Contrairement à une idée reçue, la France en profite largement. Au cours du premier semestre 1997, l'excédent commercial a dépassé 80 milliards de dollars, autant que sur l'ensemble de l'année 1996 (hors DOM-TOM). La croissance a été essentiellement tirée par les exportations. Le procès fait contre « la concurrence des pays à bas salaires » tient difficilement la route : le commerce français est équilibré avec la plupart des pays en question. Certes, certains secteurs industriels, par exemple le jouet ou la chaussure, ont été frappés de plein fouet par la concurrence des pays émergents. Mais la France vend d'autres produits à ces pays qui s'enrichissent : du champagne, des Airbus, des biens d'équipement. La quasi-totalité des études menées sur le sujet minimisent l'impact de la concurrence de ces pays à bas salaires sur le taux de chômage. Selon les experts les plus pessimistes, la France aurait perdu, du fait de leur concurrence, 300 000 emplois, soit moins de 1 % de la population active.

Enfin, il ne faut jamais oublier que les dragons, Chine comprise, sont encore très loin derrière la France en terme de développement économique. Sait-on que 58 millions de Français produisent autant que 1,5 milliard d'Asiatiques à bas salaires ?

Le développement des échanges passe aussi par l'investissement. Les grands groupes n'hésitent plus à construire des usines dans d'autres pays, afin de se rapprocher de leurs clients finaux : Hoover délocalise en Écosse ; Toyota s'installe dans le Nord, etc. En France, les investissements hors des frontières sont mal perçus, surtout s'ils prennent la forme de délocalisations pures et simples d'usines. Mais, là encore, le procès est trop expéditif. Les investissements à l'étranger permettent, la plupart du temps, aux groupes de s'implanter sur des marchés nouveaux et donc de prolonger leur action commerciale. Les délocalisations proprement dites restent très marginales : seulement 5 % des investissements français à l'étranger.

Ni le développement du commerce ni celui des investissements hors des frontières n'ont donc d'impact direct sur l'emploi. Par contre, ils modifient profondément les comportements des entreprises et poussent les États à se réformer. En effet, l'ouverture des frontières oblige entreprises et États à être de plus en plus compétitifs. Les entreprises se spécialisent, sous-traitent tout ce qui n'est pas leur métier de base, affûtent leur gestion au maximum ; les États, de leur côté, sont soumis à une pression terrible afin d'alléger le plus possible leurs dépenses, à commencer par leurs dépenses sociales.

Commerce international et inégalités

Le rapport 1997 de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) est un réquisitoire contre les effets pervers de la mondialisation. Selon cet organisme, l'intégration des économies n'a pas réduit les inégalités qui, au contraire, ne cessent de s'accroître depuis trente ans, à la fois entre les pays et à l'intérieur de chaque pays. En 1965, le revenu par habitant des 7 pays les plus industrialisés était 20 fois plus élevé que celui des 7 pays les plus pauvres. Ce chiffre a doublé depuis. Pour la CNUCED, cet accroissement des inégalités n'est pas un phénomène transitoire de la mondialisation, et il serait erroné de croire que la libération totale des marchés conduira forcément à une réduction des écarts entre riches et pauvres. Il est donc de la responsabilité des États de jouer leur rôle de régulation et de redistribution, et d'accroître les efforts déformation.

Troisième facteur, le développement foudroyant des technologies numériques

De nouveaux modes de communication se diffusent rapidement : Internet, la télévision par satellite, etc. C'est l'aspect le plus nouveau et le plus spectaculaire de la mondialisation. Plus aucun obstacle technique n'entrave la circulation des données : textes, images ou sons. Les pays les moins démocratiques peuvent difficilement empêcher leurs habitants de s'informer de ce qui se passe dans le reste du monde. Sauf à faire du fax un objet interdit, comme en Birmanie... Dans de nombreuses capitales, les antennes paraboliques envahissent les toits.