Ces derniers ont encore agi en ordre dispersé dans un certain nombre de domaines. Si leurs positions et leurs stratégies diffèrent, il n'en demeure pas moins que plusieurs idées les ont rassemblés. Ils sont et ont été unanimes à dénoncer l'accroissement des inégalités, à approuver les négociations sur les bas salaires (la CFE-CGC et son président, Paul Marchelli, réélu pour un troisième mandat en juin, ont toutefois souligné les dangers de l'égalitarisme et du tassement des hiérarchies) ou à refuser que la crise du Golfe ne serve de « prétexte » à un retour à l'austérité économique pour les salariés.

Car le patronat n'a pas apprécié la « nouvelle étape sociale » que lui a imposée le gouvernement. Si le CNPF a accepté d'ouvrir des négociations de branches sur les bas salaires (commencées le 1er octobre, elles dureront jusqu'à la fin de 1992) et invité ses fédérations à les engager, il a déclaré que l'État n'avait pas à se mêler de ce qui regardait exclusivement les partenaires sociaux et ce d'autant moins que de nombreux accords salariaux avaient déjà été signés. François Périgot a demandé des compensations : une hausse du SMIC assez faible en juillet, des allégements dans les prélèvements fiscaux et sociaux, des efforts en direction de la formation et de meilleures conditions pour la transmission des entreprises.

Le patronat a réaffirmé que, si la situation s'améliorait, il ne fallait pas pour autant céder à l'euphorie, et que, dans le contexte actuel de guerre économique, la compétitivité devait passer avant la lutte contre les inégalités. S'il s'est félicité de la décision de ne pas faire supporter le prélèvement pétrolier par les entreprises, il n'en a pas moins contesté l'insuffisance des allégements fiscaux.

D'autres sujets de friction (UCANSS, retraite, etc.) ont dégradé le climat entre l'État et le patronat. Ainsi, ce dernier a continué de préférer la négociation d'entreprise à des discussions plus générales. En plus de l'accord sur le travail précaire (signé par trois syndicats et par deux organisations patronales), n'a été ratifié cette année que le renouvellement de l'accord qui régit le financement de la retraite à 60 ans jusqu'à la fin de 1993, tandis qu'étaient engagées − mais non conclues − les négociations sur la mobilité géographique et professionnelle et sur la formation.

Dominique Colson

Budget

Le budget 1991, baptisé « antichoc », n'a pas remis en cause les grandes orientations politiques (efficacité économique et justice sociale) mais a tenu compte de la crise du Golfe qui a éclaté le 2 août, en envisageant la possibilité d'un troisième choc pétrolier aux effets inflationnistes et récessionnistes. C'est pourquoi il a été légèrement remanié au mois d'août : le gouvernement a procédé à une réduction de 8 milliards de francs des dépenses publiques et a décidé de recycler ces économies vers l'appareil productif, l'objectif essentiel étant de préserver la capacité d'investissement des entreprises.

L'investissement sous toutes ses formes

Portées à 1 278 milliards de francs, les dépenses publiques ont moins progressé que les années précédentes et, en valeur, nettement moins que le Produit intérieur brut (4,8 % contre 5,4 %). Ce sont surtout les dépenses de fonctionnement qui se sont accrues (+ 5,8 %). Elles sont l'expression des priorités accordées à la préparation de l'avenir, à la rénovation du secteur public et à la réduction des inégalités, et se traduisent par un effort particulier effectué en faveur de l'éducation (avec des crédits en hausse de 9 % et quelque 13 000 créations d'emplois, ce poste est passé en tête pour la première fois depuis 1980 et devance maintenant celui de la défense), de l'emploi, de la formation professionnelle, de la recherche (+ 7,3 %), de l'environnement (+ 43,5 %), de la justice (+ 12,4 %), du Revenu minimum d'insertion, du logement social et de l'Aide publique au développement (+ 10,9 %). En revanche, et cela est beaucoup moins favorable, les intérêts de la dette publique ont continué d'augmenter (+ 9,1 %).