Environnement

La balade des déchets

Le 7 août 1992, un contrôle douanier inopiné permet de mettre au jour un très important trafic de déchets hospitaliers entre l'Allemagne, où la réglementation relative au recyclage et à la destruction des déchets est une des plus sévères au monde, et la France. Les quantités de déchets transférés dans des décharges de la Marne, de la Haute-Marne (Neuilly-sur-Suize), de l'Ain, de l'Aube (Saint-Aubin), de la Moselle (Etting-sur-Nied), de la Meurthe-et-Moselle (Jeandelain-court)... par une organisation très structurée de sociétés allemandes et françaises spécialisées dans le recyclage, le traitement et l'enfouissement, ont été évaluées à plus de 200 000 tonnes pour l'année 1991 et les sept premiers mois de 1992. Ce tonnage implique la rotation journalière d'une vingtaine de camions de vingt tonnes de charge utile ! Dès le 18 août, le gouvernement prend un décret interdisant l'importation de déchets en vue d'une mise en décharge. Le 21 août, les ministres français et allemand de l'Environnement parviennent à un accord interdisant le tourisme des déchets. Le 31 août, à l'occasion du sommet franco-allemand de l'Environnement, l'Allemagne s'engage à traiter totalement ses déchets. Ces décisions, qui limiteront très certainement les importations de déchets depuis l'Allemagne, posent le problème des déchets dans les pays industriels en cette fin de siècle.

La France produit 580 Mt (millions de tonnes) de déchets par an dont 20,5 Mt d'ordures ménagères, 8,5 Mt de résidus de l'industrie automobile, 18 Mt de déchets industriels polluants, 132 Mt de déchets industriels non polluants, 400 Mt de déchets agricoles et de l'industrie agroalimentaire et 700 000 tonnes seulement de déchets hospitaliers. En 1991, la France a importé 800 000 t d'ordures ménagères provenant de différents États de la CE et de l'Allemagne en particulier : 330 000 t dont 25 000 t d'ordures produites par la seule ville d'Heidelberg ! Le 10 septembre 1992, le gouvernement français, cédant devant les intérêts industriels et commerciaux d'entreprises spécialisées, autorise finalement l'importation de pyralène en provenance d'Australie. Ainsi, les pays riches qui se dotent de moyens de traitement des déchets polluants ou de retraitement de combustibles irradiés (usine de la Hague) continuent-ils de « placer » leurs déchets les plus toxiques dans les pays pauvres du Nord comme du Sud : 1 000 t de piles en Égypte, vieux colorants en Lituanie, 600 t de pesticides, herbicides et teintures toxiques à Sibiu en Roumanie, 650 t de pesticides périmés, au titre de l'aide à l'agriculture albanaise ! Il faut maintenant espérer que les conventions de Bâle (mars 1988) et de Bamako (janvier 1991), qui ont initié une stratégie internationale imposant l'élimination des déchets là où ils sont produits, se traduiront effectivement par une gestion écologiquement rationnelle de ces derniers.

Les risques nucléaires

Le parc des centrales nucléaires continue de se développer mais il commence à vieillir. C'est au vieillissement de certaines pièces de turboalternateurs, des générateurs de vapeur, des circuits électriques ou des systèmes de refroidissement ou encore au dysfonctionnement des générateurs d'énergie (une centrale nucléaire produit de l'électricité mais elle en consomme aussi pour le fonctionnement de ses systèmes de commande, de contrôle, de refroidissement...) qu'il faut attribuer la plupart des accidents. La sûreté des centrales souvent anciennes de l'ex-URSS et des pays de l'Est est très insuffisante, et les risques d'explosion et de pollution sont élevés. Ainsi la centrale de Koslodoui, qui fournit 40 % de l'énergie bulgare, a-t-elle connu des incidents graves ces dernières années : trois incendies ont paralysé les réacteurs les plus récents (réacteurs de type VVER à eau pressurisée), les 22 et 23 septembre 1992. Les expertises réalisées par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de la WANO (World Association of Nuclear Operators), ainsi que les financements accordés par la CE, l'OCDE et la BERD (Banque européenne de restructuration et de développement) ont permis d'engager d'importants travaux visant à améliorer les équipements et la sécurité de cette centrale. Le 24 mars 1992, une fuite de vapeur d'eau radioactive s'est produite sur un des tubes d'un réacteur de type RBMK (type Tchernobyl) à la centrale de Sosnovy-Bor, près de Saint-Pétersbourg... En France, où la sûreté nucléaire sans être totale est très satisfaisante, les centrales nucléaires ont connu, en 1991, 400 incidents, heureusement sans conséquence pour l'environnement, soit 7,3 incidents par centrale et par an. Les incidents les plus préoccupants, fissures et suintements, classés 2 sur l'échelle de gravité des accidents nucléaires, ont concerné les réacteurs 2, 3, 4 et 5 de la centrale de Bugey et 1 et 2 de la centrale de Fessenheim, des réacteurs de 900 mégawatts. La communauté internationale s'inquiète aussi du risque gravissime de pollution des eaux arctiques que représentent les 20 000 conteneurs remplis de déchets radioactifs, les réacteurs de sous-marins et de navires de surface, qui ont été immergés dans la mer de Kara, à 200 m de profondeur par la marine ex-soviétique. Elle s'inquiète aussi des effets que pourrait avoir sur toute la chaîne alimentaire la pollution par radioactivité du strontium, du césium ou du plutonium émanant des sous-marins nucléaires qui ont sombré l'un, le Komsomolets, dans la mer de Barents en 1989 et l'autre, dans l'Atlantique, à 1 100 km au large de Brest et par 4 600 m de fond, en 1970.

