Plus concrètement, Edwin Bailly répond dans Première : « Pour le premier film, le choix du sujet s'impose avec évidence. On ne se demande pas si on parle de soi ou pas. Mon premier désir était de faire un film sur le Nord. J'ai commencé l'écriture du scénario le 13 mars 1989, et c'est l'urgence à filmer cette région qui m'a guidé, avant toute autre volonté artistique. Ensuite se sont greffés les personnages et l'histoire. Et c'est ce moment de tension où tout se rassemble qui est important. Tout à coup, cela devient vital de réaliser le film. »

Ailleurs

La crise économique, souvent doublée d'absence d'infrastructures, a entraîné la quasi-disparition des cinémas d'Amérique latine, où se tournent, aléatoirement, deux ou trois films par an et par pays, qui sont présentés dans les festivals spécialisés comme celui de Biarritz. Bien que placées depuis leur création, il y a trente ans, dans une situation de grande précarité, les cinématographies africaines font une percée cette année sur le marché de l'art et essai hexagonal.

Le Sénégalais Ousmane Sembène, père fondateur du cinéma africain, revient, après de longues années de silence, sur les écrans français avec Guelwaar, une fable caustique dirigée contre l'intolérance religieuse et la position de perpétuels assistés de nombreux pays africains. Un autre pionnier et compatriote de Sembène, Djibril Diop Mambety, propose, avec Hyènes, curieuse adaptation de la Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt, un étonnant film aux relents brechtiens. Quant à Idrissa Ouedraogo, un représentant de la nouvelle vague burkinabé des années 80 (auteur de Choix, Yaaba, Tilaï, films précis et épurés sur la campagne), il change apparemment de style avec Samba Traoré, portrait tout en finesse d'un délinquant.

C'est l'Asie (et en particulier les trois « Chines ») qui focalise l'attention des cinéphiles et des professionnels européens. Les rétrospectives consacrées au cinéma coréen (salle Garance du Centre Pompidou), chinois de Hongkong et taïwanais (à la Cinémathèque française) trouvent leur pendant commercial avec la distribution de la remarquée double palme d'or (avec la Leçon de piano, de l'Australienne Jane Campion) cannoise : Adieu ma concubine, de Chen Kaige. En même temps sort le Maître de marionnettes du Taïwanais Hou Hsiao-hsien, qui reçut le prix du jury ex aequo avec Raining Stones à ce même festival. La thématique commune de ces films concerne la mémoire nationale filtrée à travers les décennies du siècle et des destins « exemplaires » (ceux d'artistes).

Deux films asiatiques, les Femmes du lac des âmes parfumées du Chinois Xie Fei et Garçon d'honneur du Taïwanais Ang Lee, établi à New York, se sont partagé, en février, l'Ours d'or berlinois. Garçon d'honneur, qui évoque – fait rare dans le cinéma asiatique – l'homosexualité, connaît une distribution en France. On a pu également découvrir, durant l'été, quatre films du Chinois de Hongkong John Woo (Une balle dans la tête, le Syndicat du crime I et II, À toute épreuve), qui invente une violence graphique en rapport avec la situation trépidante et incertaine de la « colonie » confrontée à sa restitution en 1997 à la Chine populaire.

Cette percée des cinémas asiatiques, si elle n'est pas un triomphe au box-office, constitue un phénomène culturel important qui oblige spectateurs et critiques à rompre leurs habitudes de pensée et à aller à la rencontre de codes esthétiques éloignés des leurs. Ce qui prouve que la curiosité est encore vivace chez nos contemporains.

Le cas américain

Lorsqu'on évoque les États-Unis, pays de grands contrastes, aucun discours unilatéral ne peut avoir cours. Quel rapport y a-t-il entre Jurassic Park, de Steven Spielberg, colosse au budget faramineux, et El Mariachi, de Robert Rodriguez, qui n'a coûté qu'une poignée de billets verts ? Aucun, assurément. Mais les deux ont été « managés » avec brio par les professionnels de la communication américains et sont devenus, chacun à sa mesure, des événements médiatiques. Le cinéma indépendant américain tient également sa place dans les stratégies culturello-commerciales américaines. Ainsi, cinq œuvres « underground » de la côte ouest ont été distribuées avec un certain succès en début d'année : Gas, Food, Lodging (Allison Anders), Sure Fire (John Jost), Highway Patrolman (Alex Cox), Together alone (P.J. Castellaneta), et ont enrichi notre connaissance de ce cinéma.