Europe balkanique

Albanie

En mars 1992, la dictature la plus brutale de l'Europe de l'Est avait cessé d'exister, laissant derrière elle un pays au bord de la disette et une économie dans un état catastrophique. Grâce à l'aide d'urgence de la communauté internationale et au départ, vers l'Italie et la Grèce, de centaines de milliers de travailleurs émigrés clandestins, l'Albanie a pu éviter le pire. Une timide reprise et une réorganisation de l'économie en 1993-1994 lui ont permis de sortir d'une situation digne du tiers-monde, sans que la démocratie ne s'installe réellement pour autant. La victoire du Parti démocratique d'Albanie (PDA), aux élections de mars 1992, a porté à la tête de l'État le docteur Sali Berisha, un homme autoritaire qui règne sans partage, conformément à une Constitution qui lui donne des pouvoirs étendus. Il n'a cependant pas pu augmenter ces derniers, les électeurs s'y étant opposé lors du référendum constitutionnel de novembre 1994. Au sein du gouvernement, les ministres sont facilement renvoyés ou poussés à la démission. En mars, Eduard Selami, le successeur de Sali Berisha à la tête du PDA, est lui-même limogé.

Le manque de démocratie avait interdit à l'Albanie de rentrer au Conseil de l'Europe. Admise finalement cette année, elle s'engage en contrepartie à adopter une nouvelle Constitution, à garantir l'indépendance de la justice et à abolir la peine de mort.

Les relations avec le voisin grec étaient jusque-là très tendues, Athènes reprochant à Tirana de maltraiter sa minorité grecque (alors qu'elle est estimée à plus de 200 000 personnes, les Albanais considèrent qu'elle n'en représente que 60 000), et l'Albanie accusant de son côté la Grèce de s'immiscer dans ses affaires intérieures et de maltraiter 300 000 travailleurs clandestins saisonniers albanais. En septembre 1994, après la condamnation à de lourdes peines de six responsables d'Omonia (« Concorde », parti de la minorité grecque), la Grèce avait réagi en expulsant 70 000 Albanais. L'Albanie ayant un besoin vital des devises que ces émigrés envoient à leurs familles, elle avait adoucie la peine des cadres d'Omonia, pour finalement les libérer en février 1995. Athènes avait alors levé son veto à une aide importante de l'Union européenne à l'Albanie. En mars, Karolos Papoulias, le ministre grec des Affaires étrangères, se rend en Albanie pour régler le contentieux qui oppose les deux pays. Des engagements sont pris quant au traitement de la minorité grecque et des immigrés albanais, et le groupe ultranationaliste grec, qui s'était attaqué à une caserne albanaise en avril 1994, est démantelé par la police d'Athènes. Les échanges économiques reprennent et les armées des deux pays vont jusqu'à organiser des manœuvres militaires communes.

C'est dans le domaine de l'ouverture internationale que le régime albanais, complètement isolé depuis 1944, progresse le plus. Outre son admission au Conseil de l'Europe, le pays s'ouvre en direction des États-Unis, des pays musulmans et de la Turquie. Il participe à des manœuvres de l'OTAN, et le Premier ministre, Aleksander Meksi, se rend à Moscou, après plus de trente ans de brouille entre les deux pays.

Bulgarie

À la suite de la victoire, aux législatives de décembre 1994, du Parti socialiste bulgare (PSB, ex-communiste), les anciens communistes reviennent au pouvoir. Contrairement à leurs homologues polonais ou hongrois, les communistes bulgares n'ont pas d'état d'âme à propos de leur passé : ils ont toujours refusé de condamner la dictature de Todor Jivkov (1954-1989). Les communistes avaient su rester relativement soudés ; ils dénonçaient sans cesse la paupérisation (réelle) de la population (55 % en dessous du seuil de pauvreté), et ils avaient réussi à former une coalition avec les agrariens et les écologistes de gauche. Au contraire, l'alliance démocrate de l'UFD (Union des forces démocratiques), divisée en une multitude de groupes et partis, avait explosé. Une partie du centre gauche de l'UFD avait fondé l'Alliance démocratique pour la république et une autre, emmenée par des agrariens centristes, l'Union populaire. Outre la victoire des communistes en décembre 1994, cette situation anarchique avait permis aux milieux « économico-mafieux » d'obtenir 13 sièges sous le nom du « Business bloc bulgare ».