Journal de l'année Édition 1998 1998Éd. 1998

Allemagne : une économie vulnérable

Depuis le « miracle économique » des années 1950 jusqu'à la réunification du pays en 1989, l'Allemagne de l'Ouest a accumulé une impressionnante série de performances : excédents commerciaux, stabilité monétaire, inflation réduite, plein emploi de la main-d'œuvre. Elle a ainsi donné au monde extérieur, et au fil du temps, l'image d'une réussite sans pareil de son économie, présentée comme celle d'un modèle original appelé « économie sociale du marché » ou encore « capitalisme rhénan ».

Cependant, à partir des années 90, avec la réunification du pays et la mondialisation des échanges, ce modèle est apparu de moins en moins adapté aux exigences du temps, à un point tel qu'on a pu soutenir qu'il devait être remis en cause avant d'envisager le rebond de l'économie allemande.

Remise en cause

Dès le début des années 1990, consécutivement à la réunification du pays, l'économie allemande a été brutalement confrontée à des difficultés structurelles et persistantes : vieillissement de la population, détérioration du marché de l'emploi, hausse des coûts et chute de la compétitivité, dégradation des finances publiques.

Le vieillissement de la population résulte du gonflement de la pyramide des âges en son sommet : le nombre des décès dépasse celui des naissances ; le taux de fécondité est le plus bas du monde (1,3 naissance contre 1,7 en France). Entre 1980 et 1995, la population de l'Allemagne de l'Ouest âgée de 60 à 65 ans est passée de 12 à 16 millions (+ 33 %) alors que la population totale croissait de 61,5 à 65 millions (+ 6 %). Pour réduire les coûts dus au vieillissement, le gouvernement a introduit des réformes allant depuis le relèvement des cotisations sur les salaires et l'encadrement des dépenses de santé jusqu'à l'abaissement du niveau des pensions de 70 % des salaires nets en 1997 à 64 % en 2030.

Dans l'ensemble du pays, la détérioration du marché de l'emploi, amorcée depuis 1995, s'est accélérée à la fin de 1996 : de 10,3 %de la population active en 1990, le taux de chômage s'est envolé à 10,8 % en 1996, soit 4,15 millions de sans-emploi. Le 10 septembre 1997, le chancelier Kohl a qualifié de « dramatique » le chiffre record du chômage qui a frappé en août 1997 4,72 millions d'individus, soit 11,4 % de la population active. Cette hausse due aux restructurations et aux gains de productivité inquiète, alors même que l'activité économique montre des signes de reprise. La situation est particulièrement préoccupante dans l'ancienne Allemagne de l'Est (19,2 % de la population active en 1997). Malgré un transfert vers l'Est de sommes considérables (160 milliards de marks nets des impôts en 1995), elle ne cesse pas de se dégrader : ont été recensés 1 380 000 chômeurs en août 1997 (contre 1 365 000 en juillet). Il n'est pas attendu d'amélioration à l'avenir à cause de la réduction des aides publiques à l'emploi et de la récession dans le secteur du bâtiment.

Finalement, compte tenu de ces différentes évolutions, « la hausse du taux de chômage en Allemagne occidentale est nettement supérieure entre 1979 et 1995 non seulement à celle des États-Unis et du Japon, mais aussi à celle de pays gravement touchés comme l'Italie ou la France ».

Le manque de productivité extérieure dont souffre l'Allemagne depuis 1990, révélé par l'effritement des parts de marché de l'exportation, tient au fait que les firmes exportatrices sont pénalisées par la répercussion des fortes hausses des coûts salariaux sur les prix, par la surévaluation du mark (sauf ces deux dernières années) et enfin par la faiblesse des investissements et des innovations technologiques (microélectronique, biotechnologie et surtout informatique). À la suite des hausses intervenues entre 1989 et 1996, les coûts salariaux de l'Allemagne ont dépassé de 18 % ceux de ses onze principaux partenaires économiques. De même, les innovations mises en œuvre en Allemagne relèvent davantage de la moyenne sinon basse technologie que de la haute, ce qui ne lui permet pas de conquérir certains marchés extérieurs, faute de produits novateurs.