Les Soviétiques n'ignorent pas que l'acceptation irakienne est toujours jugée incomplète à Washington et, en conséquence, ils s'engagent à peaufiner le plan de retrait avant de le soumettre au Conseil de sécurité. Trop tard : le vendredi 23, à 16 heures, le président Bush enterre le plan soviéto-irakien en quelques phrases lapidaires en donnant à Saddam Hussein jusqu'au samedi 24 à midi (heure de Washington) pour « entamer son retrait immédiat et inconditionnel du Koweït ». Toutes les requêtes de Mikhaïl Gorbatchev suppliant George Bush de suspendre « pour un jour ou deux » l'ultimatum demeurent vaines. Baptisée « phase finale de la libération du Koweït », l'offensive est déclenchée le 24 à 4 heures, heure de Paris, exactement à la date prévue depuis quinze jours.

Elle ne dure que cent heures, Bagdad acceptant le 28, et sans conditions, l'ensemble des résolutions des Nations unies.

Le pot de fer contre le pot de terre

Commencée le 17 janvier vers minuit par la plus gigantesque opération aérienne depuis les raids de l'aviation américaine sur le Viêt-nam, la guerre du Golfe, menée conjointement par une coalition de forces hétéroclites groupant vingt-neuf pays et conduite par les États-Unis, s'est terminée quarante-six jours plus tard, à l'aube du 28 février, par la reddition inconditionnelle de l'armée irakienne, que les Américains avaient un peu hâtivement qualifiée de « quatrième armée du monde ».

On ne connaîtra probablement jamais le bilan exact des pertes irakiennes civiles et militaires, car les autorités de Bagdad ont observé sur le sujet la plus grande discrétion. Le chiffre de 200 000 tués généralement avancé par les estimations les plus modérées donne une idée de la sévère correction infligée aux Irakiens par les forces coalisées.

Un autre chiffre est plus précis : 283 soldats alliés ont trouvé la mort, dont 2 soldats français. Il souligne mieux que toute démonstration savante l'énorme différence qualitative qui existait au début du conflit entre les deux forces en présence. Du côté des alliés : une panoplie d'assaut diversifiée comprenant les armements les plus modernes et les plus sophistiqués, servie par une technologie de pointe, une protection électronique sans failles et des appareils dotés de moyens de navigation et de visée tout-temps. Du côté irakien : un armement qui a fait son temps, même s'il a été performant dans la première « guerre du Golfe » contre les Pasdarans iraniens sous-armés et dépourvus de toute couverture aérienne.

Que pouvaient faire les quelque 5 000 chars de combat contre une aviation ultramoderne utilisant des bombes à effet de souffle, particulièrement dévastatrices, surtout contre des concentrations de forces en terrain plat, notamment dans le désert ? La supériorité aérienne fut telle que, pas une fois, les avions irakiens, qui avaient fait la preuve de leur efficacité contre l'Iran, n'ont pu prendre l'air pour tenter de s'opposer à l'aviation alliée. De jour et de nuit, et en quarante-deux jours, cette dernière a effectué près de 106 000 sorties au cours desquelles ont été larguées des centaines de milliers de tonnes de bombes. La quatrième armée du monde ? Certainement pas. Mais peut-être la première du monde arabe, en raison précisément de l'aide qui, pendant sa guerre contre l'Iran, lui a été fournie par l'URSS et par les pays occidentaux.

De toute manière, la lutte était par trop inégale – le combat du pot de fer contre le pot de terre – : les dernières cent heures qui précédèrent la reddition des forces irakiennes furent plus une sanglante opération de nettoyage qu'une guerre dans le sens propre du terme, puisqu'il n'y eut pratiquement pas de combats véritables. Le 24 février, lorsque les coalisés lancèrent l'assaut terrestre, l'armée irakienne était déjà battue, laminée par quarante-deux jours de pilonnage aérien. Démoralisés, isolés et à court de vivres et de munitions, les soldats de la garde républicaine, que l'on disait motivés et prêts à combattre jusqu'à la mort, pris dans la nasse, ont préféré se rendre plutôt que de se battre à armes inégales.