Technologies de la communication

L'ordinateur accède au traitement des images et des sons avec l'arrivée de technologies dérivées du disque compact : c'est l'avènement du « multimédia », qui vise à faire traiter simultanément, sur un micro-ordinateur, des données, des images vidéo et des sons numérisés. Cette intégration de l'informatique, des télécommunications et de l'électronique grand public est aussi un nouveau challenge pour les industriels de ce secteur confrontés à une crise sans précédent qui les contraint à s'associer, à innover ensemble pour l'étude de nouvelles « puces » mémoires de grande capacité, à lancer de nouvelles générations de micros distribués dans les grandes surfaces...

Des dérivés du disque compact

À l'origine de cette révolution du multimédia, un produit grand public bien connu : le disque compact ou CD-Audio. Lancé voici dix ans par Philips et Sony, il s'est imposé sur le marché de la musique en balayant le disque noir vinyle : il restitue un son numérique de qualité parfaite et dispose d'un support inaltérable avec lecture laser sans contact. Il a donné naissance à toute une famille de produits d'électronique grand public. Tout d'abord le CD-Rom (mémoire morte), disque compact programmable destiné aux micro-ordinateurs pour le stockage et la diffusion de banques de données ; puis le CD-I (interactif), qui, en plus du son numérique, traite des images fixes ou animées. Connecté à un téléviseur, ce dernier sert à des jeux vidéo interactifs, à des programmes éducatifs, donne accès à des encyclopédies... Le CD-Photo, lancé par Kodak, avec pour ambition de remplacer la pellicule argentique, permet de visionner sur un téléviseur des photos préalablement numérisées, donc accessibles par l'ordinateur pour être éventuellement mixées à des sons et des données.

Mini-Disc contre cassette numérique

À ces trois produits est venu s'ajouter le Mini-Disc (MD), disque compact de petite taille (75 minutes de sons) qui peut être enregistré ; Sony l'a annoncé en septembre au moment même où son concurrent Philips lançait une technologie concurrente, la DCC (Digital Compact Cassette), cassette numérique qui viendra se substituer progressivement à la classique cassette audio qui date de plus d'un quart de siècle. Incompatibles, les deux concepts MD et DCC préfigurent une lutte sévère entre les deux géants japonais et hollandais. Sony abandonne la bande magnétique et joue la carte informatique avec un produit qui ressemble aux disquettes des ordinateurs ; Philips reste fidèle à la continuité, puisque les anciennes cassettes audio pourront aussi être lues par les nouveaux appareils DCC. La firme double son offensive avec son lecteur de CD-I, qui peut aussi lire le CD-Photo de Kodak et les actuels CD-Audio et qui deviendra, dans les foyers, le nouvel outil de la télévision interactive : certains experts le considèrent déjà comme le « magnétophone du siècle prochain).

Un nouveau système d'exploitation

Les constructeurs de micro-ordinateurs cherchent parallèlement à mettre au point un logiciel commun capable de marier ces trois mondes : données, sons et images. Microsoft, qui entend garder la maîtrise du monde des PC, propose déjà son standard MPC (Multimedia Personal Computer). De leur côté, Apple, Sony et Motorola se sont associés en juillet pour mettre au point dès 1993 un micro-ordinateur très compact et rapide, doté d'un nouveau système d'exploitation orienté multimédia. Ce portable fera appel aux nouvelles mémoires « flash », dans lesquelles l'information n'est plus stockée passivement dans un microcircuit de silicium ou sur une mémoire optique, mais directement programmée dans un microprocesseur, donc accessible à très grande vitesse.

Alliances dans l'électronique

IBM, Toshiba et Siemens se sont associés en juillet pour lancer un programme de RD de 1 milliard de dollars. But : mettre au point la « puce du xxie siècle », une mémoire de 256 mégabits, seize fois plus performante que les circuits actuellement en cours d'industrialisation, qui stockera l'équivalent de 16 000 pages dactylographiées. En microgravure électronique, les trois firmes vont faire un saut technologique de deux générations qui devrait à terme rendre obsolètes tous les microcircuits existants nécessaires aux nouveaux besoins de l'électronique portable, de l'automobile, etc. La technologie Risc (à jeu d'instructions réduit), qui rend les microprocesseurs plus performants, est aussi l'objet d'accords entre les grands de l'informatique : IBM, Apple et Bull, Digital et Olivetti.

