Il est d'un pragmatisme absolu. Seul le classement final compte et, pour lui, peu importe le panache, qu'il laisse volontiers à ses adversaires. Dans le Tour 1992, Claudio Chiappucci a mis du bonheur et une formidable folie. Calme, souvent impénétrable, Miguel Indurain, lui, y a mis de la classe. Le public français aime peut-être davantage l'Italien. Mais, c'est bien connu, depuis le duel Anquetil-Poulidor, les Français préfèrent les seconds...

E.C.

Grand (1,88 m), puissant (80 kg), encore en pleine force de l'âge (né le 16/7/1964 à Villava), Miguel Indurain a des capacités pulmonaires hors normes (plus de sept litres au spiromètre) qui lui permettent de rouler vite plus longtemps que ses rivaux. Son cœur, qui bat, au repos, à 40 pulsations/minute et à 100 pulsations/minute en plein effort, lui facilite de surcroît la récupération. Avec une moyenne personnelle de 39,504 km/h (ne pas confondre avec la moyenne générale de la course), Miguel Indurain est le vainqueur le plus rapide de l'histoire du Tour de France. Auteur du doublé Tour d'Italie – Tour de France, Miguel Indurain rejoint dans la légende Fausto Coppi (1949 et 1952), Jacques Anquetil (1964), Eddy Merckx (1970, 1972 et 1974), Bernard Hinault (1982 et 1985) et Stephen Roche (1987).

Carl Lewis : dans la mémoire du temps

Pour les enfants du Bronx, de Harlem ou d'ailleurs, Carl Lewis n'est pas un champion ordinaire. Il est le roi Carl.

7 médailles

C'était à Los Angeles, en 1984, il avait 23 ans. Il gagne ses quatre premiers titres olympiques : au 100 m (9 s 99), au 200 m (19 s 80), en longueur (8,45 m) et au relais 4 × 100 m. À 27 ans, à Séoul, il est encore médaillé d'or au 100 m (9 s 92) et en longueur (8,72 m). À Barcelone, il a 31 ans. S'il fallait en croire les experts après sa déconvenue des sélections américaines (6e du 100 m), il était fini. Erreur. Avec un seul saut, le premier, il bat Mike Powell à la longueur et conduit son équipe à la victoire dans le relais 4 × 100 m avec un nouveau record du monde à la clef. Et, à Atlanta, dans quatre ans, il tentera malgré ses 35 ans passés de prouver une nouvelle fois qu'il est encore le meilleur.

Marketing

Le plus « sympa », aussi, car Carl Lewis a longtemps traîné une image négative d'éphèbe dénué de vrai charisme, de produit marketing ne lâchant que des ébauches d'émotions au moment choisi, à l'américaine. Là encore, le temps a corrigé la silhouette. La dignité avec laquelle il a su accepter ses défaites, les poignées de main ou les accolades concédées à ses vainqueurs ne sont pas si fréquentes sur les stades. C'est surtout son acharnement à défendre le clan et les valeurs sportives qui en fait, malgré lui, le leader que sa timidité un peu hautaine n'avait pas permis de faire valoir jusque-là. Prima donna de l'orchestre de Santa Monica, chef de file du relais 4 × 100 m, dont il n'hésite cependant pas à écarter ceux qui pourraient lui faire de l'ombre, il a manifesté à chaque victoire une joie sincère, plus éclatante que lors de ses triomphes individuels.

E.C.

Outre ses huit médailles d'or olympiques, Carl Lewis a été huit fois champion du monde et détient depuis 1991 le record du monde du 100 m en 9 s 86 ; sur 100 m (1983, 1987 et 1991) ; en longueur (1983 et 1987) ; au 4 × 100 m (1983, 1987 et 1991). Avec environ 70 000 dollars par meeting, Carl Lewis est, avec le perchiste Sergueï Bubka, l'athlète le mieux rétribué du circuit international. Sa fortune actuelle est évaluée à plus de 20 millions de dollars. En gagnant le relais 4 × 100 m, Carl Lewis a conquis sa huitième médaille d'or olympique. Cela n'en fait pourtant pas le recordman absolu de l'athlétisme masculin, puisque Paavo Nurmi, le légendaire coureur finlandais des années 20, en avait récolté neuf.

Marie-José, couloir no 5

C'est la dernière foulée, celle de la douleur et de la rage. Entre ces deux femmes, 22 centièmes de seconde vont faire la différence. Au couloir no 5, Marie-José Pérec, 24 ans, n'est plus soutenue que par cette seule obsession : rejoindre puis dépasser Bryzgina, 29 ans, ressortissante de la CEI, championne olympique à Séoul. « Soudain j'ai aperçu Bryzgina devant moi, dit-elle. Cela m'a sauté au visage. Je ne supporte pas de la voir là. J'ai douté une infime fraction de seconde : tu vas perdre ou quoi ? Et puis, j'y suis allée. » C'est-à-dire que dans les 60 derniers mètres, après 340 mètres d'effort, Marie-Jo trouve encore des réserves d'accélération. Elle termine sa course surhumaine en apnée pour ne revenir à elle qu'une fois la ligne d'arrivée franchie, un mètre devant sa rivale. Alors, l'oxygène enfle enfin ses poumons. Il a le goût de la victoire, celle d'une championne enfin en accord avec son immense talent, que son entraîneur de Créteil, Jacques Piasenta, rencontré il y a maintenant deux ans, a su exploiter au mieux de ses intérêts.

Discipline

À son contact, la Guadeloupéenne s'est en effet assagie au point de renoncer aux sorties nocturnes et aux grasses matinées qui désespéraient ses précédents entraîneurs. Décidée désormais à composer avec ses qualités innées, à en faire les instruments de sa réussite, elle se plie alors bien volontiers à la discipline d'un groupe d'athlètes de haut niveau et aux sévères séances d'entraînement imposées par son coach, qui reste insensible à ses caprices d'élève surdouée que déprime la vie en banlieue parisienne. Résultats : une troisième place aux championnats d'Europe de Stuttgart en 1990, un titre mondial en 1991 à Tokyo, une médaille d'or aux jeux Olympiques de Barcelone. En attendant le 800 m d'Atlanta où l'athlétisme français exigera de sa part qu'elle soit à la hauteur de son nouveau statut de vedette internationale. La discipline a trop besoin de cette grande « gigue » qui parvient, à elle seule, à camoufler une partie de ses déficiences. Mais, pour le moment, prise dans le tourbillon de la gloire, Marie-Jo va se consacrer à sa passion, la mode. Les plus grands couturiers rêvent déjà de lui passer des talons aux pieds à la place de ses pointes. Elle qui, dans son enfance, aux Antilles, semblait subir ce long corps qu'elle haïssait. Qui la contraignait à un acte fatigant : courir, et vite, alors qu'elle souhaitait devenir basketteuse pour se venger de ce don qu'elle n'avait pas choisi.