Comme pour la grotte Cosquer, le problème de la conservation de la grotte Chauvet se pose. Elle ne sera sans doute jamais ouverte au public, vu les risques qu'un public nombreux – et il le serait – ferait courir à l'environnement souterrain et donc aux figures. Pour ces deux grottes, il est question de réaliser des fac-similés. C'est une pratique parfaitement maîtrisée, à condition d'y mettre le prix.

Coup de vieux pour les premiers Européens

Les nouvelles en provenance de l'Espagne et de l'Allemagne, pendant l'été, font faire un sérieux bond en arrière à l'histoire du peuplement de l'Europe. Jusqu'ici, le plus ancien fossile humain connu sur le continent, la mâchoire de Mauer, trouvée au début du siècle près de Heidelberg, en Allemagne, ne dépassait pas 600 000 ans. Les sites préhistoriques les plus anciens, sans fossiles, étaient pour leur part datés de 500 000 à 900 000 ans, en république Tchèque, en Italie et en France, où la grotte du Vallonnet, près de Menton, et le site en plein air de Soleilhac, en Haute-Loire, pouvaient avoir été fréquentés entre 900 000 et 970 000 ans. L'Europe restait loin des 1,5 à 2 millions d'années de l'Extrême-Orient, encore plus des 2 à 3 millions d'années (Ma) de l'Est africain. Cet écart vient d'être fortement réduit.

On connaissait, depuis quelques années, l'extraordinaire gisement castillan de la sierra d'Atapuerca, dans la région de Burgos : une masse de fossiles humains – les restes de plus de 20 personnes – entassés en désordre dans une brèche au fond d'une grotte très difficile d'accès. Ces restes sont ceux de gens qu'on appelle « antnéandertaliens » – témoins de cette longue dérive qui, en Europe, a conduit en plusieurs centaines de milliers d'années les gens de type pithécanthrope (les Homo erectus) vers ceux de type Neandertal. On les estimait alors, à 300 000 ou 400 000 ans de nous. Voilà qu'une datation publiée dans l'été donne à l'un de ces fossiles l'âge de 780 000 ans. Cela en fait, provisoirement, le plus vieil Européen connu.

Provisoirement, car un autre site espagnol pourrait être plus ancien. Dans la région d'Orce, en Andalousie, des pierres, dont, en tout cas, une trentaine ont été taillées, sont apparues dans de très vieux sédiments lacustres. Elles peuvent être datées par les changements de cap du magnétisme terrestre, observables dans certaines roches et certains sédiments (le pôle nord des aiguilles aimantées passant au sud, et vice versa) et dont un épisode « normal » a eu lieu autour de 1,8 Ma. On aurait ainsi taillé la pierre en Andalousie vers 1,2 Ma. Un éclat, découvert plus bas, pourrait avoir été taillé vers 1,8 Ma... Quant aux morceaux de calotte crânienne d'un très jeune être trouvés sur le site, on ne sait s'ils ont appartenu à un humain ou à un équidé !

Les préhistoriens allemands, eux, sont allés jusqu'en Géorgie et dans les caves d'une forteresse médiévale située au pied du Caucase ; là, au-dessus d'une couche de lave (la région est très volcanique), ils ont étudié trois couches, dont deux contiennent silex taillés et fossiles humains. On se trouve là dans le même épisode magnétique « normal » qu'à Orce ; et c'est dans une de ces couches, au milieu d'un amas d'os et d'éclats de silex qu'a été découverte une mandibule humaine. Elle évoque quelque Homo erectus et peut donc être datée d'environ 1,8 Ma. Un record, pour le moment. Certes, la Géorgie ne se trouve pas tout à fait en Europe, alors qu'au nord la Russie y est incluse... mais l'Europe n'est pas loin, et l'on peut donc dire maintenant, au vu de ces observations géorgiennes et andalouses, que les premiers Européens ont rattrapé leur retard. En Extrême-Orient, la date la plus ancienne, obtenue à Java, est exactement la même. La question qui se pose est celle de l'itinéraire : le détour par le Caucase a-t-il été le seul ?

Henri de Saint-Blanquat