Italie : une semaine folle

Le 16 octobre, la Chambre des députés vote la confiance au gouvernement de centre gauche de Romano Prodi, mettant un point final à la crise qui venait de secouer l'Italie pendant huit jours à propos des mesures d'austérité prévues dans le budget 1998. Les députés de Rifondazione comunista, à l'origine de la crise, auront finalement apporté leur soutien au gouvernement. Retour sur une semaine folle.

Acte I : la démission de Romano Prodi

En refusant de voter le 7 octobre le projet de budget adopté par le gouvernement le 27 septembre, les communistes endossent la responsabilité d'une crise politique dont ils ne pouvaient pas mesurer l'ampleur. Et sans doute la question du budget n'est-elle que secondaire. En effet, les communistes auront estimé que l'adoption du budget et la probable entrée de l'Italie dans l'euro, avec une situation économique favorable, ainsi que les réformes institutionnelles qui aboutiront avec le renforcement du système bipolaire, risquaient de limiter leur marge d'action. Une analyse qui aura conduit Fausto Bertinotti à refuser le budget du gouvernement pour tenter de barrer la route à cette gauche réformiste qui, en Italie aussi, a compris quel est son chemin. À l'aune de cette analyse, le revirement des communistes s'apparente plutôt à une défaite cuisante.

Tandis que le chef de l'État, Oscar Luigi Scalfaro, commence ses consultations – la mort dans l'âme, le président du Conseil avait été contraint de démissionner le 9 octobre après avoir constaté qu'il ne disposait plus d'une majorité suffisante pour gouverner à la suite du lâchage de Rifondazione –, Fausto Bertinotti crée de nouveau la surprise en laissant la porte ouverte à un possible accord, puis en annonçant, le 11 octobre, qu'il propose officiellement la poursuite de la coalition de centre gauche avec un programme de un an. Une idée pour le moins fraîchement accueillie par R. Prodi qui déclarait alors : « Bertinotti a changé d'avis, c'est son problème, pas le mien. » En dépit de la fermeté dont fait encore montre l'ex-président du Conseil, on commence à envisager une sortie autre que de nouvelles élections. Et, le 13, les communistes refondateurs acceptent de voter le budget sans que celui-ci soit profondément modifié. Le lendemain, le président de la République prend acte de la réconciliation et de la renaissance de la majorité pour rejeter la démission du président du Conseil.

Acte II : le retour

Tout est donc rentré dans l'ordre jusqu'à la fin de 1998 dans la mesure où les alliés communistes acceptent de voter le projet de budget prévoyant une réduction des dépenses de 500 milliards de lires, compensée par des rentrées provenant de la lutte contre la fraude fiscale. Le gouvernement s'engage à présenter en janvier 1998 un texte de loi prévoyant la réduction de la semaine de travail à 35 heures au 1er janvier 2001. En ce qui concerne la délicate question des retraites d'ancienneté – qui fait que chaque Italien ayant travaillé 35 ans peut toucher sa retraite quel que soit son âge –, il est décidé de ne rien modifier. Enfin, un pacte de consultation est établi afin de définir, par le biais d'une consultation permanente, une action commune sur les principaux problèmes politiques et économiques entre le gouvernement, la coalition de l'Olivier et Rifondazione comunista. Toutes choses dont se félicite bien sûr F. Bertinotti. Il reste que, en jouant les maximalistes, le secrétaire de Rifondazione comunista aura commis une lourde erreur. Le pays tout entier lui a en effet fait comprendre qu'il ne voulait pas de cette crise. Ainsi, F. Bertinotti est copieusement sifflé le 12 octobre lors de la marche pour la paix à Assise. Les syndicats n'ont pas manqué de lui faire savoir qu'ils désapprouvaient cette rupture qui mettait un terme à une expérience de gauche. Les militants de Rifondazione comunista ont littéralement inondé de fax très critiques le siège du parti. La direction a connu des tensions, le bien-fondé du coup de force de son secrétaire étant contesté, alors que le gouvernement affichait un bilan globalement positif. D'ailleurs, les responsables communistes ont pris la mesure de cette formidable erreur stratégique en apprenant que le Parti de la gauche démocratique (PDS) était décidé à retourner devant les électeurs pour leur demander de trancher. Ayant eu suffisamment de preuves de leur impopularité dans cette affaire, les dirigeants de Rifondazione comunista ne pouvaient que s'attendre à une sanction en forme de débâcle. Il reste que cette semaine folle permet un renforcement du gouvernement de R. Prodi. Son retour agrémenté de la certitude de pouvoir agir sans entrave pendant une année constitue un nouvel atout. Contraint de démissionner alors qu'il avait pratiquement atteint le but qu'il s'était fixé – les trois « R » : risanamento, riforme et ripresa (assainissement, réformes et reprise) –, R. Prodi peut reprendre l'ouvrage là où l'avait laissé la crise.