Un autre premier essai a beaucoup fait parler de lui. Il s'agit de Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi, la cavale violente de deux jeunes banlieusardes qui rappelle, en plus corsé, le film de Ridley Scott Thelma et Louise. Le film est sorti le 28 juin en salles avec une simple interdiction aux moins de seize ans assortie d'un avertissement pour échapper au classement X qui ferme, de fait, la voie à toute distribution en salles. Le vote de la commission a été soutenu par la ministre de la Culture. Une association d'extrême droite, Promouvoir, saisit le Conseil d'État, se disant scandalisée par le contenu du film et les supposées intentions malsaines des réalisatrices. Cela remet au jour une question souvent débattue : comment filmer le désir aujourd'hui en échappant aux clichés ? Le Conseil d'État retire son visa au film. Ce qui équivaut à une mesure de censure d'un autre temps. La ministre a promis de revoir la loi, prévoyant une interdiction aux moins de dix-huit ans pour des films non X qui pourraient bénéficier, comme les autres, de l'aide du CNC et de l'avance sur recettes. On attend toujours !

Le militant Jean-Michel Carré revient, avec Charbons ardents, tourné dans des mines du pays de Galles, à sa vieille fibre gauchisante. Les mineurs ont racheté leur mine. Le cinéaste met bien le doigt sur les problèmes qui surgissent : certains délégués syndicaux, chargés d'organiser le fonctionnement de la nouvelle structure, commencent à se bureaucratiser. En même temps, les dirigeants ont une conscience politique « de gauche » plus large que les mineurs qui défendent leur emploi dans l'immédiat. Avec Ressources humaines, Laurent Cantet pose le problème au niveau d'un individu, et de ses proches. Frank, jeune diplômé, revient en Normandie et devient cadre dans l'entreprise où son père travaille comme simple ouvrier. Rapidement, ses anciens amis ne lui font plus confiance. Il découvre un plan de licenciement et décide d'agir. Ces deux films, assez rares dans la production contemporaine, montrent que le cinéma social n'est pas encore mort.

Dans un registre un peu différent, celui du cinéma réflexif, du cinéma en train de se faire, Robert Guédiguian donne, avec À l'attaque !, un savoureux film-kaléidoscope sur les intrigues sentimentales et professionnelles de quelques personnages pittoresques tournant autour d'un garage marseillais. Les vrais héros du film en sont les scénaristes qui visualisent chaque idée et nous font participer à l'intrigue en train de se construire, avec ses ratures et ses reprises. Une sorte de puzzle à la Robbe-Grillet accessible à tous. Du cinéma social intelligent et inventif.

Autre grande tendance du cinéma français cette année, le film « historique sérieux », représenté par Vatel de Roland Joffé, Saint-Cyr de Patricia Mazuy et Sade de Benoît Jacquot. Vatel est le plus décoratif des longs-métrages. Il narre une réception chez le prince de Condé qui tente de se concilier les faveurs du roi grâce aux talents culinaires de son intendant Vatel. C'est agréable à regarder mais on ne retrouve pas la joyeuse bonne humeur qui sourdait de ce type de films dans les années 1960. Saint-Cyr est une réflexion sur le pouvoir qui se passe quelques années après l'épisode de Vatel. La maîtresse du roi, Madame de Maintenon, ouvre une école pour jeunes filles pauvres de la noblesse qu'elle tente d'éduquer mais en leur imposant sa volonté. Un film assez fort, qui l'aurait été encore plus s'il se passait de nos jours ; le message, ici aussi, est un peu noyé par la reconstitution d'époque un peu rigide. Le plus dépouillé des trois films est certainement Sade de Benoît Jacquot. Il nous conte le séjour de ce dernier dans une maison tenue par des gens en cheville avec le pouvoir de la Terreur et qui sauvent, provisoirement, quelques nobles contre de fortes sommes d'argent. Jacquot nous montre un Sade très personnel – on l'a critiqué à ce sujet, mais le personnage est devenu tellement mythique que chacun le nourrit de ses propres fantasmes – qui s'humanise en même temps qu'il initie une jeune fille à l'amour. Le film de Jacquot, bien que très physique, demeure toujours sobre.