La guerre du Golfe

Le conflit pouvait-il être évité ? Sûrement pas, car les Américains ne voulaient pas une solution diplomatique qui aurait permis à Saddam Hussein et au complexe militaro-industriel de l'Irak de sortir indemnes de l'aventure koweïtienne. Mais s'agissait-il pour autant d'une guerre programmée destinée à assurer la mainmise des États-Unis sur le Proche-Orient ?

Au commencement de l'année, la guerre dans le Golfe paraît inéluctable. Quinze jours avant l'expiration de l'ultimatum adressé par le Conseil de sécurité de l'ONU à l'Irak, rares sont ceux qui, à l'instar du président Mitterrand, croient encore « aux chances de la paix ». Dans ses vœux de nouvel an, ce dernier affirme que la fermeté peut encore amener Saddam Hussein à céder sur le Koweït comme il l'a fait sur les otages. Mais ni le voyage « exploratoire » de Michel Vauzelle, président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, à Bagdad, le 2 janvier, ni la rencontre de Genève entre Tarek Aziz et James Baker, le 9 janvier, pas plus que la mission entreprise par le secrétaire général de l'ONU dans la capitale irakienne, le 13 janvier, « en tant que porte-parole de la communauté internationale », ne pourront éviter l'épreuve de force, qui se précise de plus en plus.

Les dés sont jetés

Les deux camps se préparent donc à la guerre. Le 11 janvier, James Baker annonce devant les soldats américains déployés en Arabie Saoudite : « Nous franchirons le Rubicon à minuit le 15 janvier », tandis que le président Saddam Hussein promet la victoire de la « guerre sainte » en cas d'attaque américaine contre Bagdad. Les diplomates occidentaux restés encore en poste dans la capitale irakienne quittent le pays, à l'exception des Français, qui seront les derniers à abandonner le navire menacé de destruction. Le Congrès américain donne le feu vert au président Bush pour entrer en guerre, tandis que Saddam Hussein, imperturbable, fait approuver par son parlement sa politique suicidaire, qui exclut « toute concession sur le Koweït ».

Seule la France s'obstine dans sa quête pour une solution pacifique de la crise. Mais le plan de paix qu'elle présente le 14 janvier au Conseil de sécurité est rejeté par les États-Unis avant même d'être formellement discuté, sous le prétexte qu'il établit « un lien artificiel » entre l'évacuation du Koweït par l'Irak et la tenue d'une conférence internationale sur le problème israélo-arabe. Du coup, Roland Dumas, le chef de la diplomatie française, renonce à une mission de la dernière chance qu'il comptait effectuer à Bagdad. Le président Mitterrand s'incline devant l'inévitable et déclare devant le Parlement réuni en session extraordinaire que « le recours à la force armée pour contraindre l'Irak à évacuer le Koweït est désormais légitime ». Il ajoute cependant, apparemment dans le but de préserver l'avenir, que la « France n'est pas l'ennemie de l'Irak », ce qui ne l'empêche pas de déclarer, après le début de l'offensive aérienne du 17 janvier, qu'il « faut naturellement détruire le potentiel militaro-industriel de l'Irak ».

Le rôle de médiation, que la France abandonne à contrecœur, est repris vers la mi-février par l'URSS au cours d'une mission d'exploration entreprise à Bagdad par Evgueni Primakov, l'émissaire personnel de Mikhaïl Gorbatchev, pour vérifier « le fond de la pensée » de Saddam Hussein, tout en lui expliquant qu'il n'a aucune chance de résister à la coalition anti-irakienne et que l'Irak court au désastre. L'objectif de la mission de M. Primakov est d'obtenir de Bagdad l'assurance que l'Irak est prêt à retirer « sans conditions et sans réserves » ses troupes du Koweït, afin de pouvoir proposer un cessez-le-feu aux États-Unis. Le président Saddam Hussein semble céder et, le 15 février, rend publique une déclaration affirmant que l'Irak accepte la résolution 660. Cependant, le prix de la paix que propose le chef de l'État irakien est jugé prohibitif par les États-Unis. Avec leurs alliés de la coalition, ils estiment que son offre est assortie d'un si grand nombre de conditions qu'elle contrevient aux termes mêmes de la résolution 660 du Conseil de sécurité, qu'il se dit pourtant prêt à appliquer. Le président Saddam Hussein demande en effet, outre l'annulation des onze résolutions de l'ONU sur le Golfe, le départ des forces étrangères de la région, le retrait d'Israël des territoires occupés et la participation des « agresseurs » à la reconstruction du pays. Il n'empêche que MM. Bush et Mitterrand décèlent dans ces propositions un « élément nouveau », c'est-à-dire l'acceptation par le président irakien que le Koweït ne soit plus, « pour toujours, la dix-neuvième province » de l'Irak.

Sans conditions

Le plan de paix que Vitali Ignatenko, porte-parole du président Gorbatchev, soumet le 18 février au ministre irakien des Affaires étrangères, Tarek Aziz, embarrasse et irrite Washington, qui voit déjà, en cas d'acceptation des propositions soviétiques par Bagdad, lui échapper le fruit de sa victoire, c'est-à-dire la liquidation du régime de Saddam Hussein et la destruction du potentiel militaro-industriel irakien, qui, plus que la libération du Koweït, semblent être l'objectif véritable des États-Unis. Bagdad tarde cependant à faire connaître sa réponse, évitant surtout de fournir les assurances que les États-Unis exigent en ce qui concerne les modalités de son retrait de l'émirat, que Washington voudrait humiliantes. Ce n'est que tard dans la nuit du 21 au 22 que M. Ignatenko annonce à la presse que les entretiens entre MM. Gorbatchev et Tarek Aziz ont abouti à un succès, l'Irak ayant donné une réponse positive au plan du chef de l'État soviétique dont le premier point prévoit « le retrait complet et inconditionnel » des troupes irakiennes du Koweït.