Créé à Bruxelles en 1992, Medeamaterial de Dusapin a connu à Mulhouse sa première française. Son auteur a repris pour l'occasion sa partition, qui occupe désormais une soirée entière. Écrit sur un texte remarquable de Heiner Müller, cet ouvrage est une relecture du mythe de Médée. Dusapin a ajouté un prologue parlé exposant en français le texte chanté par la suite en allemand. L'efficace dramaturgie d'André Wilms lui servait d'écrin, alors que l'orchestre réduit aux seules cordes agrémentées d'un orgue positif et d'un clavecin soutient un chant somptueux, principalement dévolu au personnage de Médée. À Fribourg-en-Brisgau, Musica conviait son public à la quatrième production du chef-d'œuvre du Hongrois Peter Eötvös, Trois Sœurs, créé à l'Opéra de Lyon en mars 1998 et donné cette fois non pas avec quatre hautes-contre mais avec autant de femmes, ce qui instille dans l'œuvre une émotion, une sensualité, une vérité dramatique que l'on n'avait pas ressenties devant la distanciation statique de la création, due il est vrai à une scénographie orientalisante et à une acoustique plus froide à Lyon qu'à Fribourg, où a été mise en évidence la transparence du somptueux orchestre dédoublé d'Eötvös. Après un concert consacré à un jeune prodige de dix-neuf ans, Christophe Bertrand, élève de la classe de composition du Conservatoire de Strasbourg, le Festival s'achevait sur un concert monographique consacré à Rihm de l'Ensemble Modem dirigé par Dominique My. Deux œuvres de longue haleine étaient au programme, le remarquable Jagden und Formen, véritable « fleuve d'écriture » de cinquante minutes, et Gesungene Zeit qui se place dans la lignée des grands concertos pour violon du xxe siècle.

Autre festival, Aujourd'hui Musiques de Perpignan, qui, en cette veille de xxie siècle, a choisi de célébrer les femmes compositeurs. Ainsi, trente-deux créatrices venues de toute l'Europe se sont retrouvées autour de leur aînée, la Franco-Américaine Betsy Jolas. Parmi les événements, la création de Zéphyr de Suzanne Giraud, qui a imposé sa patte avec cette partition pour piano, premier volet d'un cycle pour piano en devenir consacré aux vents. Zéphyr se place en effet dans la ligne des grandes œuvres pour piano solo, de Liszt à Ravel. Dix-huit minutes en un seul tenant exaltant des sonorités pleines aux résonances inépuisables et aux climats d'une variété infinie.

Pédagogie

Si l'on souhaite essayer de percer l'avenir, c'est à Rome, Villeneuve-lès-Avignon et Darmstadt qu'il faut se rendre. Dans la Ville éternelle, l'Institut de France organisait le Festival Musica XXI. Autrefois passage obligé pour qui voulait faire carrière, quitte à s'ennuyer ferme, la Villa Médicis est désormais un séjour moins prégnant pour les compositeurs, qui rêvent pourtant tous d'y résider. « Chacune des deux années que j'y ai passées, confie Suzanne Giraud, a été spontanément consacrée à l'un des aspects qui font l'intérêt de ce séjour. La première m'a incitée à un travail de composition sans relâche stimulé par l'ambiance qui règne parmi les résidents, par les commandes et par tout ce tout qui nous dispense des soucis matériels. La seconde m'a trouvée plus réceptive au charme et à la culture de Rome, dont je me suis durablement imprégnée par des promenades et des rencontres marquantes, notamment du compositeur Giacinto Scelsi. » Organisé par les compositeurs résidents, Mark André, Régis Campo et Alexandros Markeas, le Festival Musica XXI offrait début juillet une programmation centrée sur leur propre création mise en perspective avec le passé, mais aussi sur celle d'anciens pensionnaires et de plus jeunes qui pourraient être appelés à leur succéder. Transformé en salle de concerts, le Grand Salon de la Villa Médicis a accueilli quinze jours durant concerts, conférences et rencontres. Le programme proposé le 3 juillet par Rachid Safir et ses Jeunes Solistes mettait en regard des œuvres encore en devenir de deux pensionnaires de la Villa, Campo et Markeas, et des pages de la Renaissance, époque dont s'inspire la partition de Giraud, et, de façon moins aboutie, l'opus 2 d'une jeune compositrice de vingt-cinq ans encore en formation, Caroline Marçot. L'œuvre la plus accomplie du concert est Petrarca, magistralement écrit par Giraud pour six voix mixtes a cappella sur des poèmes tirés du Canzoniere de Pétrarque ; on y trouve l'esprit madrigaliste d'un créateur d'aujourd'hui épris du contrepoint fleuri du premier Cinquecento italien. Tiré du Canzionere de Laurent le Magnifique, le Maestro del tutto de Marçot est une œuvre de jeunesse reflétant une engageante authenticité. Dans le Blason du corps féminin, mise en écho de pages de maîtres de la Renaissance, Campo se montre spirituel et ludique mais un rien consensuel. Plus ambitieux, Viens, chante avec moi, de Markeas, était encore à l'état d'ébauche.