assemblée nationale « remet à l'endroit » le calendrier. Le RPR, les communistes et les Verts votent contre. Parlant une nouvelle fois à la télévision, Jacques Chirac dénonce un vote de circonstance et de convenance. L'année 2000 marque la fin de la cohabitation de velours.

Bernard Mazières
Journaliste