Journal de l'année Édition 1996 1996Éd. 1996

Conscients de leur peu de pouvoir et de la faiblesse de leurs moyens de contrôle du groupe majoritaire, les actionnaires minoritaires se demandent si, avec des dividendes trop bas à leur gré, le capital investi dans les entreprises est bien rentabilisé et par conséquent si leurs intérêts sont bien pris en compte. Or, selon de récentes études américaines, la valeur boursière (ou capitalisation boursière) de beaucoup de grandes entreprises françaises ne dépasse pas la totalité des apports de fonds des actionnaires ; par ailleurs, ces mêmes entreprises ne dégagent pas une rentabilité opérationnelle telle que les actionnaires soient rémunérés à un taux supérieur à celui des obligations d'État réputées sans risque. Par conséquent, à travers de telles évaluations, on peut vérifier si une entreprise sociétaire vaut plus en Bourse que ce que les actionnaires y ont investi depuis sa création. S'il apparaît que l'investissement des actionnaires est multiplié dans des proportions considérables au cours d'une période donnée, l'entreprise peut être regardée comme créatrice de richesses. Une telle création devrait normalement profiter aux actionnaires. Dans la mesure où ces derniers sont informés de l'amélioration possible des gains, des perspectives favorables sont ouvertes à un point tel que les actionnaires vont orienter leurs capitaux disponibles vers les entreprises performantes.

Dans le contexte actuel de libéralisation des mouvements internationaux de capitaux et de globalisation industrielle et financière, les épargnants devraient être incités à ne pas placer leur argent dans les pays où le rendement est le meilleur, mais à le diriger vers des entreprises proposant des dividendes attractifs.

Baisse

Le nombre des actionnaires directs accuse une baisse : ils ne sont plus que 5,3 millions en septembre 1995 contre 5,7 millions en avril 1994. Cette baisse est attribuée à une certaine désaffection à l'égard des groupes privatisés.

Fidélisation

En 1993, pour fidéliser les porteurs de parts, l'Air liquide a proposé que tout actionnaire inscrit au nominatif depuis plus de deux ans bénéficie d'un dividende majoré de 10 %. Cette mesure s'est révélée un succès puisque le nombre des actionnaires est passé de 17 000 à 57 000. En 1994, fidèle à sa tradition, le conseil d'administration a également décidé d'attribuer une action gratuite pour dix détenues.

CLT

La refonte des structures d'organisation de la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion a donné lieu en mars 1995 à un conflit ouvert entre les actionnaires minoritaires et les groupes Bruxelles Lambert (GBL) et Havas. Les minoritaires, représentés par la société belge DEMINOR, protestent contre le non-respect de l'égalité de traitement des actionnaires et réclament un dédommagement : le prix obtenu par action CLT par tel groupe minoritaire doit être offert à tous les autres. Les cotations en Bourse ont été suspendues tant qu'une solution n'a pu être trouvée.

À la suite d'un endettement catastrophique consécutif à un dépassement des travaux de construction, l'action Eurotunnel est devenue un véritable cauchemar pour les 720 000 actionnaires qui y ont investi 23 milliards de francs. Après avoir atteint 128 F en mai 1989, l'action a dégringolé pour atteindre 7,50 F le 17 novembre 1995. Les actionnaires, persuadés que le projet se révélerait in fine rentable, ont répondu présent lors des trois augmentations de capital. Leurs actions ne valent aujourd'hui que 10 milliards de francs.

Le gouvernement de l'entreprise

Cette expression de « gouvernement de l'entreprise », d'origine anglo-saxonne (corporate government), a été récemment introduite en France pour rendre compte de la présence importante et croissante des investissements étrangers – notamment des fonds de pension anglo-saxons – dans le capital des entreprises françaises. Ces fonds de pension, tant américains que britanniques, sont chargés de faire fructifier l'épargne des salariés dans un pays où chacun doit constituer lui-même un capital en vue de sa retraite. Leurs gestionnaires surveillent les performances des entreprises dans lesquelles ils investissent. Aux États-Unis, ils prennent une part active aux décisions des assemblées générales. Ils commencent à exporter cette pratique en Europe.