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Afrique du nord

Au début de l'année 1991, la guerre du Golfe domine l'actualité internationale. Le Maghreb n'est naturellement pas à l'abri des secousses politiques et économiques engendrées par l'attaque, le 17 janvier, de l'Irak par les forces armées occidentales. De Nouakchott à Tripoli, la rue plébiscite le président irakien, qui incarne le héros de l'arabisme et de l'islamisme. Partout, l'engagement de la France suscite la colère des populations.

Au Maroc, où la présence en Arabie Saoudite de 1 200 soldats soulève de vives critiques, des dizaines de milliers de personnes se mobilisent à Rabat autour des partis d'opposition (3 février).

En Algérie, les manifestations presque quotidiennes sont conduites par le FIS. Le gouvernement algérien, qui avait d'abord composé avec les islamistes – la loi controversée sur l'arabisation est promulguée le 16 janvier –, se trouve peu à peu engagé avec eux dans une épreuve de force. Le 25 mai, soit un mois avant les élections législatives, le FIS appelle à la grève générale illimitée. Les manifestations et la montée de la violence à Alger provoquent des affrontements mortels avec les forces de l'ordre (4 juin), le report des élections au 26 décembre, l'instauration de l'état de siège (5 juin) et la formation par Sid Ahmed Ghozali d'un gouvernement moins marqué par le FLN (18 juin). Alors que les émeutes se poursuivent, l'arrestation, le 30 juin, de centaines de cadres du FIS, dont Abassi Madani et Ali Benhadj, ramène le calme dans la capitale.

Contrairement à son voisin, la Tunisie n'a jamais accepté de légaliser le mouvement islamique al-Nahda. Dès la fin de 1990, une centaine de ses cadres ont été arrêtés. Mais, répondant à l'appel du leader exilé Rached Ghannouchi, les jeunes militants entretiennent un climat de tension, notamment à l'université de Tunis, où des affrontements avec les forces de l'ordre font officiellement deux morts le 8 mai. Le 18 mai, 300 à 400 personnes, dont 100 officiers, sont arrêtées sous accusation de complot islamique.

Pour le Maroc, 1991 est l'année du trentième anniversaire de l'accession au trône de Hassan II et aussi celle de la préparation, sous les auspices de l'ONU, du référendum d'autodétermination du Sahara occidental, prévu pour le début de 1992, et dont l'enjeu mobilise la vie politique et sociale. Sur le plan diplomatique, les relations avec la France sont encore difficiles. Au contentieux créé par l'affaire Perrault (septembre 1990) s'ajoute l'expulsion manquée hors de France de l'opposant Abdel Moumen Diouri (20 juin). Le souverain adopte cependant une série de mesures spectaculaires avec l'élargissement d'anciens prisonniers politiques. La libération de la famille Oufkir (3 mars) est suivie de celle de l'opposant communiste Abraham Serfaty (15 août).

Après treize années de régime militaire, la Mauritanie s'ouvre au pluralisme politique pour s'acheminer vers un régime parlementaire et présidentiel, adopté le 12 juillet par un référendum constitutionnel.

Le Maghreb est une région économiquement et politiquement fragile. La guerre du Golfe, avec la baisse des revenus touristiques qu'elle a entraînée, a pesé lourdement sur les économies. Mais les résultats sont particulièrement alarmants en Algérie : 23 % de chômeurs, près de 50 % d'inflation et surtout une dette extérieure évaluée à 25 milliards de dollars, dont les remboursements absorbent les trois quarts des recettes de l'État. Le nouveau gouvernement en appelle à l'aide internationale et envisage de vendre une partie des champs pétroliers d'Hassi Messaoud. Cependant, le pays est en train de se doter d'une puissance nucléaire avec l'achèvement prochain de la construction d'un réacteur en coopération avec la Chine. Dans ce contexte, l'avenir de la région passe probablement par celui de l'Union du Maghreb arabe et un renforcement des relations entre ses membres et l'Europe, méditerranéenne principalement.

Marie-Odile Schaller

Afrique noire

Ouvert le 3 juin à Abuja, capitale fédérale du Nigeria, le 27e sommet de l'OUA a été marqué par la naissance d'une Communauté économique africaine, encore bien fictive, et surtout par la montée de l'inquiétude devant la remise en cause de l'unité territoriale en Somalie et en Éthiopie. Mais ce sont la fin des régimes à parti unique et la transition démocratique qui ont été au cœur des enjeux politiques de l'année.

Transitions douces, pénibles accouchements

La république des îles du Cap-Vert et celle de São Tomé et Príncipe ont donné, au premier trimestre, une leçon à tout le continent : les oppositions et leurs chefs ont remporté les élections pluralistes organisées par les ex-partis uniques au pouvoir depuis 1975. En Zambie, le 31 octobre, en choisissant Frederick Chilubé lors d'une compétition ouverte – nouveauté depuis 1972 –, les électeurs ont mis fin au règne de Kenneth Kaunda, qui durait depuis 1964. Au Bénin, où avait été mise en place une « Conférence nationale » dès 1990, Nicéphore Soglo a largement distancé l'ex-président Mathieu Kérékou lors des présidentielles de mars. Des élections ont également été organisées au Gabon, tandis que des substitutions « en douceur » étaient effectuées au Congo et au Niger.