Chrono. : 4/04, 30/04, 6/09.

Afghanistan

La donne stratégique afghane est bouleversée cette année par la confirmation de l'importance d'une nouvelle force politico-militaire, les talibans (étudiants en théologie), et l'affaiblissement des autres factions opposées au camp du président Burhanuddin Rabbani et du commandant Ahmed Shah Massoud (qui tiennent Kaboul). L'impasse politique était complète après l'échec militaire, devant Kaboul en 1994, de l'alliance des forces ouzbeks de Rachid Dostom, du Hezb-i Islami de Gulbuddin Hekmatyar et des chiites du Hezb-i Wahdat. Pour sortir de cette impasse, le plan proposé par Mahmoud Mestiri (envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU) prévoit au début de l'année la nomination d'un conseil représentatif des différentes provinces en remplacement du président B. Rabbani (dont le mandat s'est théoriquement achevé en décembre 1994). Ce plan ne peut entrer en vigueur à cause de l'offensive des talibans qui avaient pris, en novembre 1994, les villes de Kandahar puis de Ghazni, avant d'atteindre Kaboul en février 1995 et de défaire les troupes de G. Hekmatyar. Le refus du président B. Rabbani de désarmer les troupes gouvernementales et de livrer la capitale provoque une nouvelle bataille de Kaboul, remportée en mars par le camp présidentiel. C'est le premier échec des talibans dans leur avancée depuis les régions méridionales (surtout peuplées de Pachtos). Animés par une foi ultra-orthodoxe et la volonté d'instaurer un État islamique, ils avaient su se rallier une population lasse de la guerre civile et des exactions des autres factions. Leur irruption sur la scène afghane est aussi le fruit d'un changement de la stratégie du Pakistan : les services secrets pakistanais chargés de la question afghane comptaient sur la faction de G. Hekmatyar, avant de passer la main au ministère de l'Intérieur qui mise, lui, sur les talibans. L'objectif du Pakistan est de ne pas laisser l'ennemi indien reprendre pied en Afghanistan et de remettre en selle les Pachtos face aux Tadjiks. Le camp présidentiel afghan ne se prive pas de dénoncer une agression pakistanaise dans l'offensive des talibans, ce qui provoque des manifestations violentes et la mise à sac de l'ambassade du Pakistan à Kaboul. Les succès des talibans en septembre-octobre (prise de Harat et de la position stratégique de Charasyab menaçant directement Kaboul) les imposent à nouveau sur la scène afghane.

Chrono. : 10/02, 19/03, 1/09.

Vincent Cauche et Louis-Jean Duclos