La catastrophe est, en définitive, imputable à une bévue difficilement compréhensible : les ingénieurs ont repris sur Ariane 5, sans le modifier, le logiciel équipant les centrales inertielles d'Ariane 4. Or l'accélération d'Ariane 5 et sa vitesse horizontale sont très supérieures à celles d'Ariane 4. Aussi les deux centrales ont-elles envoyé des informations aberrantes à l'ordinateur de bord ; celui-ci a alors transmis aux tuyères des deux propulseurs à poudre d'Ariane l'ordre de procéder à une importante correction de trajectoire, et cette dernière, qui n'était pas justifiée, a provoqué la destruction du lanceur. Conséquences de l'accident : Ariane 5 va devoir subir diverses modifications et vérifications avant son deuxième vol de qualification, qui n'interviendra, au plus tôt, qu'à la mi-avril 1997, et le premier vol commercial ne devrait avoir lieu qu'au début de 1998, avec un an de retard sur le programme initial, après un vol supplémentaire de qualification. Le surcoût pour les États membres de l'Agence spatiale européenne sera de l'ordre de 1,87 milliard de francs. Les déboires d'Ariane 5 ne doivent cependant pas faire oublier le succès d'Ariane 4, dont les 10 lancements de 1996, tous réussis, ont permis de placer sur orbite 15 satellites.

Au Japon, le 12 février, le premier vol du lanceur à poudre J-1 s'est parfaitement déroulé, mais le véhicule expérimental Hyflex (maquette en réduction de la future navette automatique Hope) qu'il emportait pour un vol suborbital s'est abîmé dans le Pacifique au terme de sa rentrée hypersonique dans l'atmosphère et a coulé à 8 000 m de profondeur. En Chine, la série d'échecs enregistrés depuis 1992 s'est poursuivie avec l'explosion peu après son décollage, le 14 février, de la première fusée Longue Marche-3B (causant la perte du satellite de télécommunications Intelsat 708) et sa retombée sur un village, où elle a tué près d'une centaine de personnes. Ensuite, le 17 août, ce fut la défaillance d'une fusée Longue Marche-3A, qui n'a pu mettre sur orbite le satellite de télécommunications Chinasat 7. En Inde, en revanche, le troisième exemplaire de la fusée quadriétage PSLV a placé avec succès en orbite un satellite de télédétection. Aux États-Unis, la firme McDonnell Douglas a procédé, à partir du 18 mai, aux premiers vols d'essai de la version améliorée DC-XA de son lanceur expérimental monoétage à décollage et atterrissage verticaux, testé depuis 1993.

La navette américaine privatisée

Depuis le 1er octobre, la NASA confie l'exploitation de la navette spatiale à United States Alliance, une société spécialement créée à cet effet par les firmes Lockheed Martin et Rockwell. En faisant appel à un opérateur privé pour les lancements et l'entretien de la navette, la NASA espère supprimer d'ici à cinq ans 7 500 emplois et ramener ainsi le budget d'exploitation de son système de transport spatial de 3,2 millions de dollars en 1995 à 2,5 millions en 2000.

Les satellites et les sondes

Doyen des observatoires spatiaux en activité, le satellite international d'astronomie dans l'ultraviolet IUE, lancé en 1978 pour une durée de vie opérationnelle prévue de trois ans, aura finalement fonctionné dix-huit ans et demi. Son exploitation en orbite a été arrêtée le 30 septembre, après avoir fourni la matière de plus de 3 500 communications scientifiques publiées dans des revues de référence et alimenté plus de 500 thèses de doctorat. Pas de répit, en revanche, pour le télescope spatial Hubble, qui a fourni encore une exceptionnelle collection d'images. Les astronomes affichent aussi leur satisfaction devant la moisson de données provenant des satellites européens ISO (en français, observatoire spatial infrarouge) et Soho (en français, observatoire solaire et héliosphérique), lancés à la fin de 1995. L'année a, par ailleurs, été faste pour l'exploration du système solaire. Le 16 février, la NASA a lancé la sonde NEAR (Near Earth Asteroid Rendez-vous) chargée de s'approcher de l'astéroïde Eros en 1999. Une autre sonde américaine, Galileo, a frôlé et photographié en gros plan trois des principaux satellites de Jupiter : Ganymède (le 27 juin, d'une distance de 830 km), Callisto (le 4 novembre, d'une distance de 1 100 km) et Europe (le 19 décembre, d'une distance de 700 km). Enfin, en novembre et en décembre, trois sondes automatiques ont été lancées vers Mars : deux américaines, Mars Global Surveyor, chargée de cartographier la planète, et Mars Pathfinder, conçue pour déposer dans une vallée martienne une station scientifique et un petit robot à six roues, Sojourner ; la troisième, Mars 96, conçue par les Russes avec la participation d'une vingtaine de pays, pour se mettre en orbite autour de Mars et larguer à sa surface deux stations et deux pénétrateurs. Cette dernière est malheureusement retombée dans l'océan Pacifique le lendemain de son lancement, après avoir été placée sur une mauvaise orbite par suite d'une défaillance du quatrième étage de sa fusée porteuse. La reprise de l'exploration martienne suscite un intérêt particulier après l'annonce, en août, par des chercheurs de la NASA de leur découverte, dans une météorite recueillie en 1984 dans l'Antarctique et vraisemblablement d'origine martienne, d'un faisceau d'indices qui tendrait à indiquer qu'une forme de vie microscopique a pu exister sur la « planète rouge », il y a plus de trois milliards d'années.

Du monoxyde de carbone dans un quasar. Le 1er août, dans la revue Nature, deux équipes d'astronomes, l'une française dirigée par A. Omont, l'autre japonaise dirigée par K. Ohta, ont annoncé simultanément la découverte de monoxyde de carbone dans le spectre du quasar lointain BR 1202-0725, situé à une distance comprise entre 10 et 15 milliards d'années-lumière. Cette découverte démontre la présence de gaz moléculaire dans l'un des astres connus les plus lointains et pourrait indiquer que le processus de formation d'étoiles s'est déclenché plus tôt qu'on ne le pensait après le big-bang, alors que l'Univers n'avait que 10 % de son âge actuel.