Atlanta 96, XXIIIes jeux Olympiques

Triste anniversaire

Les Jeux d'Atlanta marquaient le centenaire de la renaissance de l'olympisme. Loin des préceptes fondateurs du baron Pierre de Coubertin, ces Jeux ont été victimes de la vésanie des actes de terrorisme et, moins tragiquement, des excès de l'ultralibéralisme, maux symptomatiques du siècle écoulé.

Le soir du 27 juillet, les jeux Olympiques ont été le théâtre d'un sombre jeu de guerre. Une bombe, de fabrication artisanale, a explosé sur l'esplanade principale du parc olympique du Centenaire, en plein cœur d'Atlanta, au moment où s'achevait un concert. Cet attentat non revendiqué a fait 2 morts et 112 blessés. Comme à Munich, en 1972, le drame n'a pas entraîné l'arrêt des compétitions. Pour Juan Antonio Samaranch, président du Comité international olympique, « aucun acte de terrorisme n'a jamais détruit et ne détruira jamais le mouvement olympique ».

Le parc olympique du Centenaire fut également le symbole d'une épreuve en partie érigée à la gloire du dieu dollar. Véritable sanctuaire des sponsors de ces Jeux, le parc a en quelque sorte institutionnalisé l'intrusion du marketing dans le sport et a transformé la ville olympique en un gigantesque champ de foire. Il faut dire que ces JO ont été exclusivement financés par le secteur privé. Pour la première et la dernière fois. Ce système ayant montré ses limites, le CIO a décidé de ne plus jamais y avoir recours. « Nous avons accueilli cet argent [... du secteur privé, NDR] avec la réserve que le sport doit avoir la priorité, et non le marketing comme cela a été le cas ici à Atlanta », expliquait M. Samaranch, à quelques heures de la cérémonie de clôture. Formulé par un ancien diplomate, ce commentaire sentencieux ressemblait à une condamnation.

Les Jeux en chiffres

Du 19 juillet au 4 août, 10 788 athlètes provenant de 197 pays ont participé aux 271 épreuves des 26 sports inscrits au programme olympique. La délégation française comptait 309 athlètes, dont 107 femmes.

SDF, interdits de Jeux

Avant le coup d'envoi des JO, les autorités de la ville se sont livrées à un sport peu recommandable : la chasse aux homeless, les sans domicile fixe. Au total, plus de 15 000 personnes, SDF et squatters, ont été « délogés » du centre-ville, afin de donner au monde une image d'Atlanta « plus respectable ».

Atlanta proche de l'implosion

Ce financement totalement privé a eu des effets aussi inattendus que pervers. Préoccupé par l'impérative nécessité de ne pas enregistrer de déficit (peine perdue), le Comité d'organisation des Jeux d'Atlanta (ACOG) a négligé des questions essentielles dans la préparation du rendez-vous quadriennal, comme la gestion des transports. Métro saturé, embouteillages monstres : les premiers jours de compétition ont été marqués par une certaine pagaille et ont même valu à certains athlètes d'arriver en retard sur leur lieu de compétition. Pour ajouter à la confusion, les systèmes informatiques gérant les résultats dans les différents sports se sont révélés déficients, ralentissant, notamment, le travail de la presse internationale (résultats incomplets ou tout simplement absents, biographies d'athlètes erronées ou totalement incompréhensibles, etc.). Avant les Jeux, les Atlantais avaient pourtant mis en avant l'incomparable savoir-faire technologique de l'un des principaux sponsors de la manifestation, le géant de l'informatique IBM. Finalement, sous la pression du CIO, le Comité d'organisation a su rectifier le tir. En seconde semaine, les difficultés se sont progressivement estompées. Cela n'a pas empêché l'ACOG de perdre une bonne partie de sa crédibilité.

Les excès de l'ultralibéralisme ne sont pas les moins visibles dans les relations ambiguës qu'entretiennent le mouvement olympique et la télévision. À Atlanta, la TV a encore un peu plus empiété sur le terrain sportif. Les épreuves phares de l'athlétisme, par exemple, ont été reprogrammées pour mieux correspondre au prime time américain. La chaîne NBC, qui a payé très cher l'exclusivité des droits de retransmission sur le territoire des États-Unis (456 millions de dollars), a tenu à rentabiliser son investissement en cherchant à obtenir les meilleurs taux d'Audimat. À tout prix. Pour ce faire, elle n'a pas hésité à exploiter la fibre patriotique des téléspectateurs en ne s'intéressant presque exclusivement qu'aux athlètes américains. Elle a accordé une place démesurée aux épreuves traditionnellement très suivies à la télévision (comme la gymnastique) et a multiplié les faux directs (qui ne tiennent pas toujours compte du déroulement in situ d'une compétition, mais qui ont l'avantage d'entretenir le suspense et donc de retenir les téléspectateurs devant leur petit écran). Ces dérives constituent une réelle menace pour le mouvement olympique. Si la compétition sportive devient moins importante que le comportement du téléspectateur-zappeur, les jeux Olympiques seront condamnés à n'être plus qu'un show et finiront pas perdre tout intérêt.

Déficit

Avec un budget de 1,7 milliard de dollars, les Jeux d'Atlanta ont été les plus chers de l'histoire. William Payne, le patron de l'ACOG, avait promis que « les Jeux [financés exclusivement par des fonds privés] paieraient les Jeux ». Mais, quelques semaines après la cérémonie de clôture, le CIO estimait que plusieurs dizaines de millions de dollars manquaient dans les caisses.

TV, droits en hausse

Les revenus provenant des télévisions aux Jeux d'Atlanta ont atteint la somme record de plus de 900 millions de dollars (47 % de plus qu'aux Jeux de Barcelone). À elle seule, la chaîne américaine NBC a déboursé 456 millions de dollars. Un investissement judicieux. Avant même que ne débute l'épreuve, NBC avait vendu plus de 80 % de son espace publicitaire et s'était déjà assuré d'un bénéfice de 100 millions de dollars.

Un immense succès populaire

Malgré tout, le public s'est passionné pour les Jeux d'Atlanta. Huit millions six cents mille billets ont été vendus, c'est le nouveau record du genre. Ainsi, pour la première fois, heptathloniens et décathloniens n'ont pas débuté leurs épreuves (aux aurores) devant des gradins vides. Bien au contraire. Près de 80 000 personnes se sont amassées dans les tribunes du stade olympique du Centenaire pour suivre l'heptathlon et le décathlon, du début à la fin.