La sécheresse et l'Afrique

Tous les pays d'Afrique orientale et australe (Éthiopie, Somalie, Kenya, Tanzanie, Malawi, Mozambique, Zimbabwe. Zambie, Botswana, Swaziland, Lesotho, Namibie, Afrique du Sud et Madagascar) sont, depuis mai 1991, victimes d'une sécheresse exceptionnelle – la « pire du siècle » selon les autorités du Zimbabwe –, d'une sécheresse aussi sévère que celle qui, de l'Atlantique à l'océan Indien, avait affecté les états des zones saharo-sahélienne et sahélienne en 1972, 1973, 1983 et 1987 notamment. Les pluies ont été caractérisées en effet par leur extraordinaire modicité ; les saisons des pluies (une ou deux selon la situation géographique du pays considéré) ont été beaucoup plus courtes qu'à l'accoutumée. Les déficits pluviométriques ont, dans certaines régions, dépassé 60 % : à Harare au Zimbabwe, les précipitations de janvier et de février 1992 n'ont atteint que 43 et 12 mm respectivement, soit 20 et 7 % des normales ! Les déficits, aggravés par une très mauvaise distribution temporelle des pluies, ont eu des conséquences catastrophiques sur l'environnement et pour l'économie essentiellement agricole de ces États : diminution des ressources en eau du sol et du sous-sol, assèchement prolongé de certains cours d'eau, tarissement de sources et de puits, non-régénération des pâturages naturels, troupeaux décimés, chute des productions vivrières, prolifération des criquets dans le sud et le sud-ouest de Madagascar... La production céréalière totale, avec 6 millions de tonnes, ne représente que la moitié de la récolte habituelle. Le Zimbabwe et l'Afrique du Sud, jusque-là exportateurs de céréales, ont été contraints d'importer des quantités massives de blé, de maïs et de produits alimentaires. La FAO estime que 18 millions de personnes sont menacées de famine et a évalué à 10 millions de tonnes pour la seule année 1992 les besoins de ces États dévastés par la sécheresse, et dont certains sont également ravagés par la guerre civile. Les causes de ces sécheresses non périodiques mais récurrentes qui, en général, ne se produisent pas simultanément au nord et au sud de l'équateur sont encore mal connues. L'actuelle sécheresse en Afrique de l'Est et du Sud est peut-être une conséquence du phénomène El Niño, à moins qu'elle n'ait été induite par une baisse sensible de la température de surface de l'océan Indien (il est à noter que la « cyclogenèse » a été réduite dans le sud-ouest de l'océan pendant l'été austral de 1992). Si cette anomalie thermique de l'océan était avérée, elle pourrait être attribuée aux éruptions du Pinatubo dont le panache circumterrestre intercepte, depuis plus d'un an, une partie du rayonnement solaire incident.

Les forêts, un patrimoine menacé

Afin d'éviter la disparition totale de ses forêts naturelles, le gouvernement vietnamien a décidé, le 26 mars 1992, d'interdire les exportations de bois (se privant ainsi des revenus procurés par son troisième produit à l'exportation après le pétrole et le riz) et se donne pour objectif de planter 200 000 hectares chaque année. Cette décision à la fois courageuse, impopulaire et indispensable ne sera pas facile à mettre en œuvre, faute de moyens financiers, mais elle s'imposait car les forêts ne couvrent plus que 21 % du Viêt Nam, où la population, estimée à 67 millions d'habitants, vit sur un territoire de 330 000 km2.