Un ajustement de l'économie mexicaine s'est opéré en 1995, après la grave crise financière qui s'est propagée dans les autres pays d'Amérique latine. Les autorités ont initié au Mexique, en Argentine et au Brésil des plans de rigueur budgétaire et monétaire draconiens, redonnant ainsi confiance aux investisseurs, essentiellement nord-américains. Cependant, si les marchés financiers sont sensibles à ces efforts, la population souffre de ces ajustements : au Mexique, les revenus réels (hors inflation) diminuent de près de 20 %, et environ 1,5 million d'emplois y disparaissent, plus de la moitié de la population vivant depuis cette année au-dessous du seuil de pauvreté. Venant compléter ce noir tableau, de mauvaises récoltes de céréales augmentent la dépendance alimentaire de plusieurs pays de la région. L'inflation, même si elle est mieux maîtrisée, notamment au Brésil, reste cependant élevée (20 %, contre 40 % en 1995), et les monnaies continuent de se déprécier par rapport au dollar. Les banques souffrent tout particulièrement de la rigueur monétaire qui les fragilise encore un peu plus. Les déséquilibres des années précédentes n'ont donc pas totalement disparu, la croissance (de l'ordre de 2 % pour la zone) étant nettement insuffisante pour enrayer la montée de la pauvreté en Amérique latine.

Incertitudes en Afrique

La lente reprise de 1995 se confirme cette année en Afrique subsaharienne, où la croissance est de l'ordre de 3 %. L'Afrique du Sud, la plus importante des économies africaines, poursuit l'assainissement de son économie, entamé en 1994 par le nouveau gouvernement : l'inflation est contenue sous la barre des 10 % et le déficit public maintenu à son niveau de 1995 (6 % du PIB). Les investissements, notamment d'origine étrangère, sont importants et contribuent au rajeunissement de l'appareil productif. La croissance reste cependant modérée, surtout pour une économie en développement (4 %, contre 3 % en 1995), mais le PIB par habitant continue de croître (1 % par an depuis trois ans). Le chômage, qui touche plus du tiers de la population active, reste le problème majeur de l'économie sud-africaine, qui ne crée pas suffisamment d'emplois pour occuper le flot continu des nouveaux arrivants sur le marché du travail.

Au Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, le régime militaire ne parvient pas à engager la libéralisation économique escomptée. Le pétrole, qui est toujours le plus important secteur de son économie, fournit l'essentiel des recettes fiscales de l'État ; en dehors de ce secteur, les risques financiers et politiques sont encore beaucoup trop grands pour inciter les investisseurs étrangers à lancer de nouveaux projets. Les arriérés de paiement des intérêts de la dette publique continuent de s'accumuler, le gouvernement n'ayant pas pu lancer l'ambitieux programme d'économies, annoncé en 1995 et que les bailleurs de fonds attendent avant d'envisager le rééchelonnement de la dette nigériane.

Dans les pays de la zone franc, la lente reprise de l'an passé, qui faisait suite à la dévaluation du franc CFA de janvier 1994, se confirme en 1996 : la croissance y est de l'ordre de 5 %, contre 4 % en 1995. Depuis cette dévaluation, l'inflation a été globalement maîtrisée, et les exportations ont constitué le moteur de la croissance, d'autant plus que les cours mondiaux des matières premières évoluent favorablement. Ces économies souffrent encore du peu de diversité de leurs exportations, trop souvent spécialisées dans les produits de base (pétrole ou denrées agricoles non transformées). Les incitations à la diversification, notamment dans l'industrie, n'ont pas pour l'instant produit les résultats escomptés. Le réajustement économique a essentiellement pesé sur la population, dont le pouvoir d'achat s'est dégradé depuis trois ans. En tout état de cause, la croissance dans les pays de l'Afrique subsaharienne reste largement insuffisante pour refréner leur appauvrissement, qui est resté important depuis cinq ans.

Dans les pays méditerranéens, où la croissance est plus importante que les années précédentes (de 5 à 10 % en 1996, alors qu'elle n'atteignait pas 5 % en 1995), de nombreuses réformes sont en cours. En Égypte, le gouvernement arrivé au pouvoir au début de l'année lance une vague de privatisations et de levée des entraves aux investissements étrangers ; ces mesures commencent à porter leurs fruits, le commerce extérieur ayant bénéficié d'accords sur les échanges avec l'Union européenne. Au Maroc, les effets désastreux de la sécheresse de 1995 sur l'activité, sont compensés, en 1996, par un important programme de construction de logements. Malgré des déficits publics globalement stables, l'accélération de la croissance, et donc des recettes de l'État, permet à ces deux pays de réduire leur dette extérieure.

Ralentissement en Asie développée

En 1996, la croissance des pays d'Asie reste la plus élevée au monde (8 %, comparable à 1995). Mais les contextes financier et monétaire, moins accommodants, pèsent sur l'activité. En Inde et en Chine, les taux d'intérêt sont relevés pour lutter contre l'inflation. En Chine, où le plan de stabilisation lancé en 1994 se relâche quelque peu, le ralentissement de l'économie se fait sans heurt ; la progression des exportations passe de 30 % fin 1995, à 10 % cette année. Les nouveaux pays industrialisés de la région souffrent de la dépréciation du yen par rapport au dollar, et leur compétitivité se dégrade, d'autant plus que l'inflation y reste plus élevée que dans les pays développés, leurs principaux partenaires commerciaux : les exportations progressent, là aussi, beaucoup moins que les années précédentes. Les perspectives des industriels étant moins bonnes, les investissements sont moins importants. Au total, avec une croissance moins forte qu'auparavant, les pays d'Asie du Sud-Est sont confrontés à une dégradation de leurs balances courantes. Le problème du financement de cette dernière reste d'ailleurs un problème non résolu, notamment en Malaisie, en Thaïlande ou en Indonésie.

Éric Confais