Cette agitation se nourrit de la tension permanente avec le Nord, où la situation demeure très confuse. Deux ans après la mort de son père, Kim Jong-il n'a pas encore assumé officiellement la succession. L'économie s'effondre. La récolte de céréales aurait été inférieure de moitié aux besoins, mais certains pensent que Pyongyang exagère ses difficultés pour extorquer un maximum d'aide humanitaire. La Chine et la Corée du Sud se préparent discrètement au pire : l'afflux de réfugiés affamés en cas d'effondrement du Nord. La stratégie de Pyongyang reste difficile à déchiffrer. Le collectivisme a été assoupli dans l'agriculture : chaque famille peut désormais cultiver 100 m2 à son compte. En septembre, 400 hommes d'affaires étrangers ont été invités dans la zone de libre-échange de Ranjin. Mais, en même temps, le Nord alimente la tension. Le 4 avril, il dénonce l'armistice de 1953 et procède à quelques incursions dans la zone démilitarisée. En septembre, un sous-marin s'échoue en débarquant au Sud un commando de 27 hommes, qui sont exterminés après une gigantesque traque, pendant laquelle 15 Sud-Coréens sont également tués.

Chrono. : 11/0, 20/08, 26/08.

Taïwan

À Taïwan, la première élection présidentielle au suffrage universel a lieu le 23 mars. Pékin cherche à peser sur le scrutin de manière dramatique en organisant trois semaines de manœuvres militaires menaçantes dans le détroit de Taïwan. Des missiles sont tirés à proximité immédiate de l'île. Au plus fort de la crise, Washington envoie deux porte-avions dans la zone. Mais la menace n'empêche pas la réélection de Lee Teng-hui, la bête noire de Pékin, avec 54 % des suffrages. Peng Ming-min, le candidat indépendantiste du Parti démocrate populaire (PDP), arrive second avec 21,1 %. Le « candidat de Pékin », Lin Yang-kang, n'obtient que 14,9 %. Fort de ce succès, Lee Teng-hui tend un rameau d'olivier à Pékin. Il propose d'aller en Chine pour « un voyage de paix » et déclare qu'une proclamation d'indépendance est « inutile et impossible ». Mais les luttes de succession à Pékin empêchent toute réponse concrète à ces ouvertures. Les négociations officieuses sur la navigation dans le détroit restent bloquées depuis 1995. Pékin continuant à peser pour isoler diplomatiquement Taïwan, seuls 24 petits pays sont officiellement représentés à l'intronisation de Lee. Malgré son succès, le président doit affronter une situation politique difficile. Son parti, le Kuomintang, n'a qu'une voix de majorité au Yuan législatif. La formation du nouveau cabinet provoque une violente polémique, Lee ayant nommé Premier ministre son vice-président, Lien Chan, et ayant évincé le ministre de la Justice et celui des Transports, qui luttaient vigoureusement contre le crime organisé et le trucage des marchés publics. Des élus opposés à la mafia sont agressés, ou kidnappés et enfermés dans des cages à chien. La corruption des marchés publics devient un problème international : de violents conflits opposent Matra (à Taipei) aux autorités locales, qui soutiennent des entreprises locales souvent mafieuses. En septembre, la police lance des raids à grand spectacle contre les gangs, mais le président, avec son unique voix de majorité, est prisonnier de la trentaine d'élus du Kuomintang liés au crime organisé. L'opposition utilise donc le thème de la corruption pour combattre les grands projets d'infrastructure. En octobre, des bagarres opposent les députés quand le Kuomintang vote en force les crédits pour une quatrième centrale nucléaire. L'opposition a promis au gouvernement « huit années d'enfer »...

Si la démocratisation de Taïwan reste chaotique, cela tient en partie à l'imprécision de la Constitution sur des points majeurs, comme la procédure d'investiture du Premier ministre ou les pouvoirs de l'Assemblée nationale (équivalent du Sénat français). Comme en Corée du Sud, on ne sait pas clairement si le régime est présidentiel ou parlementaire. Un toilettage s'impose, mais il provoquerait lui aussi des polémiques.

Chrono. : 23/03.

Économie : les « dragons » s'essoufflent-ils ?

Au plan économique, la Corée du Sud accède à la consécration quand l'OCDE l'invite à devenir son deuxième membre asiatique (octobre). Aujourd'hui 12e puissance économique du monde, elle pourrait accéder au 7e rang en 2020. À Taïwan, même la crise de mars n'a pas freiné l'élan économique : la Bourse monte de 20 % entre la mi-mars et la mi-avril, et la Banque centrale ne dépense que 5 % de ses réserves de change pour maintenir la monnaie. L'objectif affiché est de dépasser les deux autres « dragons », Hongkong et Singapour, d'ici à la fin du siècle. Mais la conjoncture n'est pas sans ombre. En Corée du Sud, la croissance n'est que de 7 % (9 % en 1995), et le déficit des paiements extérieurs a doublé pour dépasser 15 milliards de dollars. À Taïwan, où certains instituts annoncent une croissance de 5 %, le chômage atteint un record (2,35 %) et 10 988 entreprises font faillite entre janvier et mai (+ 34 %).