Maux de Terre

Les forêts disparaissent, la ceinture de feu du Pacifique explose alors que l'eau, ailleurs, envahit des continents. Que peut encore faire l'homme ?

Réuni à Paris du 17 au 26 septembre 1991, le 10e congrès forestier mondial a permis à près de 3 000 experts de réfléchir sur « la forêt, patrimoine de l'avenir ». À neuf mois de la conférence des Nations unies sur l'Environnement et le Développement qui tiendra ses assises à Rio de Janeiro, ce congrès était l'occasion de sensibiliser les responsables politiques et les opinions publiques aux problèmes des forêts et de montrer le rôle déterminant de la forêt, espace de vie, dans l'économie comme dans l'équilibre des relations biosphère-atmosphère.

Richesse économique pour de nombreux États du Nord : Canada, URSS, Finlande... et du Sud : Brésil, Malaisie, Gabon..., la forêt est l'habitat d'une faune et d'une flore variées ; c'est aussi un patrimoine social qui peut être orienté vers les loisirs, la détente ou le tourisme grâce à la mise en œuvre de politiques adéquates d'aménagement du territoire. Il s'agit de gérer le plus rationnellement possible les forêts boréales, tempérées et tropicales existantes dans le cadre de l'exploitation des ressources naturelles renouvelables et de la protection de la nature.

Pour certains États du Sud, et même du Nord, la déforestation, le dépérissement des forêts risquent de remettre en question les possibilités éventuelles d'un développement durable. À moins d'une décennie de l'an 2000, toutes les forêts sont plus ou moins menacées. Les forêts tropicales, que les PAFT (Plans d'action forestiers tropicaux) ne paraissent pas en mesure de protéger efficacement, représentent 50 % de la forêt mondiale. Précisons qu'elles ne fournissent que 20 % environ de la production totale de bois d'œuvre et d'industrie et que, sur 1,3 milliard de mètres cubes de bois extraits chaque année, 1,1 milliard de mètres cubes le sont à des fins énergétiques (bois de feu et charbon de bois).

Au rythme actuel de la déforestation (17 à 20 millions d'hectares par an), la forêt devrait disparaître de Bornéo, de l'Amazonie et du bassin congolais dans un siècle. Dans les régions tempérées et boréales, l'état, l'exploitation et le statut de la forêt varient considérablement d'un pays à l'autre. En Pologne et en Tchécoslovaquie, les forêts, victimes de la pollution de l'air, de l'eau et des sols, agonisent ; les forêts méditerranéennes sont, chaque année, victimes de feux répétitifs ; les forêts de résineux de Finlande ou du Canada fournissent le bois vital pour l'économie (le Canada est le premier producteur mondial de papier journal, le 2e de pâte à papier, le 3e producteur de bois d'œuvre). La forêt française hétérogène et très artificialisée que se partagent les propriétaires privés (70 %), les communes (18 %) et l'État (12 %) est une des rares forêts d'Europe dont la superficie augmente régulièrement (8 millions d'hectares en 1800, 12 millions en 1990).

L'avenir prévisible de la forêt devrait conduire la communauté internationale à réfléchir sur les voies et les moyens permettant de sauvegarder ce patrimoine de l'avenir : droit de la forêt ? moratoire sur l'abattage des forêts ? convention relative à la gestion des ressources forestières ?

Le delta maudit

Le Bangladesh s'identifie à un pays-delta, un delta construit tout au long du quaternaire par trois puissants cours d'eau : le Brahmapoutre, le Gange et la Meghna et leurs innombrables défluents, qui forment un lacis inextricable et changeant. Le Gange et le Brahmapoutre prennent leur source dans la chaîne himalayenne et plus précisément dans les monts Kaïlas, au Tibet méridional, et la Meghna, dans le plateau de Shillong, en Assam. Consécutivement à la déforestation systématique, anarchique et suicidaire des contreforts de l'Himalaya dans le Bhoutan, le Sikkim et le Népal, ces cours d'eau charrient des quantités croissantes de sables et de limons. Cette charge solide confère aux eaux fluviales un puissant pouvoir d'érosion : les berges, les levées et les anciennes digues sont sapées, et les lits des rivières ne cessent de se déplacer, menaçant les régions de culture et même les villes : celle de Sirajgang est, ainsi, contrainte de s'adapter aux divagations du Brahmapoutre.