Le contentieux franco-canadien sur la pêche autour de Saint-Pierre-et-Miquelon rebondit. Mais a-t-il jamais perdu de son acuité ? Le 10 juin 1992, le tribunal arbitral de New York, chargé de délimiter la frontière maritime entre le Canada et la France, a porté un nouveau coup aux intérêts des Saints-Pierrais en réduisant à une peau de chagrin la zone relevant de la juridiction française. Celle-ci s'étend sur 12 400 kilomètres carrés (dont 8 700 kilomètres carrés de zone économique exclusive), soit le cinquième de ce que Paris réclamait, et ne renferme aucune ressource halieutique. Sur la lancée, le Canada voudrait renégocier le quota de poissons que les pêcheurs de l'archipel peuvent prendre dans les eaux canadiennes : de 23 000 tonnes, celui-ci tomberait à 4 tonnes. Les élus de Saint-Pierre sont venus faire savoir leur mécontentement au gouvernement français qui a « capitulé » devant Ottawa, sacrifiant « les 6 500 îliens qui ne pèsent rien en comparaison des TGV, des avions et des sous-marins atomiques que la France peut vendre au Canada ». La pêche à Saint-Pierre, c'est 450 emplois directs, 7 chalutiers modernes, une usine très performante de traitement du poisson et un chiffre d'affaires annuel de 160 millions de francs.

Présenté par le gouvernement français, mais dénoncé par les élus locaux qui déploraient « ce nouvel acte de colonialisme et ce manque flagrant aux lois de décentralisation », le projet de parc forestier du sud de la Guyane prend corps. Sa superficie devrait atteindre 1 800 000 hectares, aux confins du Brésil et du Suriname. On n'y dénombre que 2 550 habitants. Les terres y sont pauvres et les forêts trop éloignées pour donner lieu à une exploitation industrielle. Dans une partie du parc, les communautés indiennes pourraient poursuivre leurs activités traditionnelles : agriculture sur brûlis, pêche. Ailleurs, la circulation serait contrôlée et les espèces animales et végétales, protégées. Partout les aménagements seraient limités au maximum. Le plus grand chantier d'Europe, après le tunnel sous la Manche, se trouve... au cœur de l'Amazonie : à partir de 1995, le nouveau port spatial (spatioport) ELA.3, à Kourou, sera en tous points comparable à ses concurrents américains ou russes. L'Agence spatiale européenne (ESA) a confié au Centre national d'études spatiales (CNES) la maîtrise d'œuvre du chantier. 1 700 personnes y travaillent ; la moitié sont des Guyanais. La France participe pour 45 % à la réalisation de ce site qui représente au total un investissement de 10 milliards de francs engagés sur sept ans. Une soixantaine de mesures ont été prises après l'émeute du Chaudron, à la Réunion, en 1991. Elles n'ont pas réussi à résorber les problèmes sociaux de l'île. Le taux de chômage frôle la barre des 40 %. 50 000 personnes touchent le RMI (revenu minimum d'insertion). La durée du chômage est supérieure à 400 jours. 50 % des « RMIstes » sont analphabètes... et la liste de ces tristes records n'est pas limitative. Le thème de l'égalité sociale avec la métropole a été au centre de la campagne de Camille Sudre, nouveau président du conseil régional. Le SMIC réunionnais est en effet inférieur de 14 % à celui de la métropole, le RMI de 20 %, et le montant des prestations familiales a été réduit dès 1963 pour encourager la limitation des naissances. 6 500 jeunes gens arrivent chaque année sur le marché du travail, mais ils ont moins de 3 000 emplois nouveaux à se partager. Malgré de multiples incitations fiscales, les entreprises européennes préfèrent s'installer à l'île Maurice : sa main-d'œuvre qualifiée et bilingue est payée par un salaire moyen de 700 francs par mois. Consolation pour les Réunionnais : Télé-Free-dom, dont le PDG est... Camille Sudre, émet de nouveau depuis le 1er juin 1992.

L'annonce, le 8 avril 1992, de la suspension pendant un an des essais nucléaires a provoqué émotion et consternation en Polynésie française, habituée à vivre depuis 30 ans avec « la bombe ».

Claude Malassigné