Ces musées folkloriques et ethnographiques ont des objectifs fort louables, et d'autres qui le sont beaucoup moins. En effet, leur conception et leur message pédagogique obéissent trop souvent, à la fin du siècle dernier et jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, à des préoccupations nationalistes et xénophobes, quand ils ne sont pas l'expression d'une réaction régionale contre le pouvoir central. Le comble de la dérive politico-culturelle sera atteint avec la construction de plus de 2 000 « Heimatmuseen » par les nazis en Allemagne, en Autriche et en Tchécoslovaquie (Bohême, Moravie et Sudètes). Le résultat est néanmoins là : rien qu'en Norvège, 80 % des 350 musées répertoriés et ouverts au public aujourd'hui sont des musées de plein air et de culture rurale.

La vogue des musées de plein air s'était répandue aussi avant 1939 aux États-Unis et au Canada, un mouvement lié à l'essor des parcs nationaux, d'où l'appellation de « musées de parcs ».

La naissance des écomusées en France

À la veille du second conflit mondial, la France affiche par rapport à l'Europe du Nord et à l'Amérique du Nord un très grand retard en matière de préservation et de mise en valeur de son patrimoine culturel régional. Le centralisme administratif y est indéniablement pour quelque chose. Il n'existe alors sur le territoire national aucune institution ayant des caractéristiques comparables aux musées de plein air Scandinaves, néerlandais, américains ou canadiens.

Il faut attendre 1946 pour voir la France s'engager résolument sur la voie ouverte par les pays Scandinaves, sous l'impulsion de Georges Henri Rivière, fondateur du musée national des Arts et Traditions populaires. Ce passionné de musées d'environnement d'un nouveau genre fait preuve d'un dynamisme inaltérable – qu'il mettra aussi au service de l'ICOM (International Council of Museum), un organisme créé de toutes pièces après la guerre pour coordonner la politique mondiale en matière de musées. Rivière ne se contente pas d'être à l'origine de la création des premiers « écomusées » (celui de la Grande Lande, en particulier, à Marquèze, commune de Sabres), il effectue aussi ou coordonne un travail d'inventaire systématique du patrimoine culturel régional français. Par ailleurs, ses recherches théoriques très poussées le conduisent, avec l'aide d'autres chercheurs, à concevoir ces écomusées et à imaginer leur fonctionnement dans les moindres détails.

Mais il faut attendre la création, en 1967, des parcs naturels régionaux pour que la réalisation des premiers écomusées se concrétise. Ces nouveaux établissements vont représenter le complément idéal des espaces d'environnement préservés, qu'ils vont beaucoup contribuer à mettre en valeur et à faire connaître à des visiteurs de plus en plus nombreux.

En juillet 1968, l'ouverture au public de la maison des Techniques et Traditions ouessantines sur l'île d'Ouessant (Finistère) constitue le premier jalon des écomusées. Bientôt suivi en 1969 par l'écomusée de la Grande Lande. En 1971, un pas supplémentaire est franchi avec la création de l'écomusée de la Communauté du Creusot-Montceau-les-Mines, qui ouvre aussi de nouveaux champs d'investigation à l'archéologie industrielle. La même année, le ministre de l'Environnement Robert Poujade prononce pour la première fois officiellement le mot « écomusée » pendant un colloque. Depuis lors, les écomusées se sont multipliés en France : en 1980, une dizaine seulement étaient enregistrés ; six ans plus tard, il y en avait déjà plus de soixante. En 1991, les seuls musées d'agriculture étaient déjà plus de 400 (la plupart correspondant à l'appellation « écomusée »).

Devant l'ampleur prise par le développement des écomusées, véritable fait de société, le Centre Georges-Pompidou leur consacre même une exposition en mars 1980.

Les statuts

Beaucoup d'écomusées dépendent des parcs naturels nationaux ou surtout régionaux. Comme l'écrasante majorité des musées de France toutes catégories ouverts au public, ils se rattachent en premier lieu au ministère de la Culture, et, plus précisément, à la Direction des musées de France. D'ailleurs, leurs directeurs sont recrutés sur la liste d'aptitude des conservateurs de musée (bien que celle-ci soit considérée comme inadaptée aux besoins des écomusées). La charte de ces musées (« Principes d'organisation des écomusées »), élaborée à la fin des années 70, a été ratifiée par le ministère de la Culture en 1980. Un texte-cadre rédigé en 1981 leur attribue les mêmes droits qu'aux musées traditionnels.