Ainsi, l'Opéra Bastille, enfin sorti de sa quarantaine, administré par une direction unifiée, sauvé par une saison croisée avec celle du palais Garnier et par des coproductions, a réussi à s'adapter au climat difficile de l'année avec 234 représentations qui ont servi au mieux Mozart et les œuvres lyriques de dimensions modestes.

Mais ce sont les Régions qui ont détenu le record du travail imaginatif. Une bataille s'est engagée pour réhabiliter et rediffuser la musique française, trouver de nouveaux lieux de concerts, mettre au point une politique d'échanges, prévoir la rencontre des cultures, imposer des distributions internationales. Les responsables de manifestations plus traditionnelles ont enfin pris le risque de mettre des œuvres oubliées à l'affiche. France/Israël, France/Amérique, France/Union soviétique : toutes ces nouvelles associations ont servi à propager la musique contemporaine, à comparer les techniques des écoles d'interprétation, à échanger les expériences.

Avec un concert donné par des étrangers vivant en France, la Fête de la musique a participé à sa façon à cette ouverture, confirmée par la vitalité dont témoignent déjà deux nouveaux festivals (rivaux ?) implantés en région bordelaise, le premier (le Mela), à Bègles, et le second (les Cinq Sens en v.o.), à Villenave-d'Ornon, et tournés vers les musiques urbaines extra-européennes ou spécifiquement afro-antillaises.

Des lieux nouveaux

Cette célébration du choc des cultures a nourri le programme contemporain de l'Opéra Bastille et du Théâtre de l'Europe, l'un proposant la création française de Un Re in ascolto, de Luciano Berio, sur un livret auquel Italo Calvino a collaboré et qui avait été produit en 1989 par Graham Vick au Covent Garden ; l'autre, avec un spectacle du Berlinois Helmut Bauman et du Zürichois Jurq Burth, Kurt Weill Revue, donné de Berlin à Broadway, en passant par Paris, et avec Atlas, opéra sans paroles de Meredith Monk, ancienne commande du Grand Opéra de Houston.

En accueillant pour cinq ans l'orchestre de chambre des Solistes de Moscou, Montpellier renforce une politique qui incite les Régions à bouger. Toulouse et Lyon ont ainsi défendu le répertoire français ; Évian a entendu la création du concerto pour violoncelle de Maurice Ohana ; Nancy, Aix-en-Provence et Avignon ont inscrit au programme de leurs festivals des œuvres peu connues de Benjamin Britten. En position privilégiée, Montpellier s'est tourné vers Florent Schmitt et la région de Mâcon vers Anton Dvorak, dont le cent-cinquantième anniversaire de la naissance risquait d'être occulté par l'année Mozart. Les villes de Nantes et de Strasbourg se sont tournées vers l'Est. Cette dernière a pu le faire grâce à Musica 91, en commençant à rechercher des lieux nouveaux (usines, entrepôts, musées, appartements privés, etc.).

La capitale n'est pas encore prête à donner de telles possibilités supplémentaires. Cette année, le patrimoine architectural s'est tout de même enrichi de la salle du Conservatoire et du Théâtre impérial de Compiègne, qui, telle la Belle au bois dormant, sommeillait depuis cent vingt ans pour cause d'interruption des travaux. Il est souhaitable que ces deux nouvelles salles puissent bientôt contribuer, avec l'ensemble des foyers actifs, au renouveau amorcé du rayonnement de la France.

Catherine Michaud

Variétés

Le rap a quitté la violence et la haine des ghettos nord-américains pour trouver dans nos banlieues défavorisées une résonance authentique, parfois teintée d'humour, surtout auprès des « p'tits beurs ». Du coup, malheureusement, le show-biz s'est passionné pour le rap.

Après avoir plus ou moins dénigré l'argent du beur – mais pas celui des Belges Benny B –, la France profonde fut, elle aussi, initiée au rap grâce au pastiche des Inconnus. « Auteuil, Neuilly, Passy » – bien que drôle à la première écoute – rejoint tout de même les « Beau, Beau le lavabo » et autres hymnes à la « beauferie ». En revanche, du côté de la frontière parfois mince qui sépare le populaire du populisme, nous avons eu droit à un titre qui a offert une nouvelle expression aux ados : « Bouge de là », de M.-C. Solar...