De l'agenda électronique au « multi-ordinateur »

L'ordinateur multimédia d'Apple s'inscrit dans une nouvelle stratégie de la firme qui, après le Macintosh, s'oriente vers des « ordinateurs de poche communicants ». Outre une prise téléphonique ceux-ci disposeront d'une liaison par modem hertzien, pour envoyer par exemple une télécopie à l'autre bout du monde directement de la terrasse d'un café grâce aux réseaux de radiotéléphones cellulaires. Apple a déjà révélé en mai dernier le premier exemple d'un tel « agenda électronique », ou PDA (Personal Digital Assistant). Appelé Newton, et développé avec Sharp, il fait appel à l'intelligence artificielle et à la reconnaissance des formes : muni d'un stylet, il reconnaît l'écriture manuscrite, qu'il transcrit en caractères d'imprimerie pour validation, ainsi que les croquis tracés à main levée, qu'il améliore. L'ergonomie a été traitée pour en faire l'équivalent électronique d'un bloc-notes. Pour faire plus « vrai », les concepteurs ont même ajouté le son : on entend le crissement de la pointe du stylet sur l'écran, le bruit de la feuille de papier qu'on arrache et qu'on froisse... ATT, associé à Matsushita, propose aussi un tel appareil « multi-ordinateur », appelé « communicateur personnel », mais davantage orienté vers la téléphonie. Ces nouvelles « machines à communiquer » préfigurent une Bureautique itinérante pour les cadres dits « nomades » et annoncent de singuliers bouleversements dans nos habitudes de travail.

La crise de la micro

On parle de « mini-krach » dans la micro-informatique, qui représente un marché mondial de 80 millions de dollars et concerne environ 500 constructeurs. D'où une lutte farouche et des prix « cassés » : au cours de l'année, celui des PC a chuté de 30 à 40 %, et en moins de dix ans, le prix des ordinateurs aura été divisé par dix alors que leur puissance s'est accrue de manière exponentielle. Les micros deviennent des biens de grande consommation : Apple s'apprête à inonder le marché de ses nouveaux bas de gamme à moins de 5 000 F, vendus directement dans les grandes chaînes de distribution et par correspondance. Pour lutter contre la concurrence des « copieurs » du Sud-Est asiatique, IBM fait désormais fabriquer des « clones » de ses propres ordinateurs par deux sociétés qu'elle contrôle à Singapour.

Crise et emploi

IBM et Digital Equipment, les deux premiers constructeurs américains d'ordinateurs, ont annoncé respectivement 40 000 et 15 000 suppressions d'emploi. Depuis six ans, début du « marasme » de l'informatique, ils auront ainsi réduit d'un quart leurs effectifs. Pour la première fois de son histoire, IBM a avoué pour 1991 une perte sèche de 15 milliards de francs.

Le marché mondial des télécommunications

Il représente 413 milliards de dollars, environ 2 % du PIB de la planète. En tête des grands exploitants, le japonais NTT (48 milliards de dollars) suivi de l'allemand DBP (28,4), l'américain ATT (26), British Telecom (23,2) et France Télécom (22,4)... De grandes manoeuvres sont en cours : reprise des activités de l'américain ITT par le Français Alcatel, qui avait déjà absorbé l'italien Telletra. Le Britannique Cable Wireless s'associe avec le Canadien BCE, et Matra Communications avec un autre Canadien, Northern Telecom, pour développer des radiotéléphones mobiles numériques aux normes européennes GSM...

Les Médias du futur, par Frédéric Vasseur ; coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris.
Le Livre blanc du multimédia, par Claude Marson ; Éditions Capric, Levallois-Perret.

Claude Gelé
Journaliste scientifique