Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Le nouveau monde de 1997

En politique étrangère, ce fut l'année de tous les retournements. En 1997, les peuples du monde ont vu tomber bien des mythes et surgir beaucoup de nouveaux chefs. Mais, en dépit d'une violence chronique, il reste ce constat positif. Depuis la chute du mur de Berlin qui marque la fin de la menace soviétique, l'humanité vit moins dangereusement.

Première légende écornée : celle de l'Amérique impériale. Pour Bill Clinton, décembre a trahi janvier. Au début de l'année, ce dernier avait entamé un second mandat qui, après sa réélection triomphale en novembre 1996, semblait annoncer une nouvelle série de succès diplomatiques. Mais la superpuissance unique que devint l'Amérique après la disparition de l'URSS découvre ses limites.

Au Proche-Orient, Clinton, qui avait pourtant parrainé les accords d'Oslo signés par Yitzhak Rabin et Shimon Peres, ne réussit pas à convaincre Benyamin Netanyahou de relancer le processus de paix avec les Palestiniens de Yasser Arafat. Le Premier ministre israélien a tenu la parole de l'État hébreu en ordonnant, en janvier, l'évacuation partielle de Hébron, en Cisjordanie.

Mais Jérusalem se refuse à aller plus loin. Il est vrai que les islamistes du Hamas, poursuivant leur stratégie de sabotage, se révèlent une fois de plus les alliés objectifs de Netanyahou. Juste ayant l'arrivée de Madeleine Albright, la secrétaire d'État américaine qui veut faire redémarrer la négociation, un attentat suicide fait cinq morts à Jérusalem le 4 septembre. C'est le meilleur argument pour le veto d'Israël à des concessions.

Washington échoue aussi sur les autres fronts de la région. Rebelles à l'embargo des États-Unis contre l'Iran, les Européens maintiennent leur « dialogue critique » avec Téhéran. Et lorsque Total, la compagnie française, signe un contrat d'exploitation pétrolière en Iran, le gouvernement américain doit renoncer, en octobre, à appliquer les sanctions que le sénateur d'Amato a pourtant fait voter par le Congrès.

C'est avec l'Irak que Bill Clinton connaît son revers le plus grave. Quand Saddam Hussein ordonne le 13 novembre l'expulsion des experts américains qui, conformément aux résolutions de l'ONU, recherchaient armes chimiques et biologiques, le président américain se retrouve confronté à une alternative impossible. S'il ordonne à son aviation de bombarder, ses alliés de la guerre du Golfe ne le suivront pas : ni les Arabes, déçus par l'indulgence américaine envers Israël, ni les Européens qui jugent que l'Irak a été assez puni. S'il frappe seul, le Pentagone risque de relancer la croisade islamiste contre l'Occident.

Autre mythe bousculé : celui de l'exception asiatique. Début août, la chute de la monnaie thaïlandaise va entraîner tous les autres dragons. La Corée, qui s'était hissée dans le peloton de tête des nations industrielles, en est réduite à quémander auprès du FMI un prêt de 57 milliards de dollars.

Mythes et tabous ébranlés

Les « valeurs asiatiques », proclamées supérieures face à une Europe prise dans l'engrenage de la décadence, n'auraient donc été qu'un alibi. En prônant l'obéissance des foules, au nom de Confucius, les élites voulaient seulement s'enrichir sans être contestées.

Cet écroulement des dominos du Pacifique démontre les limites du capitalisme sauvage. Sans réglementation de la Bourse, sans garantie de la concurrence, les bulles spéculatives finissent toujours par exploser. Pour que la prospérité dure, il faut que l'économie de marché soit encadrée par la démocratie.

Au Mexique, l'Histoire est également réécrite. Le Parti révolutionnaire institutionnel, qui se voulait une forteresse éternelle, apprend, lors des élections de juillet, qu'il est mortel. Pour la première fois depuis soixante-quinze ans, il perd une des deux chambres du Parlement. Ce n'est qu'un début : les prochaines élections devraient le priver du Sénat en 1998 et de la présidence en 2000.

Que de tabous qui ont disparu ! La France se résigne à reconnaître combien sa politique africaine est démodée. À partir de février, Laurent-Désiré Kabila, conseillé par Washington, renforcé militairement par les armées tutsies du Rwanda et de l'Uganda, avance irrésistiblement dans les jungles du Zaïre. Mais Paris continue de prétendre que Mobutu est incontournable. En mai, c'est Kabila qui gagne.