Gastronomie

La diététique américaine admet désormais qu'en Europe on se porte bien en mangeant des plats élaborés et en buvant du vin. Les vertus de la cuisine méditerranéenne, qui privilégie le poisson, l'huile d'olive, les légumes et les plantes aromatiques, viennent d'être reconnues. Le régime crétois a même été retenu comme un modèle de comportement alimentaire.

La conservation

La conservation attentive et passionnée du savoir-faire, le goût préservé des produits de tradition, le maintien des liens entre fête et consommation alimentaire ont favorisé la constitution d'un véritable patrimoine culinaire participant à l'identité culturelle. La bouillabaisse et la bourride sont des recettes achevées : à Marseille, la cuisson des poissons dure exactement dix-huit minutes. Très diverses à l'origine, ces soupes de pêcheurs admettent des variantes – à Martigues, on introduit des calmars, et à Toulon, on ajoute la pomme de terre –, mais ne tolèrent aucune fantaisie. Au contraire, les supions (seiches), les pouprious (poulpes) et les calmars appellent de nombreuses préparations locales. À partir des ressources de la mer, des artisans élaborent aussi des produits qui mériteraient d'enrichir un musée de la gastronomie au lieu de susciter des tentatives de réglementation européenne tatillonne. Martigues prépare encore la poutargue, composée d'œufs de mulets salés et séchés, ou les mélets, petits anchois salés, poivrés, mêlés de fenouil et transformés en pâte. Entre Antibes et Menton, les alevins de sardines et de nonnats sont transformés en poutine, qui donne du goût aux soupes et aux omelettes. À Nice et à Antibes, la purée de sardines, le pissalat, relève le goût des légumes et des salades et donne son nom à la pissaladière. Dans les collines et les montagnes de l'arrière-pays, on reste fidèle au mouton et à l'agneau, élevés sur les espaces laissés libres par la polyculture, qui fournissent aussi les champignons, sanguins ou cèpes, les truffes, le miel et les plantes aromatiques de la garrigue. Au cœur des terroirs, la culture de l'olivier et de la vigne est stimulée par la politique de qualité qui se marque par l'intérêt porté à l'appellation contrôlée, attribuée, entre autres, à l'olive noire et à l'huile de Nyons.

Céréales et légumineuses ont disparu, mais la fougasse et les compositions à base de pois chiches, sous forme de beignets, comme les panisses, ou de crêpes, comme la socca, perpétuent les habitudes alimentaires d'une époque où l'on consommait ce que l'on produisait.

L'illustration

L'illustration de l'attachement aux produits naturels d'origine locale, aux tours de main des maîtresses de maison et des artisans et même à un genre de vie est fournie chaque jour, sur les marchés, dans les épiceries immuables de Pinto, à Montpellier, ou de Bataille, à Marseille, dans les confiseries, Richaud, à Apt, ou Auer, à Nice, sous les voûtes où mûrit l'authentique charcuterie corse, dans les cabanons des calanques ou dans les cantines comme La Merenda, à Nice, dont le cadre modeste n'a pas rebuté Le Stanc, le chef à deux étoiles qui a abandonné le restaurant du Negresco pour cette auberge de quartier. Les menus des restaurants honorent partout la tradition, tout en proposant les multiples variantes laissées par des époques où l'on circulait peu. L'Escale, à Carry-le-Rouet, prépare toujours la soupe de poissons de roche, et Suzanne Quaglio, chez Patalain, à Marseille, la soupe de favouilles, de petits crabes verts aux pâtes percées. L'anchoïade conserve partout des amateurs ; l'anchois est présenté aussi, à Collioure, avec une composée d'oignons, de poivrons et de courgettes, ou, par Franck Cerutti, à Nice et à Monte-Carlo, en tarte fine avec poivrons à l'huile, câpres et olives. Les sardines sont farcies d'épinards selon la tradition. Le rouget est rôti sur canapé de courgettes ; grillé, parfois avec tomates à l'origan ; poêlé, avec des panisses ou avec un flan de courgettes et d'aubergines ; pressé, aux poivrons et tomates confites, fricassée à l'estragon ; ou même couché sur une tarte fine avec une ratatouille croquante.