Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

La pollution des villes et la circulation automobile

Le 1er octobre, à la suite d'un pic de pollution au dioxyde d'azote, a été expérimentée à Paris, pour la première fois en France, la circulation automobile alternée : sauf dérogation, seuls les véhicules à moteur munis d'un numéro d'immatriculation finissant par un chiffre impair ont été autorisés à circuler dans la capitale et dans 22 communes limitrophes. Cette mesure spectaculaire a relancé le débat sur l'avenir de l'automobile en ville.

Comment éviter que l'air des villes ne devienne irrespirable avec la circulation automobile ? La question se pose désormais avec acuité. En effet, la pollution de l'air en milieu urbain, principalement liée aux phénomènes de combustion, est particulièrement préoccupante en raison de son impact sur la santé. Or, depuis une vingtaine d'années, tandis que les émissions nocives dues aux installations industrielles ou de chauffage régressent, celles imputables aux moyens de transport augmentent, les progrès réalisés au niveau des véhicules ne compensant malheureusement pas l'effet de l'accroissement du trafic.

Les polluants dus à l'automobile

La combustion incomplète des carburants dans les moteurs produit du monoxyde de carbone, un gaz très toxique, particulièrement dangereux dans un espace clos, ainsi que des particules de carbone. Les pots d'échappement libèrent aussi des oxydes d'azote et des hydrocarbures imbrûlés qui favorisent la formation au voisinage du sol, par réaction photochimique, d'un gaz très irritant, l'ozone. Quant aux moteurs Diesel (qui, en France, équipent le quart du parc existant), ils dégagent de très fines particules auxquelles se lient des produits dangereux, métaux lourds et hydrocarbures aromatiques polycycliques ; ces particules pénètrent dans les voies respiratoires et peuvent être cancérigènes.

Les quantités maximales de monoxyde de carbone, d'oxydes d'azote, d'hydrocarbures imbrûlés et de particules que peuvent libérer les véhicules font l'objet de réglementations de plus en plus sévères. En France, par exemple, les voitures à essence immatriculées depuis 1993 et celles à gazole mises en service depuis 1997 disposent obligatoirement d'un pot d'échappement à catalyse, qui limite fortement leurs émissions polluantes.

Les mesures de restriction de la circulation

Dans la plupart des grandes villes, la qualité de l'air est surveillée en permanence. Selon la teneur en chacun des polluants qui font l'objet d'un suivi systématique, on définit plusieurs niveaux d'alerte. En cas de pic de pollution, des mesures de restriction de la circulation automobile sont en vigueur dans de nombreuses villes d'Europe. Athènes impose depuis 1982 une circulation alternée, un jour sur deux, en fonction du dernier chiffre, pair ou impair, de la plaque d'immatriculation. De plus, lorsque les teneurs en dioxyde d'azote, en monoxyde de carbone et en ozone atteignent respectivement 500, 25 et 300 micro-grammes par mètre cube d'air, le centre de la ville est interdit à la circulation. En Italie, la circulation alternée a été adoptée à la fin des années 80 à Brescia, puis à Milan, Bologne, Turin, Naples et Rome. Bien vite, cependant, cette mesure s'est révélée insuffisante et les municipalités ont dû mettre en œuvre d'autres solutions : installation de nombreux parkings à la périphérie et développement des transports publics, restrictions de la circulation aux résidents et à certaines catégories professionnelles, plan de circulation contraignant, etc. Les villes allemandes jouent la carte des parkings de dissuasion à la périphérie, restreignent le stationnement réservé aux riverains et disposent d'un important réseau de voies cyclables. Le covoiturage est largement pratiqué aux Pays-Bas, où il représente un quart des déplacements domicile-travail. Le péage urbain n'a la faveur que des Scandinaves.

Le cas de la France

En France, on compte une bonne quinzaine de grandes agglomérations où la qualité de l'air se trouve régulièrement altérée par l'automobile. La loi sur l'air adoptée en 1997 sous le gouvernement d'Alain Juppé, à l'initiative du ministre de l'Environnement Corinne Lepage, prévoit la mise en place dans toutes les villes de plus de 100 000 habitants de « plans de déplacement urbains » (PDU) établissant le partage de la ville entre les piétons, les voitures particulières et les transports en commun. L'instauration éventuelle de mesures limitant la circulation automobile lors d'un pic de pollution pose moins de problèmes dans la capitale qu'en province. À Paris, le réseau de transports en commun est si dense que l'on peut sans difficulté basculer sur lui un nombre très important de déplacements. De plus, le manque à gagner résultant de la mise en gratuité de ce réseau est assuré par l'État. La plupart des grandes villes de province, en revanche, ne disposent que d'une ou deux gares SNCF desservies par une seule ligne ferroviaire, et le parc d'autobus qui y assure généralement la quasi-totalité des transports en commun n'est pratiquement pas extensible. De surcroît, leur mise en gratuité serait à la charge des collectivités locales. À Lyon, par exemple, on estime que la mise en gratuité du métro, des bus et des trains locaux, en cas d'immobilisation des voitures, coûterait 2,4 millions de francs par jour en perte de recettes, somme à laquelle s'ajouteraient plus de 500 000 francs liés au renforcement de la capacité du réseau de transport public.