Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Pour faire avaler la pilule, Édouard Balladur promet le remontant : des mesures de relance qui devraient permettre la création, selon le gouvernement, de 100 000 emplois. Les entreprises sont très fermement invitées à y mettre du leur, en développant les contrats d'apprentissage et de formation pour les jeunes et en différant au maximum les licenciements.

Le RMI

Le Revenu minimum d'insertion (RMI), qui a légèrement augmenté le 1er janvier pour s'établir à 2 253 francs pour une personne seule et à 3 379,50 pour un couple, concernerait 575 000 allocataires fin 92, soit près de 18 % de plus en un an, auxquels il faut ajouter le nombre à peu près stable – 96 000 – de Rmistes dans les DOM. L'efficacité globale du système s'est améliorée. 57 % des bénéficiaires entrés dans le système en 1990 l'ont quitté au bout de deux ans. 35 % d'entre eux ont eu accès au secteur professionnel (emploi, aidé ou non, formation...). En 1992, les dépenses de l'État au titre du RMI atteignent 13,9 milliards de francs (contre 12,1 milliards en 1991), dont 1,8 milliard pour les DOM.

Un nouveau directeur pour l'ANPE

Le nouveau gouvernement place un chef d'entreprise, Michel Bon, ancien président de Carrefour, à la tête de l'ANPE et de ses 15 000 agents. Malgré les efforts de son prédécesseur, Jean-François Colin, l'ANPE est encore jugée trop bureaucratique par 75 % des chefs d'entreprise. Il faut rapprocher l'Agence des entreprises et simplifier les démarches (la loi quinquennale prévoit notamment la création d'un guichet unique pour les jeunes). Une mission difficile pour Michel Bon alors que l'on compte en moyenne 40 000 inscriptions par mois.

Expéditif

Il faut dire que l'image des chefs d'entreprise et le dialogue gouvernement-patrons ont été quelque peu ternis par la multiplication des licenciements et surtout par les manières de faire brutales et hâtives de certains employeurs. Dès le 25 mai, devant l'Assemblée, Édouard Balladur fustige les pratiques « inhumaines » de certaines entreprises. IVECO (filiale de FIAT), Bull et d'autres se sont mises au licenciement minute, au grand dam des syndicats. Respectant la procédure légale mais annonçant au salarié son licenciement le jour même où celui-ci est prié de quitter l'entreprise, par haut-parleur comme dans l'atelier de couture vendéen Tandem, ou allant jusqu'à prévoir un taxi comme chez SKF. L'important est de faire disparaître l'ex-salarié des lieux le plus rapidement possible, et d'éviter tout conflit.

D'autres entreprises en profitent pour faire baisser les salaires autoritairement. Début juin, le ministre du Travail avait détaillé en Conseil des ministres son dispositif visant à compenser partiellement les baisses de revenus acceptées par les salariés pour éviter des licenciements. Une quarantaine d'accords de ce type avaient d'ailleurs été signés entre employeurs et salariés, validés par des référendums d'entreprise.

Mais, quand, deux jours après ce Conseil des ministres, l'entreprise Raymond Morin, à Sarrebourg, décide brutalement de donner à ses salariés le choix entre une baisse de 5 % de leur rémunération et la suppression de 60 des 460 emplois, sans argument économique précis, Michel Giraud pique une colère. L'opposition en profite pour souligner les effets pervers que peut provoquer une allocation compensatrice distribuée par l'État. Une semaine plus tard, le ministre du Travail renonce, au moins temporairement, à son idée.

En janvier, l'affaire du transfert de Bourgogne en Écosse des activités de la société américaine Hoover ouvre un nouveau débat, celui du dumping social. Outre des aides publiques, Hoover, qui supprime 600 emplois à Longvic pour n'en créer que 400 à Cambusland, a obtenu des Écossais un gel des salaires pendant un an, la réduction du paiement des heures supplémentaires, la limitation du droit de grève, etc. Malgré ses 16 millions de chômeurs, l'Europe ne dispose toujours pas d'une plate-forme minimum du droit du travail, qui constituerait une garantie contre les « délocalisations sauvages ».