Un tel programme se heurte aux protestations de la population. Les principaux syndicats, malgré les liens politiques avec l'actuelle coalition, ne peuvent pas rester passifs. De nombreuses grèves éclatent dans le pays, et les étudiants font reculer le Premier ministre. Pour essayer de calmer la situation, celui-ci propose à l'automne de confier à Sandor Nagy, président de la principale confédération syndicale (MSzOSz), le poste de ministre responsable de la stratégie économique. Cette proposition n'a pas de suite car les libéraux du SzDSz menacent tout de suite de quitter la coalition. Or, le passé anticommuniste des fondateurs du SzDSz assure à son gouvernement, dominé par les ex-communistes du Parti socialiste hongrois (MSzP), une certaine légitimité internationale.

Le maintien de la coalition permet de reconduire à son poste, sans le moindre problème, le président de la République, Arpad Göncz, qui est de loin l'homme politique le plus populaire dans le pays, bien que son rôle politique reste limité.

La politique d'austérité du Premier ministre est critiquée au sein même de son parti. Au cours de son dernier congrès, en novembre, celui-ci lui accorde toutefois la confiance.

Chrono. : 16/03, 19/06.

Slovaquie

Parmi tous les pays de la région, l'avenir de la Slovaquie semble le plus problématique. Ses dirigeants actuels, même s'ils déclarent vouloir poursuivre les reformes politiques et économiques, donnent parfois l'impression de partager les illusions d'une éventuelle « troisième voie ».

Le gouvernement dirigé par « l'homme fort » de la Slovaquie, Vladimir Meciar, a fait preuve au cours de cette année d'une remarquable capacité à tenir un discours démocratique et libéral tout en poursuivant une politique de plus en plus autoritaire et clientéliste. Dès le début de l'année, ses fidèles ont été placés à la tête des médias du service public ainsi qu'à tous les postes clefs dans l'administration. La nouvelle loi sur les privatisations, adoptée au mois de juillet, met fin à la méthode de privatisation par coupons. Cela n'empêche pas le gouvernement de pratiquer des « privatisations sauvages », en distribuant des paquets d'actions ou des entreprises à des personnalités politiquement sûres et fidèles au Premier ministre.

En matière de politique étrangère, certains choix semblent difficiles à concilier avec la perspective d'intégration européenne. La visite en février à Bratislava du Premier ministre russe, Viktor Tchernomyrdine, aboutit à la signature d'une série d'accords entre les deux pays qui cautionnent de fait le retour des influences de Moscou dans la région.

La signature, à la veille de la conférence de Paris sur la stabilité en Europe, d'un traité d'amitié entre la Slovaquie et la Hongrie permet d'espérer une stabilisation des rapports entre les deux pays et une solution de compromis au sujet de l'importante minorité hongroise vivant en Slovaquie (10 % de la population). Le Parlement hongrois ratifie rapidement le traité, et le président Arpad Göncz, une fois réélu, réserve sa première visite à l'étranger à Bratislava. Malgré ces signes de bonne volonté, le Parlement slovaque n'a toujours pas trouvé le temps de discuter le traité, et les pratiques discriminatoires vis-à-vis de la population hongroise continuent de se perpétrer.

Les ambiguïtés de la politique gouvernementale s'expliquent en partie par le caractère hétérogène de la coalition parlementaire, qui, outre le parti du Premier ministre, le mouvement pour une Slovaquie démocratique (HZDS), comprend deux petites formations radicales, le Parti national slovaque (SNS) et l'Association des ouvriers de Slovaquie (ZRS). Le SNS soutient des thèses anti-hongroises et xénophobes tandis que la ZRS se prononce pour un programme économique populiste et antilibéral. Son dirigeant, Jan L'uptak, présente même un projet de loi sur la « nationalisation » des entreprises déjà privatisées après 1990.

S'il y a un domaine dans lequel le Premier ministre n'hésite pas à faire preuve de détermination, pour ne pas dire d'élans autoritaires, c'est bien celui de la lutte avec ses nombreux adversaires politiques. Meciar ne cache point son intention de destituer l'actuel président de la République, Michal Kovac, et utilise tous les moyens possibles pour s'en débarrasser ou le discréditer et affaiblir sa position auprès d'une opinion publique de plus en plus désabusée. Ce sont ensuite les partis d'opposition, toutes tendances confondues, auxquels il ne peut pas pardonner d'avoir réussi, avec l'aide du président Kovac, à renverser son gouvernement en 1994. C'est enfin une presse qu'il juge beaucoup trop indépendante et qu'il ne cesse de combattre à l'aide de nouveaux règlements administratifs et économiques. Au-delà d'une lutte sans merci avec ses adversaires politiques, Meciar s'efforce de reconstruire un pouvoir fortement centralisé, qui prend de plus en plus une apparence ouvertement autoritaire.

Chrono. : 16/03.

Martin Frybes