Sans doute, il ne s'agit là que de partielles. Elles ne sont peut-être pas représentatives. Mais elles restent quand même significatives : en 1998, lors des prochaines législatives, le Front national peut imposer bon nombre de triangulaires. Et jouer les arbitres.

La dérive corse

Des centaines d'autonomistes cagoulés, en treillis et armés jusqu'aux dents tenant conférence de presse dans le maquis, à la veille de l'arrivée sur l'île du ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré. L'hôtel de ville de Bordeaux, ville dont le maire est Alain Juppé, le Premier ministre, cible d'un attentat à l'explosif. Pas une nuit, ou presque, où mairies, perceptions, palais de justice, bref tout ce qui représente, peu ou prou, l'autorité de l'État, ne soient visés par les nationalistes. Le Premier ministre pour sortir l'île du marasme et favoriser un renouveau économique lui confère le statut très avantageux de zone franche : rien n'y fait. Les attentats se multiplient. Les extrémistes semblent s'enfoncer dans la violence. S'égarer dans une dérive où se mélangent revendications légitimes et risques d'infiltrations de type mafieux.

La Corse, c'est connu, n'est un « cadeau » pour aucun gouvernement. Depuis les événements d'Aléria, en 1975, les différents pouvoirs en place auront tout essayé. Du tout répressif à la recherche d'un dialogue avec les nationalistes, aucune de ces postures n'aura donné de réels résultats. Dans le meilleur des cas, elles auront permis d'arracher quelques mois de trêve et, dans le pire, une exaspération de la violence. À tel point que l'idée d'un référendum sur la Corse a même été envisagée à l'hôtel Matignon.

Si, au début de son installation à l'Élysée, Jacques Chirac a eu la tentation de jouer la carte de la répression alors que son prédécesseur avait tenté de nouer le dialogue pour convaincre les nationalistes de renoncer à la violence, Alain Juppé ajoutera à la nécessaire fermeté du chef de l'État l'obligation de l'action économique pour développer l'île. Il prendra ainsi à contrepied son ministre de l'Intérieur, favorable au dialogue. On le comprend, pour régler ce « dossier », il n'y a pas de solution clés en main.

D'où le sentiment dans l'opinion que l'État, en dépit de ses efforts, est particulièrement absent. Aux bombes, nuits bleues à répétition ne semble répondre en écho que le silence assourdissant du pouvoir. Ou des rodomontades jamais suivies d'effets. Comme si la Corse – parce que c'est la Corse – avait la faculté de ne pas respecter les lois de la République, de bafouer la justice, de ridiculiser la police. Mais de toujours demander plus de subventions, d'assistanat et d'exceptions.

L'affaire Tiberi

Pour la première fois dans les annales de la police française, un directeur de la police judiciaire parisienne, Olivier Foll, privé de son habilitation pour une durée de six mois par une décision de la chambre d'accusation. Un ministre de l'Intérieur – fait tout aussi rare – critiquant cette décision de justice. Un hélicoptère que l'on affrète au Tibet pour survoler l'Himalaya afin de repérer le procureur de l'Essonne, Laurent Davenas, en train de faire du trekking ! Mais qui provoque un tel remue-ménage, un tel déploiement de moyens ? Réponse : la famille de Jean Tiberi, le maire RPR de Paris.

À l'origine, l'instruction menée par le juge Éric Halphen sur les marchés passés par les HLM de la Ville de Paris. En auditionnant François Ciolina, ex-directeur général adjoint de l'OPAC, mis en examen pour trafic d'influence, il est averti que Jean Tiberi a mis à la disposition de son fils un appartement de la Ville de Paris dans lequel il a fait effectuer, sur le budget de l'OPAC, pour 1,5 million de travaux. C'est au cours de la perquisition, le 27 juin, au domicile du maire de Paris que l'affaire va prendre toute son ampleur. Ce jour-là, fait sans précédent, le directeur de la PJ Olivier Foll refusera de lui adjoindre des fonctionnaires de police. En dépit du soutien de Jean-Louis Debré, le policier sera sanctionné. Et Pierre Truche, le président de la Cour de cassation, le premier magistrat de France, fustigera le ministre de l'Intérieur.